« Le féminisme. Qu’est-ce qu’elle a cette cause-là pour être traitée autrement que les autres causes ? Est-ce qu’un homme érudit pourrait me mainsplanner la réponse ? »

Jeudi 12 janvier, 19 heures : malgré les avertissements de tempête hivernale, les spectateurs et  spectatrices étaient bien décidés à ne pas manquer leur rendez-vous à l’Usine C ! Après avoir fait un tabac à l’automne 2021, la pièce Féministe pour Homme, écrite par Noémie de Lattre et mise en scène par Alix Dufresne, joue sa deuxième représentation pour la saison d’hiver 2023. À la manière du stand-up, ce spectacle drôle et profond jette les bases d’une analyse nécessaire sur les enjeux du féminisme moderne.

Dans son œuvre écrite en 2019, l’autrice et comédienne française Noémie de Lattre manie parfaitement l’art de vulgariser des enjeux de société délicats par l’intermédiaire d’un monologue captivant et désopilant. Elle y explore des thèmes variés autour du patriarcat : la préséance octroyée au masculin dans les règles de grammaires française, le sexisme ordinaire, les violences obstétricales, la culture du viol, le mansplaining, les diktats de féminité, etc. Le langage employé est empreint de rhétorique et d’allégories frappantes pour dénoncer la domination masculine et les innombrables stigmas qu'elle engendre sur l'ensemble de la société, y compris sur les hommes.

Ayant connu un grand succès à Paris lors de sa nomination à la 32ème cérémonie des Molières en 2020 dans la catégorie meilleur spectacle solo, l’œuvre a par la suite été adaptée par la dramaturge Rébecca Deraspe, afin d’être rendue mieux accessible au public québécois.

Contrastant avec un décor plutôt sobre, Sophie Cadieux réalise une entrée en scène fracassante, et parvient tout de suite à tisser un lien de complicité étroit avec son auditoire, brisant le quatrième mur. Tout au long de la pièce, elle insuffle son énergie débordante : la comédienne court d’un bout à l’autre de la scène, déplace et monte sur les blocs qui y sont installés, réalise divers mouvements de fitness avec frénésie, le tout sans ne jamais s’arrêter de réciter son texte à pleine voix. Plus encore, son plaidoyer décomplexé est entrecoupé de chorégraphies vigoureuses de Zumba, ou encore agrémenté d’un sketch éducatif et hilarant sur les propriétés vertueuses du clitoris : la figurine grandeur nature qui lui sert de modèle ne manque pas à l’appel…

Une chose est certaine, la discrétion et le politiquement correct ne sont pas à l’ordre du jour. Pour autant, lorsque le sérieux du discours l’exige, la comédienne parvient sans difficulté à faire taire les rires dans la salle pour traiter des sujets plus graves. Dans un coup de gueule, son discours dénonce avec ferveur les oppressions systémiques dont les femmes sont victimes, statistiques à l’appui. Notamment, la comédienne rappelle les actualités récentes, telles que le retrait du droit à l’avortement dans plusieurs états des États-Unis, le décompte alarmant des féminicides au Québec, l’utilisation du viol comme arme de guerre en Ukraine.

Néanmoins, loin de s’apitoyer sur son sort, l’autrice a pris certaines précautions afin de relativiser le vécu collectif dont il est essentiellement question dans la pièce. Bien que le texte survole de nombreuses injustices flagrantes auxquelles toute spectatrice peut aisément s’identifier, la comédienne admet sans détour son privilège de femme blanche, cisgenre et hétérosexuelle.    

Envie d'entendre l'hilarant coup de gueule féministe de Noémie de Lattre et Alix Dufresne à l'Usine C, il reste encore une semaine de représentations jusqu'au 21 janvier! Rendez-vous ici pour consulter le site du spectacle.