Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Inscrivez-vous maintenant, c'est gratuit!
Les mots. Que la force des mots pour rendre compte d'une réalité tout à fait tragique et inadmissible : celle des femmes, celle de La Femme, à travers les âges, les époques et la société dans laquelle elle naît. La réalité de la femme : soumise, aliénée, sacrifiée sur l'autel du désir des hommes. Sans issue, sans possibilité de rédemption. Et les mots, seulement les mots, pour venir à son secours... Ces mots, si justes, si évocateurs, pour dénoncer, interpeller, pour tenter de renverser le cours du destin... Et ces mots... ce sont ceux d'un homme : Karim Akouche, qui signe ce merveilleux texte.
Seule en scène avec, pour tout décor, un immense moucharabieh* – représentant la captivité de la femme - un petit muret et plusieurs feuilles chiffonnées par terre, Marie-Anne Alepin nous livre, avec un talent bouleversant, les sentiments, les émotions ressentis par la plupart des femmes sur terre. Elle interpelle constamment les hommes par « Hommes de mes entrailles ». Ceci est en effet le paradoxe même du drame des femmes : elles mettent au monde des hommes qui, en guise de remerciement du don de la vie, les martyriseront en retour, les humilieront et leur nieront tout droit à leur vie de femme. Et la roue continue de tourner, toujours et toujours, renouvelant ainsi sans cesse la condamnation de la femme. Mais jusqu'à quand? C'est à cette tâche d'éveil que nous convie Karim Akouche, avec ce texte bouleversant, très poétique, où les images éclosent l'une après l'autre, comme autant de fleurs dans le désert.
C'est toute la société qui est malade; cette société patriarcale qui gère tout de la vie des femmes : leur sexualité, leurs enfantements, leurs vêtements, leurs sorties et leur vie tout court. Cette société machiste, qui infantilise les femmes et leur nie une vie libre et épanouie, existe encore bel et bien, à des degrés divers, selon les sociétés dans lesquelles elles naissent. La société à laquelle se réfère ici le texte de Karim Akouche est celle de l'Algérie. Lui-même est d'origine Kabyle.
Cette femme isolée, enfermée dans une solitude sans nom, et à qui on interdit tout plaisir et tout désir, nous crie sa détresse et son enfermement : « Comme une pelure d’un oignon avarié on m’a jetée d’emblée au rebut. Car j’étais la malédiction le sort troué la faille de la conscience collective l’écharde sous l’ongle du père l’épine crevant le talon de la mère ». Son long monologue est un cri de douleur sans fin, nous relatant toute la souffrance inhérente au seul fait – et délit! – de naître femme, dans une société si cruelle et avilissante. On peut aisément comprendre pourquoi tant de femmes, en Afghanistan, au Kurdistan et dans d'autres pays extrêmement répressifs envers les femmes, finissent par s'immoler, pour mettre fin à leur supplice de non-vie.
La vie des femmes, partout dans le monde, n'est pas une sinécure. Nous devons toutes lutter tellement fort pour nous offrir un tout petit coin de paradis. Mais dans plusieurs régions du monde, écrasées par le poids des traditions et des mœurs moyenâgeuses, les femmes doivent lutter pour trouver, ne serait-ce qu'un tout petit souffle de vie, une paille à travers laquelle respirer un peu. C'est le cas de cette Marie-Anne, qui nous prend ici à témoin : « Si j’étais un garçon les femmes m’auraient dorloté et bercé et les vaches m’auraient tendu leurs pis. Mais je n’étais qu’une statuette infime en chair et en sang des bêtes qui n’ont pas de patronyme. Hommes de mes entrailles. Et coupable ont-ils exclamé en chœur les gardiens des mœurs caduques. Coupable malgré ma pureté. Coupable d’être née fille dans cette cité qui vénère la sueur la robustesse le sang la bourbe et les braises, Où les fleurs se cachent pour ne pas se faner sous les feuillages. »
Marie-Anne Alepin, brillamment dirigée par la metteure en scène Francine Alepin, sont toutes deux issues de « la même vigne », comme elles le disent. Leurs parents syriens ont immigré au Québec au début du siècle dernier. Elles savent, au tréfonds de leur âme, ce qu'est « naître femme » dans ce coin du monde. Les mots de Karim Akouche vibrent dans leur bouche et dans leur corps. Laissons-les encore parler, car c'est si beau : « Dans ce bout du monde les garçons naissent innocents et les filles coupables. Dans ce bout du monde la logique marche à l’envers sur la tête et les rôles sont inversés comme au temps des Croisades. Dans ce bout du monde on n’effeuille pas les marguerites pour se dire combien est puissant l’amour qui sommeille dans le tréfonds des bêtes que nous sommes. Mais on les déchiquette pour en faire une loque badigeonnée de cendre et de poussière... »
Ce spectacle époustouflant est à voir absolument. La poésie de Karim Akouche est si belle et si poignante de vérité qu'elle continue à nous habiter – et à nous hanter – longtemps après être sortis de la pièce. Merci à Karim Akouche, à qui je décernerais personnellement le prix du féminisme.
La pièce Toute femme est une étoile qui pleure, des productions Kléos, est présentée au Théâtre La Chapelle jusqu'au 10 décembre.
Le texte intégral de la pièce, édité aux Éditions Nord-Sud, est disponible en librairie.
*Grillage fait de petits bois tournés et assemblés, permettant de voir sans être vu et qui était utilisé dans le monde islamique.