S’asseoir en cercle autour des interprètes pour écouter trois histoires « spectaculaires », c’est ce que propose la dramaturge Marianne Ségol dans sa pièce de théâtre L’aventure invisible, qu’elle a conçue avec le metteur en scène suédois Marcus Lindeen et qui sera présentée au Théâtre Prospero du 14 octobre au 1er novembre.

L’aventure invisible forme avec les pièces Wild Minds et Orlando et Mikael ce que Marianne Ségol et Marcus Lindeen ont baptisé la Trilogie des identités — trois œuvres qui « traitent de l’intime et [qui] questionnent nos identités ». 

La pièce s’appuie sur trois récits : celui de Jérôme Hamon, premier homme à avoir subi une greffe totale du visage ; de la Dr Jill Bolte Taylor, une neuroanatomiste américaine qui a vécu un accident vasculaire cérébral (AVC) dont elle a mis huit ans à se rétablir ; et de Sarah Pucill, une cinéaste de Londres ayant mis en mouvement des photographies de l’artiste non binaire Claude Cahun et avec qui elle entretient un lien obsessionnel.

À partir d’un travail de recherche et d’entrevues, L’aventure invisible imagine une rencontre fictive entre ces trois personnalités, qui seront interprétées par Alexis Grimard, Binéka Danièle Lissouba et Mo Bolduc. 

Contrairement à la plupart des pièces de théâtre, l’accent n’est pas mis sur le jeu des acteurs et actrices, mais sur le texte. En réalité, l’essentiel de la pièce s’apparente à une discussion, sans déplacements sur scène, décrit Marianne Ségol. Mais cette apparence d’oralité est en réalité « extrêmement travaillée », dit-elle. Le texte est en effet transmis aux interprètes à partir d’une oreillette, et cette « partition sonore » qu’ils suivent est récitée par des acteurs de doublage et a fait l’objet de montages et de réécriture.

Écouter une histoire

À cet accent mis sur le récit s’ajoute une mise en scène atypique, où le public est invité à s’asseoir en cercle autour des interprètes, rompant ainsi le quatrième mur, sans pour autant que ce public interagisse avec eux. « Il y avait cette idée d'être autour d'un feu, de raconter des histoires dans une sorte d'intimité, d'avoir une proximité », soutient la conceptrice.

Le duo Marcus Lindeen et Marianne Ségol n’en est d’ailleurs pas à sa première mise en scène de la sorte. Dans Wild Minds, une pièce de théâtre mettant en scène cinq personnes atteintes d’un « trouble de la rêverie compulsive », le public disposé en cercle est convié à une séance de thérapie de groupe imaginaire.

Dramaturge mais également traductrice de romans et de pièces de théâtre en norvégien et en suédois, Marianne Ségol a côtoyé de nombreux auteurs et autrices de ces pays scandinaves. L’aventure invisible doit une partie de son inspiration à leur manière de raconter une histoire, à leur dramaturgie « très forte ». La dramaturge cite à titre d’exemple Jon Fosse, Jonas Hassen Khemiri ou encore Sara Stridsberg. Tandis que le théâtre français est, selon elle, « beaucoup plus dans la poétique de la langue, mais moins dans la manière dont on la structure ».

Pour cette pièce, la dramaturge veut amener le public à faire preuve d’écoute et à porter un regard bienveillant et sans jugement. Marianne Ségol estime que le conflit est omniprésent dans nos sociétés, non seulement au théâtre, mais aussi dans les médias et dans nos discussions. « Si on enlève ce conflit, qu'est-ce que ça devient, le théâtre ? », se demande-t-elle. Voilà la question à laquelle tente de répondre L’aventure invisible.

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