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Loin de se tourner les pouces, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) travaille en ce moment même à une saison théâtrale qui nous semble encore tristement lointaine. Pour rester près de son public malgré les encombrantes mesures de distanciation, le théâtre nous propose une rencontre inédite du public et des coulisses en nous invitant à une œuvre audiovisuelle étonnante, à mi-chemin entre le making-of et la webdiffusion. Immersion filmée et montée des laboratoires de création du TNM, la série de Laboratoires publics de création débute le 19 février avec les dessous de Le roman de monsieur Molière, une adaptation libre du roman du même titre de Mikhaïl Boulgakov par Louis-Dominique Lavigne et mis en scène par Lorraine Pintal.
Je ne sais qui a eu l’idée d’adapter un texte littéraire étrange, dont on ne sait pas trop s’il s’agit finalement d’un essai ou d’un roman biographique, en une pièce de théâtre, mais c’est tout simplement génial. Idée qui aurait pu donner une pièce ennuyeuse, mais qui déploie toute l’ingéniosité du théâtre et de la littérature moderne.
Résolument dans l’esprit de l’oeuvre, le documentaire s’attarde à l’adaptation ainsi qu’à l’interprétation des comédiens, créant une vertigineuse mise-en-abîme; ce Molière dont on raconte l’histoire n’est ni entièrement réel ni entièrement fictif, interprétation d’une interprétation qui invite le spectateur à l’interpréter.
Le Molière de Boulgakov se reflète dans son auteur, le pousse à réfléchir à sa propre condition de dramaturge, les parallèles et les oppositions entre les deux hommes mettent la table pour de riches réflexions sur le rôle de l’artiste et la menace de la censure dans notre société, des sujets terrifiants d’actualité. Le théâtre n’est-il pas censuré par la pandémie d’une certaine manière? Un ami à moi disait que la censure était toujours génitrice de créativité, les artistes étant intarissable de nature, eh bien Molière, Boulgakov et le TNM en sont bien la preuve.
Il faut inévitablement mentionner le jeu d’acteur remarquable de tous les comédiens présentés dans le laboratoire. L’accent russe et la voix rauque de Jean-François Casabonne font littéralement revivre ce monument littéraire qu’est Boulgakov, pendant qu'Éric Robidoux nous présente un Molière attendrissant et si sympathique.
Mon coup de cœur personnel va pour Rachel Graton, qui dès qu’elle entre en scène brille de sa prestance incroyable, sans parler de son jeu si juste et émouvant.
Le texte adapté par Louis-Dominique Lavigne est en français standard, c’est-à-dire que les personnages parlent un français dénué d’accent. C’est une prouesse technique en jeu théâtral de bien jouer le français standard, et c’est d’autant plus marquant de voir les comédiens en jeans et t-shirts parler familièrement à la caméra avant de monter sur scène pour nous jouer le texte sans faute.
Faute de pouvoir nous ouvrir ses portes, le théâtre réussit assez bien le pari d’adapter les arts vivants à la caméra. Foi de cinéphile, la réalisation est bien menée, le montage est fait avec minutie et les plans sont audacieux, en particulier cette scène où Molière et Scaramouche pratiquent la commedia dell’arte devant les rangées de bancs vides, entre mise en scène et cinéma.
Le seul hic de cette réalisation si bien exécutée est que le tout nous laisse sur notre faim. On est pantois devant le générique, se demandant quand les salles rouvriront, si un beau jour on verra enfin cette splendide pièce.
Je me demandais même quel genre de sens de l’honneur démesuré empêchait le TNM de faire un genre de ciné-théâtre, tant qu’à engager une équipe de réalisation si performante et créative, le résultat aurait pu être surprenant. Je ne les blâme pas, j’admire en fait l’optimisme et la persévérance des arts vivants qui s’adaptent et patientent. Je leur souhaite de tout mon cœur que ces efforts payent en salles combles le TNM.
Dans l’esprit du documentaire, de peu surprenantes scènes d’acteurs se faisant maquiller et jasant de leurs personnages reviennent fréquemment. Ça aurait pu être encore là un temps mort, mais la mise en scène de maquillage, entre le passionné Jacques-Lee qui vole presque la vedette et l'expérience personnelle des comédiens qui s’ouvrent à la caméra crée une intimité qu’on se sent chanceux de partager avec eux.
En plus de Jacques-Lee, le laboratoire nous invite aussi à rencontrer d’autres artisans du spectacle qui passent souvent inaperçus. On rencontre le scénographe avec ses nombreux plans de scène, l’éclairagiste qui nous explique que le laboratoire lui permet de travailler plus en détail et finalement la talentueuse Jorane, violoncelliste ayant composé la trame sonore qu’elle joue en direct sur scène en compagnie des acteurs. Étrangement, si on a l’impression d’avoir vu tout le monde, Lorraine Pintal, metteuse en scène de la pièce, est à peu près absente au montage. Ce choix risqué donne un tout néanmoins cohérent, mais s’agissant d’une pièce autour de la vie de Molière, il est un peu étrange que la mise en abîme n’ait pas été poussée au point de mettre en parallèle Pintal, Molière et Boulgakov.
Je ne pensais pas un jour m’ennuyer du théâtre au point de verser de chaudes larmes devant des extraits d’une pièce que je risque de ne jamais voir. Il faut dire que voir les formidables Jean-François Casabonne et Éric Robidoux se transformer et passer de comédiens à personnages historiques bien connus au fil du maquillage et des costumes, c’est à faire frissonner. Loin de briser la magie, le laboratoire s’attarde à détailler celle-ci et à mettre en valeur tous les efforts mis en commun au théâtre.
C’est précisément ce qui m’a émue, puisque c’est toute une claque en plein visage de penser à ces pièces mises sur pause depuis des mois déjà, ces projets avortés ou impatients d’éclore. Soyez certains en tout cas que je serai la première à la billetterie du TNM lorsque ce sera possible.
Pour tout savoir sur les laboratoires publics de création, c'est par ici!