Ça tape déjà dehors, le vent, la neige, la tempête, l’hiver, et une chute. Un père est tombé. Désormais cloitrés dans leur demeure, quatre frères devront apprendre à y vivre seuls. «Fratrie» est l’œuvre du québécois Marc-Antoine Cyr («Je voudrais crever», «Les Flaques», «Quand tu seras un homme») et du metteur en scène Didier Girauldon, complice de Cyr sur trois de ses pièces depuis 2012.« Fratrie» est à l’affiche jusqu’au 26 mars 2016 au théâtre Denise-Pelletier.

« Quand mon père était là. Tombé dans la neige. Avec son cœur ouvert en deux. Il a tourné les yeux vers moi. Il a voulu dire quelque chose.»

«Fratrie» présente quatre jeunes garçons confinés dans une maison isolée par l’hiver, en l’absence de parents. Le père est hospitalisé, et la mère est curieusement absente, voire très peu mentionnée. Alors que l’un des garçons, Léo, dissimule un secret, un déséquilibre dans la cellule familiale s’affiche progressivement. «Fratrie» met ainsi en scène les changements subis au sein de relations fraternelles, les rapports d’autorité et les différences inavouées et incomprises. À cela, la projection d’image crée une limite entre l’extérieur, redoutable et glacial, et l’intérieur, intime et clos, de la fratrie. Tout n’a pas été dit, mais c’est bien ainsi.

À quoi riment ces chamailleries aux frontières d’une tempête ?

Marc Beaudin, Guillaume Clausse, François Praud et Baptiste Relat incarnent de jeunes garçons en campant la naïveté et les difficultés de l’enfance et l’adolescence. Tous de caractère particulier, la fragilité de Léo (François Praud ) est toutefois déroutante et émouvante. Son regard provoque un malaise, une douleur ;Léo se trouve un peu à l’étroit dans la vie, entre ses frères, le sort de son père et son secret. Que s’est-il passé dehors dans les branches? Comme pour presque tout, il suffit de se taire. Sa différence n’est jamais nommée. Si Arthur(Guillaume Clausse), se veut autoritaire et Jules (Marc Beaudin) plus cérébral, Thibo (Baptiste Relat) quant à lui, personnifie un garçon d’une simplicité sincère.

« Si jamais Arthur. Si jamais tu tombes dans la neige. À cause du vent de la tempête ou à cause de la mort. Si jamais tu tombes. Agite tes bras. Agite tes bras comme un ange. Il ne peut rien leur arriver de grave à eux, les anges.»

Le jeu des acteurs se veut authentique, faisant place aux émotions autour de ce qui est volontairement tu. Attendre et guetter, les réponses et le retour. Les images superposées, discrètes et poétiques, viennent soutenir l’action ainsi que le désordre intérieur de Léo. Quelques fois, l’extérieur menaçant semble presque moins violent que la maison familiale…

Cette œuvre de Marc-Antoine Cyr fut finaliste 2014 au Prix Michel-Tremblay. La pièce, créée en France l’année dernière, est publiée chez Quartett éditions, France. «Fratrie» est présenté du 8 au 26 mars au Théâtre Denise-Pelletier.

Texte Marc-Antoine Cyr
Mise en scène Didier Girauldon
Compagnie Jabberwock (Tours, France )
Avec Marc Beaudin, Guillaume Clausse, François Praud et Baptiste Relat
Conception David Bichindaritz, Magali Charrier, Christoph Guillermet, Constance Larrieu, Frédérique Payot et Camille Vallat