Le duo déjanté David Paquet et Philippe Cyr présente Le poids des fourmis, le troisième opus de leur résidence au Théâtre Denise-Pelletier. Pour l’occasion, l’auteur et le metteur en scène créent une pièce sous forme de farce politique hallucinée, radiographie de nos peurs les plus profondes.

Dans un décor digne d’un tout inclus à Cuba plus factice que la réalité, plusieurs personnages incarnés par quatre comédiens croisent leurs destins abracadabrants et instaurent un véritable dialogue intergénérationnel. Dans un style proche du réalisme magique, professeurs et élèves tentent de réinventer le système scolaire. Jeanne est une adolescente en colère qui vandalise des pubs de son école. Le doux Olivier rêve qu’on brûle sa génération comme une guimauve. Malgré leur caractère que tout oppose, Jeanne et Olivier ont un point commun : tous deux observent l’état du monde avec une bonne dose de lucidité et d’idéalisme qui les rend très critique face à l’avenir. Envahis par les cauchemars et autres pensées paralysantes, ils décident cependant d’agir. 

Sous l’impulsion de leur directeur d’école joué par le comédien Gaétan Nadeau aussi flegmatique que cynique, ils se présentent à l’élection scolaire organisée dans le cadre de la sous-financée « Semaine du futur ». D’autres rencontres viennent également réveiller l’espoir chez ces jeunes. On souligne à ce titre la performance de l’actrice Nathalie Claude qui réussit le tour de force de camper plusieurs personnages. En mère, elle est une éternelle positive qui conseille de ne se poser que des questions auxquelles on peut répondre. En libraire à tendance alcoolique, elle est un démon tombé du ciel qui prodigue des conseils pour croquer dans la vie ! Gaétan Nadeau est aussi excellent en psychologue/animateur de télé-réalité, qui offre un casque de réalité virtuelle comme solution miracle. Au total, Gaétan Nadeau et Nathalie Claude interprètent plus d’une vingtaine de personnages. 

Ainsi le rythme effréné de la pièce suit le déroulé de cette campagne électorale pendant laquelle Jeanne et Olivier s’affrontent à coup de discours enflammés, de collusion, d’expéditions ninjas et d’ost*e de licornes. L’humour qui traverse la pièce permet de questionner l’engagement citoyen dans un contexte de fatalité et d’abus de pouvoir. Le ton est jovial, enfantin, mais de nombreuses scènes tombent dans la surenchère. Ce caractère spectaculaire soulève le paradoxe d’user des mêmes mécanismes que la société du spectacle que le duo David Paquet et Philippe Cyr semble vouloir dénoncer. D’autres scènes au contraire soulignent l’empathie entre les personnages et cherchent à nous prendre par les sentiments. Ce romantisme peut parfois paraître un tantinet démagogique… Toutefois, dans cet imaginaire débridé, la fougue et soif de liberté contagieuse réussissent à nous transporter. Après tout, si les esprits sont éclairés, n’est-ce pas la seule chose à retenir ?

Du 19 novembre au 7 décembre 2019 au Théâtre Denise-Pelletier.