Bien que je considère qu’il ne devrait pas exister de sujets tabous avec les enfants, je crois que certaines thématiques plus abstraites ou complexes peuvent parfois être difficiles à aborder dans des mots adaptés. C’est pourquoi je vous présente aujourd’hui des livres de grande qualité qui peuvent servir d’outil pour ouvrir une porte sur des sujets plus délicats. 

Invisible

Tom Percival, Scholastic (3 ans +) 

Malgré ses couleurs froides et son propos poignant, cet album est très lumineux. Abordant avec justesse la thématique de la pauvreté, l’histoire met en scène Isabelle, une fillette contrainte de déménager avec sa famille lorsque les factures s’empilent. Se sentant devenir invisible, Isabelle se met à remarquer les autres habitants qui, comme elle, sont seuls et ignorés en raison de leur singularité. Souhaitant accorder toute son attention à ce qui compte réellement, la jeune fille décide de prendre action dans sa communauté afin de faire une différence. Ce récit poétique traite de précarité, mais il fait surtout de l’humanité, la générosité et la beauté, les sujets principaux de l’œuvre. 

Grand ours s’en est allé

Jane Chapman, Tigre & cie (3 ans +) 

Depuis le décès de Grand Ours, les animaux de la forêt jonglent entre tristesse et colère, incapables d’arrêter de s’ennuyer de leur ami. Leur deuil s’amorce au même rythme que les saisons s’écoulent. Parfois ils parlent de leur ami, d’autres fois ils pleurent sa mort. Parfois ils s’installent en silence, d’autres fois ils se remémorent de bons souvenirs. Pour continuer de faire vivre Grand Ours à travers eux, ils décident d’unir leurs forces et de terminer un grand projet qu’avait débuté leur ami. Ficelé avec douceur et bienveillance, cet album exprime délicatement les sentiments qui peuvent survenir après la perte d’un être cher.  

Papy est reconnecté

Philippe de Kemmeter, Éditions Saltimbanque (4 ans +) 

À travers les yeux d’un enfant-pingouin, la vieillesse et la perte de mémoire sont abordées dans cet album drôle et touchant. Le jeune narrateur adore passer du temps avec son Papy, même s’il se rend compte que ce dernier répète souvent les mêmes choses et qu’il oublie parfois certains détails comme l’endroit où il a mis ses clés… et comme venir le chercher à l’école ! Un soir, il oublie même d’éteindre la cuisinière et son igloo prend feu. C’est à ce moment que le petit-fils fait appel à ses amis pour créer toute une surprise à son grand-père qu’il aime tant.  Un livre magnifique qui célèbre les relations intergénérationnelles !

Les ballons d’eau

Sarah Degonse, Les Éditions de la Bagnole (4 ans +) 

Pour la majorité des enfants, maîtriser ses émotions n’est pas une tâche facile. Charlie, qui est hypersensible, en sait quelque chose puisqu’elle doit constamment cohabiter avec ses ballons-émotions. Comme elle ressent toutes les émotions avec plus d’intensité, elle se sent parfois envahie. C’est pourquoi elle aime imaginer que ses émotions sont comme des ballons : certains sont si légers qu’ils s’envolent, d’autres sont si lourds qu’ils restent au sol. Parfois ils éclatent, d’autres fois ils l’écrasent. Supportant le récit avec grâce, les illustrations aident à bien visualiser cette efficace métaphore. Il s’agit d’un album tendre qui normalise l’hypersensibilité et qui donne quelques trucs pour aider à voir cette particularité comme un superpouvoir. 

La réparation de mes parents

David Goudreault, Éditions D’eux (4 ans +) 

Cet album traite avec beaucoup humanité de la séparation des parents. Coco, Lélé et leur poisson Grobetta sont tristes que leurs parents aient rompu, mais ils comprennent que même si le lien entre leur papa et leur maman se brise et se transforme, celui qu’ils entretiennent respectivement avec chacun d’eux reste intact. Visant à déresponsabiliser les enfants, cette histoire pleine de poésie, de vérité et de respect met de l’avant le fait que les enfants (et les poissons !) n’ont rien à voir dans la triste décision de mettre fin à une relation entre adultes. Dans une mise en page aérée qui appuie le texte et témoigne du fait que les séparations ne sont pas obligées d’être surchargées, cette histoire ponctuée d’humour est franchement positive. 

Nous sommes tous différents

Tracey Turner, Kimane Éditions (5 ans +) 

Ce livre coloré et nuancé est une véritable célébration de la diversité sous toutes ses formes. Ratissant très large, la diversité des goûts et des intérêts y est abordée, tout comme les diversités familiales, fonctionnelles, physiques et ethniques. On y parle des garçons, des filles, des non binaires, de l’adoption, des familles d’accueil, des différents modèles familiaux, de la fratrie, des troubles du spectre de l’autisme, des difficultés d’apprentissage, des handicaps, des groupes ethniques, des différentes cultures et tellement plus encore. Autant par la représentation visuelle des personnages que par le propos du texte, chacun peut se reconnaître et sentir que ses particularités sont valorisées. S’il n’y avait qu’un seul livre que chaque bibliothèque devrait contenir, je pense que ce serait celui-ci. 

Les bons trucs font les bons amis

Eric Braun, Éditions Midi Trente (6 ans +) 

Autant pour ceux qui se font des amis en claquant des doigts que pour ceux qui éprouvent davantage de difficulté à entrer en contact, l’art de l’amitié peut parfois être ardu à maitriser. Pour aider les enfants à mieux saisir le concept, ce documentaire illustré partage des astuces pour créer des liens avec de nouvelles personnes, enrichir et cultiver les amitiés existantes, bien gérer les conflits et faire preuve d’empathie. Divisé en six chapitres, ce petit guide d’intervention coloré exprime des trucs pratiques dans un langage clair et accessible. Il fait même participer le lecteur grâce à des scénarios qui poussent à la réflexion. Un outil truffé d’humour fort pertinent!

Fille garçon

Hélène Druvert, Éditions Saltimbanque (6 ans +) 

Ce livre est une véritable œuvre d’art! Avec des découpes, des volets à soulever, des sections à bouger, des doubles-pages à ouvrir et des illustrations inclusives, la qualité visuelle est impressionnante. Bonne nouvelle : le contenu l’est tout autant. Abordant habilement les stéréotypes de genre, cet ouvrage explique que garçon ou fille, tout le monde a le droit de rêver aux mêmes choses, d’avoir les mêmes passions, de pratiquer les mêmes métiers, d’exprimer les mêmes émotions, d’aimer n’importe qui et de se faire respecter. Bien qu’il aborde au passage l’identité de genre et l’orientation sexuelle, ce livre est davantage une ode à la liberté de choisir qui on a envie d’être. 

Pow pow, t’es mort! 

Marie-France Hébert, Les 400 coups (7 ans +) 

Manu et Unam sont deux enfants de la même génération. Alors que premier s’ennuie à l’école et attend avec impatience le moment où il pourra retourner tuer des gens grâce à ses jeux vidéo, le deuxième n’a qu’une envie : que la guerre dans son pays se termine pour qu’il puisse enfin retourner à l’école. Pendant que l’un se plaint et ignore sa chance, l’autre craint pour sa vie. Alternant d’une page à l’autre entre le quotidien diamétralement opposé des garçons, le parallèle entre celui pour qui la guerre est un jeu et celui pour qui il s’agit d’une réalité est franchement percutant. Grâce à une écriture riche et poétique qui ne tombe jamais dans la moralisation, cet album a tout pour marquer et faire réfléchir.

Vic, l’anxiété de performance à l’adolescence

Nathalie Parent, Éditions Midi Trente (12 ans +) 

Considérant le nombre élevé de jeunes qui vivent de l’anxiété de performance à l’école, à la maison ou dans les activités sportives et parascolaires, ce petit guide tombe vraiment à point pour mettre des mots sur cette problématique et donner des trucs pour y faire face. Sous forme de blogue avec des anecdotes, des photos, des faits, des quiz et des conseils, ce livre présente l’univers de Vic, un jeune dont le genre n’est pas spécifié, qui partage sa propre expérience avec l’anxiété de performance. D’un adolescent à un autre, ce format permet au lecteur de rapidement se reconnaitre à travers le personnage et de s’approprier les ressources et les stratégies proposées.