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Jusqu’au 15 octobre prochain, L’Espace GO présente corde. raide, un huis clos anxiogène où Trois, une femme noire victime d’un crime violent fait face à un système défaillant où l’on préfère aider le coupable que de fournir des réponses à sa victime.
Il faut dire que la pièce écrite en 2015 par debbie tucker green n’a en rien perdu de son importance et est encore d’actualité aujourd’hui. Avec humour et sérieux, la mise en scène signée Alexia Bürger montre toute la gravité et les limites de la justice, dans un futur proche où la peine de mort est rétablie. Trois (Stephie Mazunya) doit se résoudre à prendre une décision. Quelle sentence attribuera-t-elle à l’auteur de ce crime qui ne sera jamais nommé ?
Pourtant, sa décision est prise, depuis bien longtemps même. Elle en est sûre. Mais la présence de Une et Deux (Eve Landry et Patrice Dubois), deux fonctionnaires blancs, semble compliquer les choses. Les deux qui tentent de mettre à l’aise Trois, créent plutôt une atmosphère pesante tout sauf confortable.
Le décor contribue véritablement à ce sentiment pesant. La scène est sobre, au milieu se trouvent quatre chaises encerclées par des murs grands et épais d’un gris terne. À droite, un simple distributeur d’eau colle un mur. La sobriété enlève toute âme et accentue l’angoisse. En rentrant dans la salle, le spectateur est assailli par une musique peu rassurante et nous plonge bien avant le début dans une ambiance singulière.
Lorsque nous faisons la connaissance de Trois, c’est une femme en colère qui nous apparaît, encerclée par Une et Deux qui sont imposants, bruyants et qui ne peuvent s’empêcher de faire des blagues sans faire exprès. Les deux fonctionnaires se différencient déjà en portant des claquettes, touche humoristique apportée pour mieux faire comprendre l’absurdité de la situation qu’on s’apprête à voir.
Une et Deux ne peuvent s’empêcher de s’excuser, de faire des formulations maladroites, de demander en boucle si Trois veut du café, de l’eau, tiède, chaude, froide. Les « Si vous voulez » et « voulez-vous » sont à répétition, de même que les « désolés » et les bruits incessants de claquette à chaque mouvement.
Trois reste la plupart du temps impassible et lorsqu’elle s’exprime, c’est avec colère et on comprend qu’elle n’a plus aucune confiance envers le système de justice représenté par deux agents qui affirment avoir subi une formation à base de jeu de rôle.
Trois se rend vite compte qu’elle est là pour lui, par pour elle. Trois ans et demi après les faits, aucune justice ne lui est réparatrice, mais plutôt traumatique. Son mari, ses enfants et sa famille en sont tous affectés. Pourtant on lui dit qu’elle a meilleure mine sans doute pour lui faire plaisir.
«Rien ne va mieux, tout est pire », dit-elle. Elle et son mari se regardent et se parlent différemment. Ses enfants ont perdu tout éclat de vie. Trois est isolée, elle est prise au piège dans un méli-mélo protocolaire où les non-dits, les omissions et les phrases sans fin dictent la conversation.
Les claquements des claquettes qu’elle n’a pas ne cessent d’en rajouter aussi, donnant cette impression de violence sonore dont le personnage joué par Stephie Mazunya est victime.
De temps à autre, elle inverse la tendance, montre à Une et Deux l’absurdité de leurs questions, de leurs gestes, que ceux-ci reproduisent après coup en le disant parfois, comme Une qui avance « Écoutez on dirait qu’on fait ça croche […] je n’ai pas les bons mots » ou encore, « on veut rendre ça indolore ».
En tant que spectateur, on se retrouve avec parfois l’envie de rire avec en arrière-pensée un « Ce n’est pas possible, c’est surréaliste », mais d’un autre côté, nous réalisons la réalité.
Dans un sarcasme cinglant, Trois nous fait ressentir une frustration envers ce système dépassé qui ne fait que tourner en rond maladroitement sans jamais ne perdre le ridicule de la situation. Dès qu’elle annonce avoir fait son choix, on lui répond «on a le temps ».
Enfin, elle en vient à parler des sentences. Elle veut se renseigner, on lui explique la totalité de la procédure, que les prisonniers sont bien traités pour leur dernier moment, on essaie de la dissuader, de lui faire croire que la décision vient à 100% d’elle.
Intraveineuse ? Le client la choisirait s’il pouvait. Décapitation ? Trop salissant et peu de main-d’œuvre. La chaise électrique ? On ne fait pas ça. Pendaison ? Trop technique, beaucoup trop de maths à faire.
Brillamment, Stephie Mazunya incarne avec force la figure d’une femme détruite dont les tourments ne cessent de lui revenir et dont les réponses à ses questions, à ses problèmes, ne sont jamais répondues. Eve Landry et Patrice Dubois interprètent quant à eux avec justesse cette gêne à l’état pur d’une Une et d’un Deux plus que maladroits.
La véracité et la précision de la pièce font réfléchir, pendant et après la représentation d’1h25. corde. raide est une pièce à ne pas manquer qui vous fera passer par le rire (jaune), la colère, la frustration, le désespoir et la compassion en peu de temps, voire en même temps.