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L’auteure Noémie Pomerleau-Cloutier a publié son premier recueil de poésie, Brasser le varech, en octobre 2017 aux Éditions La Peuplade. Inspirée par la nature et par son coin de pays, la Côte-Nord, l’auteure défriche la terre de feu son père pour lui offrir un puissant hommage tout en creusant les sentiers du passé, et trouvant ci et là les cailloux qui la ramènent à sa source.
« Les arbres et les plantes ont ces silences forts qui ne sont pas donnés aux humains […] Cette année, longtemps après le déracinement, ma mère m’a offert un merveilleux cadeau : ton exemplaire vintage de la Flore laurentienne avec ton écriture de boisé dedans. »
Le recueil Brasser le varech est l’hymne à l’amour d’une fille pour son père, à cette relation parfois tendue comme une branche et délicate comme un bourgeon, aux mots dits et aux silences qui se relaient au fil des saisons, du temps.
Noémie Pomerleau-Cloutier soulève les algues et goémons pour recueillir un peu de son père, entre terre et mer, pour retrouver ses pas sur une plage jonchée par le bois, où l’horizon se perd dans l’infini, là où elle est née et d’où elle est partie.
Souches et pousses
Brasser le varech dépeint avec grâce et savoirs botaniques la solitude des grands espaces et les dérives du temps. On y trouve parmi les vers toute la beauté et la détresse d’une génération plus que jamais à la recherche de sa source.
Dès la première partie du recueil, Souches, la poète s’adresse au « tu », se parle à elle-même alors qu’elle sarcle ses émotions, ses racines.
« Tu viens / des terres stériles / du côté de la rive / où le Saint-Laurent / t’a rejetée / granit / argile / sable / un grain entre les doigts / écorche ta corne / les origines falaises t’habitent / à cran. »
Le retour à la terre natale après l’exil urbain est exposé en images comme un album photos que l’auteure nous partage. L'étendue de l'horizon parait parfois salutaire, parfois terrifiant. Plusieurs s’exilent loin de leurs racines pour mieux se retrouver. L’auteure saisit l’instant à travers ses souvenirs, retient son souffle, tente d’apprivoiser la houle qui sévit en elle.
L’auteure ne sait plus où se planter, ne sait plus de quelle forêt elle est issue, il y a en elle de la méfiance, une peur insondable d’être rejetée, une difficulté à saisir la beauté du moment.
Dans la deuxième partie du recueil, Pousses, les mots du père et de la fille s’entremêlent, dialogue débroussaillé où, d’une part, il y a la peur d’être différent et, d’autre part, il y a le besoin de l’être.
« Tu enfiles ta tenue / camouflage / de tourbière escarpée / la scarification te guette / tu t’épilobes / le cœur / à fleurir / au travers d’ifs / tige solitaire / tu te nourris de terre brûlée / les incendies façonnent la forêt boréale. »
La solitude, les espaces qui se perdent au pied des rêves, la poésie se veut échappatoire, mais aussi espace ouvert. Là où on prend racine, parfois on se meurt. Là où il n’y a point de racine, on ne peut vivre.
Mais voilà, les poumons remplis d'air salin peuvent parfois étouffer. La jeunesse a besoin de se creuser d'autres ancrages, partir, rencontrer, découvrir d’autres terres. La ville parait joyau pour ceux qui sont nés dans le silence.
« Tu repousses la moisissure / rêves / fuis / l’immensité des eaux calcaires / ta silhouette conique / tu feras un canot / le thuya occidental ne pousse pas à l’est de Sept-Îles. »
Coupe à blanc, Drave et Reboisement
Coupe à blanc, malgré le peu de pages que contient cette partie du recueil, est forte en images. L’auteure trace le passage de son père à l’hôpital, l’impression d’être involontairement déracinée, l’impuissance de sa mère face à la mort de son homme. Le temps devient vide de sens, de mot, de vie. La sève ne coule plus, l’eau stagne.
« Tu le regardes / tête fêlée / ancré par une multitude de fils / des voyants / comme des appels / des phares d’un truck / son tronc froid ne flotte pas / le transport terrestre / pour quitter la forêt / la seule voie / il l’a prise / ta sève se fige / le gravier dans ta gorge / fait céder la résine. »
La terre peut être généreuse, mais sait reprendre ce qui lui appartient. L’homme fait partie de la nature et c’est en elle qu’il retourne à son dernier souffle. L’arbre sur lequel on s’est longtemps posé a perdu ses feuilles. La fragilité de ce qu’on croyait roc est désarmante.
« Tu synthétises / la douleur / de son déracinement / tu fouilles / jusqu’au sang des souches / où danse sa calligraphie / du marcottage / avec ce que tu décryptes / un fragment des diapositives / les couleurs à l’envers / des dernières années. »
Beaucoup de chagrin se lit dans la prose de l’auteure. Les masques ne tiennent plus. Il y a une véritable et authentique mise à nue. Le temps flotte en quête de sens.
« Tu adoptes les ombrages / tes écailles se nourrissent / de feuilles mortes / les symbioses te dessèchent / tes fruits absents t’oxydent.»
Dans la dernière partie du recueil, Reboisement, Noémie Pomerleau-Cloutier sème des espoirs après un dur labour de l’âme.
« Il n’y a que le temps / qui émousse / les échardes / grosses comme des dix-roues / t’as beau gratter / la surface / jusqu’à l’écume / ça reste là / profond / tu apprends à vivre / avec une branche / plantée solide / à travers du tronc. »
Le lien père et fille est sacré ; amour et haine peuvent parfois être indissociables, mais la souche est profonde et les déracinements vains. Brasser le varech expose le désir ardent de renaitre de ses cendres, de se retrouver. On ressent que toute épreuve est engrais d’avenir.
Je vous ai offert ma propre interprétation de Brasser le varech, mais sachez que la poésie ne peut que se ressentir selon notre propre vécu et la résonance que les mots ont en nous. Je recommande de lire ce doux et profond recueil en pleine nature, comme je l’ai fait, au bord de l’océan qui berce la Gaspésie afin que les vagues, la brise saline et le sol marin vous soufflent à l’oreille ce que les mots ne peuvent décrire.