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Pendant plus de 30 ans, Jamil a arpenté les nuits de Montréal. Des Gypsy Kings à Notre Dame de Paris, en passant par Richard Desjardins, en avant-scène ou en arrière-scène, il a été l’auteur de plusieurs pages des nuits de Montréal, pendant deux décennies à cheval sur le siècle dernier. Exilé à la campagne depuis plusieurs années, Jamil est de retour et porte un regard lucide et empreint de nostalgie sur les nuits de notre ville. Récit d'une petite virée récente.
Romance au Café-Résonance
« Le Café Résonance », une cafétéria familiale sans permis d’alcool. Tout semble improvisé avec les moyens du bord. Je ne connais pas l’histoire du lieu mais il me vient l’envie d’inventer sa génèse et de la romancer. Voici:
C’est trois amis étudiants en sciences politiques, un peu paumés (ne le sont-ils pas tous?) probablement de Concordia, en tous les cas du Mile-End avant la contamination des Plateaupithèques. C’est peut-être grâce à l’avenue du Parc qui semble être assez dissuasive que ces batraciens qui pullulent dans les conseils municipaux n’ont pas réussi à contaminer les lieux. L’avenue est trop passante. Les Plateaupithèques, c’est un peu comme les chats de gouttières qui se confinent aux ruelles: tout aussi maîtres de leur quartier et tout aussi sociables, mais en moins élégants.
Revenons aux trois jeunots. Ils ont acheté les tables et les chaises dans différentes vente de faillite. Ils ont eux-mêmes fabriqué les banquettes de plywood recouvertes de vinyle brun agrafé par-dessus une petite mousse juste assez confortable. Il y a des toiles d’un inconnu à vendre sur les murs. La clientèle n’achètera pas. Ça boit de l’eau, ça tète un café ou une bière mais sans plus... Ils ont oublié de mettre des ampoules à l’extérieur pour qu’on sache que c’est ouvert mais surtout... que ça existe! C’est pas grave c’est la mode des bars cachés.
Le show prévu à 21h00 ne commence toujours pas. Les musiciens sont là mais ils discutent et sortent fumer. Sur la porte noire des toilettes condamnées il y a une flèche et un mot qui dit « Il y en a une autre par-là ». La note est peinte en blanc: c’était prévu... Un vrai bon trou de jazz. Je sens que je vais aimer. Ils auraient dû appeler ça « Ici on se fait pas chier ». Et sur la porte des toilettes on aurait pu écrire : « Allez chier ailleurs ». La toilette alternative imposée est assez particulière, elle est composée d’un lavabo et de deux cuvettes (!) sans séparation? Pour se passer le journal? Pour converser sans avoir à crier? N’aurait été de l’absence des sièges, j’aurais trouvé ça très louche...
21h30, j’ai craqué. Le show n’a pas commencé et les musiciens ne semblent pas se faire chier du tout. J’ai mis 5 dollars dans le chapeau de l’orchestre précédent et je suis sorti après avoir acheté un biscuit bio au son et chocolat qui trônait tout seul dans le présentoir vitrée du comptoir de cette cafétéria étudiante.
Angélique au Ste-Cath
Arnaud Nobile l’éditeur d’atuvu.ca me suggère par texto un autre lieu, le Bistro le Ste-Cath. Je vérifie l’adresse c’est à l’autre bout de la ville dans Homa... Je me suis dit que le temps de me rendre il serait 22h00, c’était donc jouable.
Le Ste-Cath, non loin du Théâtre Denise Pelletier, n’est pas le lieu le plus chaleureux à prime abord. En fait c’est un grand carré avec un plancher sans dénivellation, le plafond est trop haut. D'un côté de ce grand carré c’est la façade vitrée avec l’entrée qui donne de plein pied dans la salle sans vestibule ni rideau. La salle est composée de tables de restaurant en bois standard et de chaises sans intérêts. L’éclairage est celui d’une salle de spectacle allumée après le show, donc à mi-chemin entre un bar lounge et un Valentine. Probablement parce qu’il s’agit d’abord et avant tout d’un restaurant. Un resto qui annonce 260 soirs de spectacle par année, quand même! Il s’agit donc principalement d’un resto-spectacle, ce qui est une bonne idée, la preuve c’est que « souper-spectacle » est un des mots-clés le plus utilisés par les sorteux sur les moteurs de recherche.
À droite sur toute la longueur, il y a la scène, le côté opposé c’est un long comptoir de bar qui abouti sur la cuisine qui est donc dans le fond et qui occupe la partie gauche du fond de la salle. La partie droite est faite d’un couloir qui mène aux toilettes.
Au centre, le plancher peut contenir une petite centaine de personnes en formule repas. Le public d’une cinquantaine d’âmes était, ce soir-là, composé presqu’exclusivement de femmes. Une coïncidence me dit-on, une réservation de groupe pour une occasion « X ». Les deux serveuses, simples et sympathiques, ont visiblement plaisir à travailler là. C’est ce qui, dans mon cas, me réconcilie avec les lieux. Dans le fond où que l’on soit, une bière, un verre de vin, une vodka canneberge ou encore un Martini ont à peu près le même goût. Il y en a des meilleurs, des moins bons, des plus ou moins chers mais la différence fondamentale, c’est comment et qui te le sert. Quand je suis arrivé, le show était en cours, presque sur la fin, les serveuses affairées. Un simple sourire à l’accueil, une oreille tendue pour ma commande tout en travaillant derrière le comptoir, une suggestion de consommation « en plein dans le mille », ce qui prouve qu’elles sont à l’écoute malgré leurs occupations, un service rapide sans flafla et le décor est posé. Je fais un petit signe de la tête pour savoir si je peux m’installer à tel endroit, en échange je reçois un « certainement » du bout du nez.
Je suis bien.
Sur cette fin de spectacle, Angélique Duruisseau offre quelques interprétations bien senties. Ce sont de vraies interprétations, pas des « covers ». Je reconnais « A la huela », la version originale de « La foule » de Piaf. J’avais popularisé cette version en 1988 ou 1989 lorsque j’étais agent de promotion radio, c’était dans une autre vie. J’avais réussi à faire tourner une chanson en langue étrangère « Bamboleo » des Gipsy Kings à une époque où, à la radio, on entendait seulement des chansons en anglais ou en français. Tout un combat. Depuis « Bamboleo », on a créé le palmarès « Anglais et Langues étrangères ». « A la huela » est devenue un numéro un, chantée par un interprète français quelconque dont on n'entendra plus jamais parler...
Angélique Duruisseau a une voix bien maîtrisée, forte avec beaucoup d’assurance et un trémolo qui donne le frisson. Elle semble toujours chanter la pédale dans le fond, ce que je trouve trop intense à la longue, mais je n’ai nulle intention de critiquer. Il est hors de question pour moi de critiquer mes pairs. Nous sommes des artisans de la chanson avec nos forces et nos faiblesses. À moins d’être réellement insulté par la présence d’un soi-disant artiste sur scène, je n’ai pas l’intention de critiquer mes collègues mais: imposteur s’abstenir... Quand je dis imposteur je ne réfère pas à ce sentiment que connaissent ceux qui débutent. Il y a malheureusement des gens qui n’ont pas leur place sur les planches, et il faut le dire. Comprenez-moi bien, ce n’est pas du tout le cas de Angélique! Cette femme sait chanter.
Angélique a annoncé qu’elle préparait un album hommage à Plume. À titre d’exemple, elle nous a offert un avant-goût tout en poésie. On sera loin de Bobépine je crois, et c’est une très bonne chose. À suivre...
J comme dans Entre le Jazz et la Java
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