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Quatre visions, quatre univers chorégraphiques se succèdent lors de Bella Figura, dont la première a eu lieu le 11 septembre au Théâtre Maisonneuve. Une soirée, signée par les Grands Ballets Canadiens, à multiples facettes, parfois inégale, mais qui témoigne d’une belle ambition artistique : celle de faire dialoguer différentes écritures du corps et d’ouvrir des espaces sensibles, parfois déroutants, toujours intrigants.
Présentée pour la première fois en 1973 pour le Ballet de Stuttgart, Volontaries de Glen Tetley est une pièce de haut calibre, visiblement très exigeante pour ses interprètes sur le plan technique. Portant sur le deuil, la chorégraphie se distingue par des portées complexes, parfois réalisés avec des corps volontairement — et remarquablement — inertes, et par une gestuelle évocatrice, traversée de puissantes images symboliques, dont certaines rappellent la Crucifixion, notamment. La mise en scène soignée, soutenue par un éclairage sculptural et des justaucorps longs d’un blanc épuré, confère à l’ensemble une esthétique sobre, mais efficace.
Les danseurs : Rachele Buriassi et Esnel Ramos. Crédit photo : Sasha Onyshchenko
Malgré cette richesse formelle, la pièce peine à susciter une véritable résonance émotionnelle. Si elle ambitionne d’explorer les zones troubles entre perte et transcendance, l’interprétation, pourtant techniquement solide par moment, reste en surface, peinant à traduire toute la charge émotionnelle du propos. Quelques interprètes, à l’instar de Marcel Gutiérrez et Alexandra Eccles, parviennent à insuffler une intensité plus incarnée, mais cela ne suffit pas à ancrer durablement l’œuvre dans la mémoire du spectateur. La musique d’orgue, aux accents puissants et parfois oppressants, ajoute une lourdeur qui accentue la distance, rendant l’expérience à la fois pesante et déroutante.
Le ton bascule radicalement lors de l’œuvre de Hélène Blackburn, Fête Sauvage. Sur une scène plongée dans la pénombre, les interprètes se succèdent à l’avant-scène pour zyeuter le public, comme pour en sonder les moindres réactions. Le martèlement de talons hauts, de bourrés expéditifs et des soupirs des danseurs comme écho à cette atmosphère tendue.
Les puits de lumière à l’avant-scène forment un espace presque secret, intime, où les danseurs se rassemblent, se rencontrent, se relaient. Le temps d’un rassemblement clandestin dans cet espace isolé, les solos et duos présentent une chorégraphie riche en mouvements saccadés et en précision, une fusion intense entre « la technique du ballet et l’énergie de la danse contemporaine », comme le souligne la chorégraphe.

Inspirée par le confinement et l’interdiction de la proximité physique, Hélène Blackburn a créé Fête Sauvage en ode à ce besoin vital de se réunir, d’embraser le collectif. « J’ai imaginé une tribu d’individus brûlants de vivre, mus par une force vitale qui résiste à l’enfermement. [La pièce] met en scène un rassemblement interdit, clandestin et viscéral, une fête instinctive qui ne demande ni autorisation ni justification — un exutoire à la fois charnel et symbolique. »
Une pièce particulièrement intense en découle. Sur la musique de Martin Tétreault, pulsations musicales font écho au cœur battant : ces quelques vingt minutes qui composent la pièce captent l’attention et maintiennent en haleine. En une vingtaine de minutes, Fête Sauvage impose un souffle haletant, une tension continue, et laissant le spectateur marqué par la puissance brute de ce moment de danse clandestine.
Le troisième tableau, de six minutes seulement, offre un pas de deux léger chorégraphié par Jérémy Galdeano et Věra Kvarčáková, tiré de la pièce NEBE. Un faisceau lumineux fend la fumée, ouvrant un corridor poétique entre rêve et réalité, un danseur se trouvant de part et d’autre de ce seuil invisible. L’effet visuel, dès la levée du rideau, instaure une atmosphère suspendue, presque irréelle et onirique.

Le duo se découvre peu à peu, dans une gestuelle empreinte de douceur, comme deux âmes appelées à se rencontrer par une nécessité silencieuse. Malgré sa brièveté, ce moment de grâce touche profondément et suscite un vif désir d’explorer l’univers complet de l’œuvre dont il est issu.
Les rideaux jouent un rôle central dans la pièce de Jiří Kylián, bien au-delà de leur fonction décorative. Montant et descendant au fil de la pièce, ils dissimulent ou révèlent les corps et créent des fenêtres scéniques sur la scène où sont confinés les danseurs. Ce dispositif visuel instaure un sentiment d’intimité troublant avec les interprètes, particulièrement saisissant lors d’un moment d’une grande délicatesse : deux femmes, presque entièrement dénudées, explorent silencieusement le corps de l’autre sans jamais se toucher. Tout est dans la retenue, la fluidité, la douceur — une scène de grâce suspendue, intensément poétique.

Hommes et femmes évoluent torse nu, brouillant volontairement les frontières de genre et déconstruisant les codes plus traditionnels du ballet. Cette proposition esthétique, déjà forte en elle-même est magnifiée par l’engagement expressif des interprètes, dont la puissance émotionnelle donne naissance à plusieurs passages d’une rare intensité.
On en redemande, notamment de ces moments d’intimité subtile, de ces jeux visuels amplifiés par les longues jupes rouges en mouvement. Mais le peu que l’on reçoit suffit à ressentir le privilège d’assister à une œuvre aussi audacieuse et sensible.
Le programme est présenté au Théâtre Maisonneuve jusqu'au 20 septembre 2025.
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