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Sous les regards lourds des hommes et dans l’ombre étouffante des bars de province, Touda chante l’amour, la résistance et l’émancipation, rêvant de devenir une cheikha, cette artiste traditionnelle marocaine libre et audacieuse. Portant l’espoir d’un avenir meilleur pour elle et son fils, elle affronte humiliations et maltraitances, jusqu’à tout quitter pour Casablanca, la ville des possibles où son chant pourra, peut-être, enfin s’élever.
Dans Everybody Loves Touda, Nabil Ayouch nous transporte dans l’univers déchirant d’une femme marocaine en quête de liberté et de reconnaissance. Touda, incarnée magistralement par Nisrin Erradi, aspire à devenir cheikha, une chanteuse traditionnelle incarnant l’audace et l’émancipation. Entre les nuits à se produire dans des bars et les jours dédiés à son fils sourd, elle lutte contre les humiliations et décide de tout risquer pour Casablanca, ville des espoirs et des désillusions. Une fresque à la fois intime et universelle sur la résilience féminine.
Nisrin Erradi est le cœur battant du film. Son interprétation de Touda est à la fois vulnérable et puissante, donnant vie à une femme qui refuse de se plier aux diktats d’une société patriarcale. Chaque regard, chaque note qu’elle chante, transpire la douleur et la détermination. Ses performances d’aïta — ce chant poétique et subversif — deviennent autant de cris de révolte. L’aïta est un chant traditionnel marocain mêlant poésie et mélodies envoûtantes, qui exprime la résistance, les émotions et les récits de vie des femmes avec une audace souvent transgressive. Erradi transcende son rôle, transformant Touda en une figure universelle de lutte pour l’autonomie et l’expression artistique.
La relation de Touda avec son fils sourd est une source d’émotion brute. Ce lien, à la fois protecteur et fragile, humanise son combat. Elle ne chante pas seulement pour elle, mais aussi pour offrir un avenir à son enfant. Ces instants, d’une tendre intensité, équilibrent un récit souvent rude, confrontant Touda à la violence symbolique et physique qu’elle subit dans les bars et dans les rues.
Le film dissèque sans concession la condition des femmes dans une société où leur corps est à la fois objet de désir et source de contrôle. Touda, par son art, remet en question ces structures oppressives, mais son succès reste entravé par le regard des hommes. Ses chansons d’amour et de résistance sont déformées par une société qui réduit son identité à son apparence. J'ai particulièrement apprécié le développement de l'amitié entre Touda et le violoniste, interprété par El Moustafa Boutankite, qui incarne le seul homme (avec le père de Touda), à ne pas être attiré par son corps, mais à la respecter et à l'apprécier pour son amour sincère de la musique.
Ayouch et Myriam Touzani (actrice, scénariste et réalisatrice marocaine, mais également son épouse) offrent un tableau nuancé, révélant que l’oppression ne se limite pas aux hommes, mais inclut aussi une complicité silencieuse de certaines normes sociales. En même temps, Everybody Loves Touda interroge la manière dont l’art peut servir de refuge face à cette oppression. La musique de Touda, magnifique et viscérale, devient une arme et une échappatoire.
Visuellement, le film est une réussite. La photographie alterne entre les teintes chaudes des nuits enfumées et l’éclat cru des journées ensoleillées, symbolisant le contraste entre la vie rêvée de Touda et sa réalité. La bande-son, dominée par les chants de Touda, est un hommage vibrant à l’aïta, un patrimoine immatériel marocain trop souvent relégué au second plan.
Cependant, la structure narrative laisse parfois à désirer. Une ouverture marquée par une scène de violence gratuite met mal à l’aise, semblant chercher le choc plus que la profondeur. De plus, la répétition des scènes – Touda au bar, puis avec son fils – finit par diluer l’intensité du récit. Le film aborde de nombreux sujets (violences sexuelles, précarité, maternité, oppression), mais en approfondit peu, laissant une impression de surface qui limite l’impact émotionnel. Touda représente une femme qui a souffert et qui souffre encore, victime d’abus de toutes les sortes.
La représentation des femmes arabes en quête d’émancipation, souvent réduite à des récits de violences subies, tend à enfermer ces personnages dans un schéma répétitif. Si ces histoires sont nécessaires pour dénoncer des réalités encore trop présentes, il serait tout aussi essentiel d’explorer d’autres formes d’oppression et de résistance, sans systématiquement passer par la case des abus (et sans les montrer de façon si explicite au cinéma). Montrer des femmes fortes, complexes, et résilientes sans les associer uniquement à la souffrance serait une voie pour enrichir ces récits, offrir des perspectives plus diversifiées, et éviter de cantonner leurs luttes à une représentation unidimensionnelle.
Everybody Loves Touda n’est pas sans défauts avec des stéréotypes sur l’émancipation féminine et une tendance à dramatiser la souffrance féminine en guise de moteur narratif. Mais ces écueils n’effacent pas l’importance de son message ni la performance éblouissante de Nisrin Erradi.
C’est un film qui chante, qui crie, qui blesse. Un hommage aux femmes qui, comme Touda, osent défier les carcans. Et malgré ses maladresses, il résonne longtemps après la dernière note, laissant le spectateur avec une question brûlante : qu’est-on prêt et prête à sacrifier pour être enfin soi-même ?
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