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De retour après la pause. C’est ce qu’on a l’impression de vivre lorsque l'on lit la suite du premier livre de David Goudreault, La bête à sa mère. Dans La bête et sa cage, on retrouve le narrateur « sans nom », la « bête », dans l’aile psychiatrique d’un pénitencier. Dysphasique, souffrant de troubles de l’adaptation impliquant le spectre de l’autisme, en plus d’être diagnostiqué troubles de la personnalité antisociale et narcissique, la « bête » se cherche plus que jamais dans sa cloison. Et il attend toujours la lettre de sa mère qui reconnaîtrait sa maternité, désirerait le revoir et reformer une vraie famille.
« Ils ont affirmé que mon récit était d’une transparence, d’une candeur désarmantes. Ça aurait joué en ma faveur. Paraîtrait que j’ai une capacité d’introspection minimale bien que je m’exprime à foison. C’est grâce à mes études en rien du tout. Autodidacte de la tête aux pieds. Je bombais le torse au tribunal, pas peur fier. »
Toujours aussi désarmante, la « bête » nous comble une seconde fois de ses répliques philosophiques à 10 cents. Raciste, égocentrique, philosophe pas cultivé, homophobe et complètement hors de la réalité, notre « sans nom » disjoncte dans sa cellule après avoir écopé d’une peine de 16 ans suite à son meurtre.
Dans ce second livre, l’auteur s’attarde davantage sur la manière dont « réfléchit » le narrateur et on comprend assez rapidement qu’il n’y a aucune logique, aucune rationalité dans ses pensées. Sa réalité est basée sur des distorsions cognitives et malheureusement, au lieu de le soutenir dans un changement cognitivo-comportemental, on a préféré le mettre dans un endroit où il ne demandera pas trop d’attention : la prison.
Vol au-dessus d’un nid de coucou
La réalité carcérale décrite par David Goudreault, auteur et travailleur social, est ici accélérée, mais fondée sur des données factuelles. La « bête » est entourée des pires criminels, mais aussi des pires cas de troubles mentaux. Il passe le temps en observant ses confrères sur qui il porte des jugements hâtifs et condescendants. Seule la solitude le pousse à aller vers les autres, à daigner leur accorder un peu de temps, comme s’il leur faisait don de lui par pitié pour eux. Pourtant, il est autant sinon plus seul et fou que tous.
« Les comportements sociaux, c’est aussi compliqués que les humains. Rejeté depuis toujours, parce que génial et incompris, je n’ai pas appris tous les codes et coutumes. (…) C’est ardu de développer des habiletés sociales, seul dans son coin. »
Chaque attention qu’on lui porte est perçue comme un signe d’acceptation, d’amour, de fraternité. Il s’imagine faire partie de la grosse gang qui dirige tout, alors qu’il est clairement manipulé par ses membres. Il se fait agressé sexuellement, on rit de lui, on l’utilise. La seule façon de ne pas souffrir de sa réalité, c’est de la fuir.
La « bête » se cherche une place, un clan, une famille. Abandonné(e) par sa mère, par les familles d’accueil et par les services sociaux, le milieu criminel lui semble un endroit tout indiqué pour lui, lieu où il pourrait s’émanciper hors des règles sociales, être indépendant, être libre des conventions et idées préconçues de la société!
« La liberté, c’est dans la tête. Et j’ai le crâne vaste. »
Quand le crime devient refuge aux délaissés
La « bête » se raconte des histoires depuis son enfance, s’imagine une vie beaucoup plus grande et intéressante, se croit plus intelligent que les autres, car personne ne lui a jamais dit qu’il était digne d’être, d’être aimé, d’être apprécié pour ce qu’il est.
Au-delà des grands criminels, on retrouve souvent des « délaissés de la société » dans le milieu carcéral. Plusieurs prisonniers n’ont aucune famille, ont été balancés d’un lieu à l’autre sans qu’on s’attarde à eux, sans qu’on leur porte attention, sans qu’on les accompagne dans leur cheminement personnel et social.
On peut penser aux gangs de rue qui recrutent aisément des jeunes qui défient les normes et recherchent des gens comme eux, des personnes à qui s’identifier, une famille recomposée.
L’homme en vient à vouloir monter les échelons de la hiérarchie criminelle, seule façon pour lui de se savoir plus grand et plus fort que les autres, de nourrir son égo, de s’auto-motiver dans sa valeur propre.
«Je prenais du galon à la vitesse de la lumière. Je ne serais plus seulement un tueur impulsif, presque accidentel, avec des circonstances atténuantes. Je devenais un tueur à gages. Avec tout ce que ça implique de notoriété. Les meilleurs films, les jeux vidéo les plus cool s’appuient toujours sur un tueur à gages. »
Il rêve d’être un des plus grands tueurs à gages. Il rêve d’être le plus grand tout court. Au fond, il ne veut qu’une chose : qu’on reconnaisse sa place dans la vie, qu’on reconnaisse qu’il existe pour quelqu’un.
Maman, viens me chercher!
Toujours imprégné de sa mère, il dénature ses relations avec les femmes et demeure en constante recherche d’amour. Il idéalise Édith, son agente correctionnelle, s’imagine un amour réciproque, se projette dans un futur avec elle. Ses distorsions sont si tordues qu’il en viendra à assouvir son désir de posséder Édith.
« Elle m’avait attendue; ma dulcinée était encore vierge (…) Elle se crispait, se tordait d’appréhension, mais je l’ai apaisée (…) Lorsque j’ai entrouvert les yeux à nouveau, je ne voyais plus que ses larmes. Quel bonheur, quelle intensité. Pleurait-elle de plaisir, de plénitude, d’amour, de tout ça à la fois? Il y avait trop longtemps déjà que j’étais un homme, je ne pouvais l’accompagner et brailler de bon cœur avec elle. Mais je devais assumer mes responsabilités. Alors me sont venus les seuls mots, le seul poème digne de cet instant. Ve t’aime. »
La plume poétique de David Goudreault décrit avec doigté ce que la « bête » ressent, tout l’amour qu’il a pour Édith, son besoin d’être aimé en retour, de combler l’autre dans ses désirs, ses pulsions, mais…tout ça est dans sa tête! On assiste carrément à un viol tout en sachant les intentions amoureuses de l’agresseur.
Les scènes qui chevauchent le livre La bête et sa cage sont admirablement décrites avec réalisme et on sent que l’auteur abuse de son talent pour bien nous secouer par la violence, l’érotisme cru, le non consentement des actions posées, mais aussi nous attendrir par les besoins d’appartenance, de sécurité, de valorisation, de reconnaissance et j’en passe qu’on sent si fragiles chez la « bête ».
Parfois on aimerait le couvrir de notre affection et de notre empathie inconditionnelle, mais les gestes qu’il pose nous poussent à le haïr ardemment. Pas de répit pour le lecteur, la « bête » nous tient!
Ce second livre est encore plus bouleversant que le premier, mais on gagne à y découvrir la « bête » dans son inconscient, dans ses bouleversements intérieurs, dans sa démesure affective. Coup de maître à l’auteur!
« Je vais ressortir (…) J’ai une mère et une femme à retrouver dehors. Rien à foutre de vos expertises et de votre réhabilitation, à partir de maintenant je n’écouterai que ma conscience. Le crime organisé m’a baisé, tant pis, je roulerai en solo. »
Et oui…un troisième livre est en cours.
La bête et sa cage
David Goudreault
Éditions Stanké