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Brigitte Haentjens et Sébastien Ricard ont sorti la semaine dernière une série balado de huit épisodes sur la crise d’Octobre. La série est disponible pour écoute gratuitement sur le site de la Scène nationale du son. Chaque épisode relate les événements sous différents angles: le point de vue de Brigitte, à l’époque arrêtée et gardée en cellule dans des conditions douteuses, soupçonnée de complicité avec le FLQ, le point de vue de Sébastien, né quelques années plus tard, mais marqué tout de même, puis finalement les points de vue croisés de divers témoins à l’époque.
À l'instar de Sébastien Ricard, je n’ai pas vécu les événements d’octobre 70, mais je ne peux m’empêcher de croire qu’ils m’ont marqué. C’est délicat à expliquer, car le Front de Libération du Québec et toutes ses actions, comme l'acteur Sébastien Ricard l’explique si bien, sont devenus tabou. Dans mes classes d’histoire je me souviens qu’on les ait associés aux mots “terrorisme” et “organisation criminelle”, chuchotés du bout des lèvres. Un malaise palpable, un sujet qu’on passe le plus rapidement possible, parce qu’il porte en lui une discordance monumentale.
On explique dans le podcast comment le gouvernement de l’époque a réussi à associer le FLQ et ses revendications à quelque chose de contre nature et violent, et force d’extraits d’archives et de réflexions politiques nous sont présentés pour appuyer cette thèse.
Cette collaboration amène beaucoup de réponses à mes questions, provoque chez moi l’étonnement et m’amène à me questionner encore plus. Le récit que Brigitte Haentjens nous fait de son passage en prison me remonte l’échine et me fait frissonner. On m’avait parlé des centaines d’arrestations, motivées par la loi martiale, mais innocemment je pensais qu’il s’agissait de quelque chose de semblable aux arrestations pendant des manifestations par exemple, où les gens sont relâchés après une journée, voire quelques heures. Le concept de prisonnier politique, la terreur vécue à l’époque, le tabou: les choses semblent soudainement beaucoup plus claires.
Photo: Xavier Inchauspé
Le choc post-traumatique est une condition relativement connue, bien que souvent mal compris. Il existe en sociologie un concept similaire, applicable à tout un peuple. Je ne peux m’empêcher de réaliser que la crise d’octobre est dans l’inconscient québécois un traumatisme. Dans un des épisodes, Sébastien Ricard explique que bien des gens ont dit que le nationalisme était mort avec Pierre Laporte. Il est clair que le Québec dans lequel nous vivons aujourd’hui n’a plus à affronter les mêmes enjeux, mais la blessure est encore mal cicatrisée. L'idéal souverainiste est devenu risible, une position politique d'extrémiste.
En tant que jeune femme oeuvrant dans la culture, il me désole de voir d’autres jeunes cracher sur leur propre culture et presque célébrer sa lente assimilation. J'ai souvent entendu des jeunes défendre carrément l'idée que la langue française était destinée à disparaître, qu'il n'y avait rien à faire contre la nature de notre société. Ou d'autres encore hausser les épaules, indifférents à la remarque que lorsqu'ils choisissent le type de contenu culturel qu'ils consomment, ils ignorent délibérément la production locale. J'ai entendu si souvent des jeunes dire qu'ils n'aiment pas la musique, les séries, le cinéma québécois, comme si quelque chose de proprement québécois était automatiquement ringard. J'ai beau admettre que l'industrie culturelle peine parfois à s'adapter aux nouvelles générations, ça me prend au ventre qu'on en parle avec autant de négligence. Cette jeunesse pourtant si belle et fièrement engagée à défendre les minorités, est proprement dans le déni qu’elle est elle-même une culture minoritaire.
Je suis reconnaissante à Sébastien Ricard et Brigitte Haentjens, ainsi qu'à tous ceux qui ont participé à ce projet, de même pour tous ces autres projets commémoratifs de la crise d’octobre, pour leur audace et leur sincérité. Cinquante ans plus tard, peut-être est-il temps de regarder la vérité en face et d’éduquer notre jeunesse à la politique et à l’histoire de notre peuple, avant qu’il ne soit “too late, much too late” comme chantait Pauline en ‘74.