Il est des occasions dans la vie que, pour rien au monde, on n'aurait voulu manquer. Le récital de Marie-Nicole Lemieux, chantant les vers de Baudelaire (Les fleurs du Mal), allié à la prestation de Raymond Cloutier, les récitant, en est un. Nous étions des centaines hier, dans la première salle du Théâtre Outremont remplie à pleine capacité, à pouvoir goûter ce précieux nectar résultant du talent de quatre grands monuments, dans leur domaine respectif : Charles Baudelaire, Marie-Nicole Lemieux, Raymond Cloutier et l'excellent pianiste Daniel Blumenthal. Une heure et quart de pur enchantement.

La musique a toujours été la sœur naturelle de la poésie. Les deux s'entendent à merveille et, dans le champ du pur ravissement, il est difficile de cueillir plus beau bouquet. C'est la raison pour laquelle les textes des plus grands poètes ont été mis en musique. Que l'on pense à Rutebeuf, Aragon, Baudelaire, Verlaine et plusieurs autres, tous ont énormément bénéficié de l'apport de la musique pour rendre leurs textes plus vivants et plus accessibles à tous. De même qu'il est agréable de goûter la poésie en solitaire, il l'est encore plus de l'entendre réciter par un comédien professionnel qui y met toute son âme, sa gestuelle et ses intonations. C'est ce merveilleux cadeau que nous a offert Raymond Cloutier, au faîte de son expérience de comédien et de metteur en scène. Nous étions suspendus à ses lèvres.

Les poèmes de Baudelaire étaient tour à tour chantés par la contralto Marie-Nicole Lemieux et récités par le comédien Raymond Cloutier. L'excellent pianiste Daniel Blumenthal les accompagnait et donnait à leurs voix une très belle résonance.

La diffusion, en arrière-scène, de tableaux évocateurs du Paris XIX ème siècle, ou de gravures représentant le thème du poème, ajoutait encore au plaisir des spectateurs. Bercés par les douces mélodies de la voix riche de Marie-Nicole Lemieux, nous voyagions à travers le Paris de nos lectures : ombrelles, cafés de rues, pavés sous la pluie et rêves d'un temps révolu, qui s'écoulait lentement... Plaisir de vivre, tout simplement.

Pour un moment, nous sommes devenus L'Albatros, dont les ailes trop grandes l'empêchent de marcher. À travers l'Invitation au voyage, nous avons voyagé avec Baudelaire, et le théâtre Outremont, déjà paré de riches enluminures, est alors devenu ce salon où « tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. » Puis, comme nous le suggérait le poème Enivrez-vous, nous nous sommes enivrés de poésie et de beauté. Enfin, la lettre qu'il avait écrite à son contemporain Fernand Desnoyers, nous a fait connaître le poète sous un autre jour : celui d'un homme aux prises avec les mêmes tourments et préoccupations que ceux du commun des mortels.

Beaudelaire a travaillé ses poèmes comme des bijoux d'orfèvrerie. Et ce sont ces Fleurs du Mal intemporelles qui nous ravissent encore, et raviront les générations suivantes pour des temps immémoriaux.

Raymond Cloutier, le metteur en scène de ce rendez-vous exceptionnel, avait choisi de nous faire redécouvrir L'Albatros, L'Ennemi, L'invitation au voyage, À une heure du matin, Harmonie du soir, Lettre à M. Desnoyers, suivi de Recueillement et Enivrez-vous.

Le spectacle L'invitation au voyage a été présenté le 4 octobre au Théâtre Outremont.