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Jusqu'au 2 juin, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) présente Les Chaises d'Eugène Ionesco, dans une mise en scène sobre et efficace signée Frédéric Dubois. Les deux très grands comédiens qui la défendent sont Monique Miller, dans le rôle de « La vieille », et Gilles Renaud dans celui du « Vieux ».
Bien que toute la dramaturgie de Ionesco ait été qualifiée de « théâtre de l'absurde » – parce que toutes les clés ne nous sont pas données sur un plateau d'argent –, je n'ai pourtant jamais vu une pièce faisant autant sens que celle-là! Écrite en 1951, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le monde ne semblait plus avoir aucun sens, avec tous ces millions de morts n'ayant servi qu'à renverser la folie d'un seul homme! Il fallait retrouver le sens de vivre, fût-ce par l'ironie et par l'absurde... C'est dans cette mouvance qu'est apparu le théâtre d’Eugène Ionesco.
Que vaut une vie? Qu'en avons-nous compris et retenu? Que laisserons-nous après notre mort? Quel message important pouvons-nous laisser à nos descendants? Ce sont à toutes ces questions que tentera de répondre le dramaturge à travers les personnages de sa pièce, soit un couple de vieillards arrivés au crépuscule de leur vie.
Alors que Malraux affirmait, en 1912 : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie », on pourrait dire que Ionesco, pour sa part, ne répond que par la première prémisse : « Une vie ne vaut rien. » C'est en cela qu'on parle de théâtre de l'absurde, parce que Ionesco sous-tend, tout au long de sa pièce, que la vie n'est qu'absurdité, que du néant auquel on tente de donner un sens...
Que se cache-t-il derrière Les Chaises?
Un couple de vieillards de 94 et 95 ans vit sur une île inventée, balayée par les grands vents. Ils ont vécu toute leur vie ensemble. Reclus et renfermés sur eux-mêmes, ils refont chaque soir le même rituel : ils se redisent les mêmes mots, se racontent le même événement, encore et encore, en n'omettant aucun mot – dit selon le même ordre obsessionnel – sinon, ils doivent tout recommencer. La femme fait le sempiternel même reproche à son homme : « Tu aurais pu faire beaucoup mieux, si tu avais eu de l'ambition! » Son mari lui rétorque toujours la même réponse : « Mais je suis maréchal!... maréchal des logis! C'est bien assez! » La femme parle de leur enfant, alors que le mari dit qu'ils n'en ont pas eu... Qui croire? Où se situe la vérité? Et si la vérité se cachait derrière ces paroles, en désirs inavoués, en renoncements jamais acceptés? Bref, on assiste ici au bilan d'une vie, avec son lot de regrets, de rêves inassouvis, alors qu'au seuil de la mort, tout se mélange et devient flou... et que tout cela n'a plus aucune importance, finalement!
Et ainsi s'écoule le temps, jour après jour...
Un jour, ils décident d'inviter beaucoup de monde, dont tous leurs amis d'antan et même l'Empereur, pour leur livrer un message important. C'est ainsi que la porte sonne à de nombreuses reprises, qu'ils vont accueillir leurs amis imaginaires, qu'ils leur font la conversation et qu'ils les invitent gentiment à s'asseoir, sur les nombreuses chaises qu'ils vont chercher pour l'occasion. Mais ces chaises demeurent vides... Qu'importe! Ils mettent en scène cette soirée comme si elle était bien réelle, et que les dizaines de chaises apportées étaient toutes occupées... Ils désirent livrer un important message avant de mourir, et c'est pourquoi ils attendent l'Empereur avec tant de fébrilité. C'est l'Empereur qui devra livrer ce message. Ce dernier arrive enfin, dans un grand halo de lumière qui fait référence au Christ. Il est cependant d'un ridicule consommé. Affublé d'un seul grand chandail de laine qui se détricote à mesure qu'il avance, cet Être sublime, suprême, dont on attendait tant – et surtout qu'il révèle le Grand Message – est en fait un être totalement muet, impuissant, capable seulement d'émettre quelques borborygmes indistincts. Puis, les deux vieux se jettent dans les bras de la mort.
Au cours de cette dernière soirée, les deux vieux auront parfois eu un éclair de lucidité – et d'humilité – par rapport au legs réel qu'ils laisseront à l'humanité. Ils diront et répéteront: « Au moins, nous aurons eu notre rue... »
Que de vérité et de sens, dans cette pièce! Les Chaises traite de l'angoisse universelle des hommes face à la mort ; la pièce aborde le bilan de leur vie, le souci de leur legs et l'absurdité de tout ce qui constitue une vie, lorsque placée devant la mort. Comme on se reconnaît dans tous ces traits monstrueusement humains! Et c'est pour cela qu'on y rit beaucoup, malgré tout.
Les Chaises, l'une des pièces les plus intelligentes que j'aie vues cette année, dans une mise en scène irréprochable de Frédéric Dubois, avec Monique Miller et Gilles Renaud. À voir jusqu'au 2 juin.