Entrevue avec Marcelle Dubois, directrice artistique du festival Jamais Lu

Le temps file au pays de Molière. Il ne reste presque plus qu’un mois avant de découvrir les nouvelles merveilles de dramaturgie dégotées par le festival Jamais Lu!  Hier soir au Théâtre Aux Écuries, l’équipe du festival révélait la programmation de sa 22e édition qui se tiendra du 5 au 13 mai…  Un beau cocktail de joie et de lucidité!

Un festival de lecture de textes théâtraux… Encore une sortie culturelle élitiste, inaccessible et remplie d’artistes maudits, me direz-vous ? Que nenni! Je me suis entretenue avec Marcelle Dubois, la directrice artistique et, plutôt que des textes abscons, elle nous promet rassemblement de joie, enthousiasme créatif et émerveillement poétique! 

« C’est comme lorsque l’on te raconte une histoire. Tu n’as pas besoin de posséder les codes, tu es juste là avec les mots et les comédiens. » 

La joie, facteur de création et de subversion

Voilà 22 ans que Marcelle Dubois dirige la cellule artistique du Jamais Lu : « 22 ans! Cela veut dire que j’ai vécu autant de temps avec que sans. » C’est dire combien la découverte de nouveaux auteurs contemporains lui tient à coeur. Mais pas de n’importe quelle façon! Car le festival est « à l’art théâtral ce que le show live est à la musique » BRUT. Chaque texte est un premier jet : l’autrice, la comédienne, la spectatrice sont soumises à une seule loi, celle de l’énergie insufflée par l’art vivant. Vivant, il l’est uniquement parce qu’il y a échange entre ces trois pôles qui se retrouvent chaque soir dans l’espace intime du Théâtre Aux Écuries pour profiter pleinement de la lecture des textes sélectionnés. 

« Le théâtre ce n’est pas comme le roman ou la poésie, ce n’est jamais complètement terminé, tant qu’il n’y a pas cette rencontre-là avec le public. » 

 

Cette année Marcelle Dubois s’est entourée des artistes Jade Barshee et Gabrielle Lessard (anciennes participantes du Jamais Lu) pour proposer les Joies Lucides comme thème de la 22e édition. « Ce qui est le plus subversif aujourd’hui c’est de proposer des rassemblements pour la joie, des moments où on est lucide, où on est conscient que notre monde évolue » nous dit-elle. Le Jamais Lu se présente ainsi comme un moyen de se mettre ensemble, de prendre parole pour puiser dans nos réservoirs de joie et de résistance collective. Les 9 soirs de l’édition tirent de cette façon un lien entre joie et lucidité pour « chercher l’équilibre entre ces deux nécessités ».

Pour vous aider à organiser votre semaine au Jamais Lu, voici un survol (presque exhaustif) de la programmation  : 

En ouverture du festival, le projet Tiohtià:ké : cartographie de récits autochtones de Déné Nahka Bertrand retracera l’histoire de Tiohtià:ké (Montréal) depuis les récits de différentes communautés autochtones. Une belle réappropriation de l’histoire qui allie art visuel, mises en récit et musique! 

Samedi 6 mai : 

14h : Blanche Gionet-Lavigne présente Le Faussaire, une enquête documentaire autour d’un tableau transmis d’une génération à l’autre.

20h : La femme de nulle part de l’autrice et metteuse en scène Anna Sanchez est une odyssée identitaire entre le Québec, la France, l’Algérie.

Vendredi 7 mai : 

20h : L’univers à la fois tendre et dur de La nuit m’avale (Kathleen Laurin-Mc Carthy) nous plonge dans les questionnements de trois personnages à l’orée de l’âge adulte qui souhaitent un avenir à la hauteur de leurs idéaux. 

Dimanche 8 mai : 

20h : Graisse de bine l’opéra, de Victor Choinière Champigny (Vincent Kim à la direction musicale), nous transporte dans un village imaginaire où les personnages (mi-hommes, mi-animaux) sont confrontés aux lois de l’éthique et de la morale : doivent-ils tuer ou non un gros bébé pour survivre ? 

Lundi 9 mai : 

16h : Comment notre conception patriarcale du monde est-elle née ? Avec Électre anatomisée, Anatole électrisé Elizabeth Gravel nous propose une relecture conscientisée des grands classiques. 

20h : Dans Blue Band et Mojito, Marie Louise Bibish Mumbu organise un enterrement de vie de jeune fille peu banal! 

Mercredi 10 mai : 

20h :  Dans Phosphore, l’autrice Josianne T. Lavoie offre une mise en scène poétique et documentée de l’histoire des femmes allumettières de Hull, qui ont été à l’origine du premier syndicat de l’histoire du Canada. 

Jeudi 11 mai : 

20h : Avec La maison sous les arbres de Blake Sniper, François Ruel Côté nous amène dans une forêt où culte contemporain du bien-être, codes du film d’horreur et série B se mélangent avec joie! 

Vendredi 12 mai : 

20h : Dans Vaquita, Eugénie Beaudry met en scène un père sur un terrain de soccer qui veut le meilleur pour son garçon et une mère qui se bat pour les droits de sa fille. Mais que souhaitent-ils vraiment ?

Plutôt que des joies éphémères, le Jamais Lu cherche à explorer des joies qui nous donnent la force de changer, de nous rassembler et de réfléchir. Plutôt qu’être paralysé par l’angoisse et la peur, le Jamais Lu propose de célébrer la création enthousiaste de l’art vivant. Au côté des 9 lectures de la semaine, on pourra profiter des Chambres de défoulements, des 6 à 7 festifs qui permettront aux autrices et auteurs de se défouler non pas avec les poings mais avec les mots. Tout au long de la semaine, en préambule des lectures du soir, on pourra ainsi écouter des textes qui détruisent les carcans et les stéréotypes qui nous empêchent d’atteindre cette fameuse joie lucide. 

Fer de lance du théâtre au sein de la francophonie internationale, la 22e édition prévoit également des oeuvres venues de France (Les essentielles de Faustine Noguès et Au ciment de la brume de Nicolas Girard-Michelotti) et des Caraïbes (Cette femme-là de Nicole Cage). 

Loin de l’événement littéraire obscur et abscons, le Jamais Lu est un « momentum pour se poser des questions, pour prendre le pouls de la société, mais aussi pour être ensemble et se donner un peu de force pour la suite! » 

Rendez-vous du 5 au 13 mai au Théâtre Aux Écuries, les billets du Jamais Lu sont déjà en vente par ici!