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Dans le cadre de la dernière soirée de la quarantième édition du Festival de Jazz, le grand guitariste brésilien Yamandu Costa était de passage au Monument National dans une formule trio. En cette journée où s'est éteint l'incontournable João Gilberto, c'était le moment rêvé pour voir cette nouvelle étoile de la musique brésilienne reprendre le flambeau, bien qu'ailleurs sur le spectre.
Le guitariste gaúcho a su se mériter un immense succès d’estime au fil des 15 dernières années, d’abord dans les cercles adeptes du choro, un style de musique qui, tranquillement, commence enfin à rayonner à l’extérieur des frontières du Brésil. Mais, grâce à sa virtuosité, à son ouverture d’esprit et à son intérêt pour les autres traditions musicales latino-américaines, Yamandu Costa dépasse allègrement les frontières de ce genre musical, le plaçant parmi les plus grands guitaristes de la planète. Son art de la composition s’est aussi raffiné au cours des dernières années, misant davantage sur la musicalité, ce qui le rend du même coup plus accessible et digeste pour un auditoire plus vaste. Armé de sa guitare classique à sept cordes, un instrument communément utilisé dans la tradition du choro, Yamandu Costa nous en a mis plein les oreilles, plein la vue et plein le cœur tout au long de son concert.
En maîtrise de son art
Il monte d’abord seul sur scène pour nous offrir l’impressionnante « El negro del branco », comme s’il voulait accrocher l’auditoire dès le début tout en mettant derrière lui la pièce contenant le plus d’artifices à la guitare. Qu’on ne se trompe pas, le guitariste est tout à fait capable de captiver un public pour un spectacle solo entier, mais ce soir-là, il nous conviait à passer une soirée avec son trio plutôt que seulement avec lui. C’est d’ailleurs là une des grandes découverte de la soirée : plutôt connu comme soliste, le guitariste nous a montré à quel point il joue merveilleusement en équipe. Et, lorsqu’il se laisse ainsi aller, la virtuosité du musicien se révèle plus complète encore : elle ne repose pas uniquement sur sa maîtrise remarquable de la guitare mais bien sur un incroyable sens musical (ce qui, malheureusement, n’est pas donné à tous les virtuoses !). Ses acolytes le lui rendent bien, laissant le jeu du guitariste bien à l’avant.
Dès les dernières notes de cette première pièce, une suite qui évoque diverses lignes mélodiques des compositeurs l’ayant le plus influencé, de Pixinguinha à Baden Powell en passant par Radamés Gnatalli, le public est en liesse. On comprend que les gens qui se sont déplacés sont soit des brésiliens déjà au vent de ce prodige de la guitare, soit des connaisseurs avertis qui reconnaissent déjà l’importance de Yamandu Costa dans l’histoire de la guitare. Il prend alors la parole – il se débrouille d'ailleurs très bien en français – afin d’inviter Guto Wirtti à venir le rejoindre avec sa basse acoustique. Les deux musiciens ont une complicité évidente sur scène.
On constate alors tout le chemin parcouru par le guitariste. L’introverti qui se recroquevillait constamment sur sa guitare au début de sa carrière, concentré sur son jeu et semblant oublier le public, est devenu une bête de scène qui sait amplifier sa musique de ses gestes expressifs. Même s’il joue toujours assis, sa guitare semble légère alors qu’il la soulève, l’approche de son corps ou l’éloigne au gré des mouvements présents dans sa musique, qui prennent forme dans son corps.
Diversité des styles musicaux
Ce duo nous permettra aussi de voir à quel point Yamandu Costa n’est plus le guitariste d’un seul genre, le choro, auquel il a contribué en y apportant des influences du sud du Brésil et de l’Amérique du sud en général. En effet, le duo nous offre une pièce magnifique, « Dandy » à la rencontre du jazz manouche et des musiques sud-américaines. Après la magnifique « Bolero Negro », Wirtti sort de scène et Yamandu y invite le bandonéoniste argentin Richard Scofano. Ce nouveau duo nous offrira deux pièces magnifiques, dont un tango. Scofano et Costa impressionnent avec leurs nombreuses nuances, sachant doser de façon précise les moments qui doivent être joués forts et ceux plus doux, nous emportant dans leurs crescendos, nous transportant dans le lyrisme d’une musique qui prend ancrage en nous, en racontant une histoire, au-delà des mots.
Puis, Yamandu nous offrira son trio au complet pour le reste du concert, en passant par certaines des ses plus belles compositions. Dès la première pièce entamée par le trio, très rapide, la précision de l’ensemble est hallucinante. Parmi les autres morceaux joués, on retiendra particulièrement « Milonga Choro », qui sied si bien au trio en offrant un mélange inédit et ambitieux (« prétentieux » selon les dires du guitaristes !) entre les deux styles évoqués dans le titre. On remarque aussi la très belle « Paraguayta » qui montre bien que ces musiciens peuvent faire preuve de grande musicalité même lorsqu’ils jouent plus lentement et plus doucement. Le maître de la guitare la présentera comme étant une pièce plus « sensible, plus romantique » et on ne s’en étonne guère : cette pièce sonne comme l’amour !
Parmi les grands
Comme dans les sports, arrive de temps en temps un nouveau champion qui réécrit le livre des records. Yamandu Costa est de ceux-là. Par exemple, le légendaire album Friday Nights in San Fransisco, qui réunissait les géants John McLaughlin, Al Di Meola et Paco de Lucia et qui a influencé toute une génération de guitaristes paraît désormais très pâle à côté de l’œuvre de Costa tant ce super-trio reposait presque uniquement sur les prouesses techniques. Costa dépasse largement plusieurs des légendes de la guitare grâce à son sens de la musicalité, offrant des mélodies simples mais raffinées, belles, efficaces, qui s’entremêlent aux motifs rythmiques traditionnels qu’il interprète de façon innovatrice. Toute personne intéressée par la guitare aujourd’hui se doit de connaître ce grand virtuose qui redéfinit l’art de l’instrument, qui a su inventer son propre style tout en s’ancrant dans diverses traditions (choro, milonga, bolero, samba, bossa nova, tango et même jazz manouche). Le concert d’hier soir, grâce à la formule trio, nous permet aussi de voir à quel point Yamandu Costa est un compositeur hors-pair. Or, rares sont les surdoués de la guitare qui ont aussi su maîtriser cette forme d’art, le maître Hendrix étant une des très rares exceptions confirmant cette règle.
Plusieurs se doutaient que Yamandu Costa avait le potentiel pour redéfinir les limites du jeu à la guitare. Avec maintenant plus de vingt ans de carrière, ce dernier est arrivé là où plusieurs l’attendaient : il redéfinit les règles de l’art, il se tient sans contredit en tête de peloton, en plus d’avoir su développer son art de la composition pour lui permettre d’éviter de rester emprisonné dans une niche, tant au niveau du style musical que de son auditoire. On sort de ce spectacle remarquable, délicieux de la première à la dernière note, sans aucun temps mort, touchés d’avoir eu le privilège d’entendre le meilleur guitariste qu’il nous ait été donné de voir.