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Audace de la programmation cette saison, « Les dialogues des carmélites », opéra moderne de 1953 signé par le compositeur français Francis Poulenc, est une des créations majeures du siècle dernier. Sous la direction scénique de Serge Denoncourt, l’œuvre originalement mystique revêt une lecture plus personnelle et soulève des questionnements on ne peut plus d’actualité.
Les défis d’un enfant terrible
Francis Poulenc a défié son temps en toutes choses, avec la facilité due à son talent et la tolérance dévolue à son statut social. Héritier d’un magnat industriel français, sans éducation musicale classique formelle, il bénéficie des leçons de piano de sa mère dès l’âge de 5 ans puis de son compagnon Viñes. À 24 ans, il a déjà le statut de vedette internationale. Ouvertement homosexuel – ce qui lui vaut le surnom de « mauvais garçon » de la musique française, imperméable aux courants de son temps – lui valant cette fois le sobriquet de voyou, il fait partie du groupe des Six, ces six compositeurs qui s’opposent au wagnérisme et à expressionnisme.
Rongé par la mort qui s’insinue dans son entourage proche- son meilleur ami, son partenaire, son père décèdent successivement, --- des excès après une illumination lors d’une visite à Rocamadour, il entre dans une période mystique dont émergeront ces « Dialogues des Carmélites », créés en 1957 à la Scala, et reconnus comme l’une des œuvres les plus importantes du XXe siècle.
Alors qu’on lui commande à l’origine un ballet, qu’à cela ne tienne, il compose un opéra, plus en phase avec ses turpitudes du moment. Les années 1950 en France ne jurent que par Boulez? Peu importe, son œuvre sera un contrepied néoclassique à la musique dodécaphonique des minimalistes, que l’Orchestre Symphonique de Montréal a mis d’ailleurs à l’honneur ce mois de janvier, dans un remarquable cycle de concerts.
Au milieu des dépouilles
Au cœur de la trame narrative, un fait historique : la mise à mort de 16 Carmélites en 1794, en pleine Terreur post Révolution Française. Cet épisode tragique avait inspiré le pieu Bernanos pour une pièce de théâtre, fournissant ainsi les fondations de l’adaptation par Poulenc.
Si ce dernier en dépouille la moitié des répliques, il livre un opéra bavard, où la langue est omniprésente, avec la musique souvent en soutien, et le silence en intervalle. Il n’y a pas de longue introduction musicale, les dialogues commencent dès les premières secondes. Cette langue est dépouillée : la totalité des dialogues est totalement compréhensible sans les sous-titres, fait peu commun à l’opéra - « Vous excuserez mes propos à la bonne franquette », lance Madame Linoine. Son articulation est réaliste : elle conserve ses respirations et ses silences.
Serge Denoncourt, qui en assure la mise en scène, livre une version sobre de cet opéra mystique : visuellement d’abord, avec des décors monacaux, en absolue cohérence avec le sujet. Le mobilier est chiche, avec de simples draps pour toile de fond. Côté costumes, point de corset, ni de pièces bouffantes. L’action est transposée pendant la seconde guerre mondiale en France, une autre période marquée par le sang et la privation. Pantalons à pince, longues bottes de cuir et casquettes à courte visière évoquent les années 1940 et l’occupation nazie.
L’austérité culmine avec l’évacuation de la spiritualité initialement présente dans l’œuvre. La foi est davantage dépeinte ici comme une maladie mentale, comme une peur pathologique de la vie et de la mort, « une peur de la peur » qui conduit logiquement aux plus profonds tourments et aux excès les plus grands.
Il ne semble pas que cet opéra incarne une caisse de résonnance à l’intolérance faite aux religions, ou à la question de la foi face à la mort – par ailleurs une source riche en termes de réflexion et d’inspiration, pensez aux Moines de Tibhirine, dont on commémorait voilà quelques mois les 20 ans du massacre. Denoncourt semble davantage suggérer les dérives sanglantes d’âmes perdues, sous couvert de religion, si abondantes en ce siècle.
Bien que la première partie de l’opéra peine sensiblement à tenir le spectateur alerte, la seconde réserve quelques moments de grâce, avec la mise en lumière ciselée et la présence de quelques épisodes de chœurs puissants. Surtout, la scène finale est une apothéose et délivre un poignant Salve Regina au son des guillotines.
Le Carmel ouvre son parloir exceptionnellement au public à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts de Montréal pour encore 3 représentations les mardi 31 janvier, jeudi 2 et samedi 4 février, à 19h30.