Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Inscrivez-vous maintenant, c'est gratuit!
Le chorégraphe, danseur, musicien et chanteur Frédérick Gravel est réputé pour offrir des productions au carrefour de la danse et de la musique. Sa nouvelle création, Fear and Greed, présentée en première mondiale au FTA du 1er au 4 juin, continue dans ce sillon tout en proposant une première exploration dans l’univers du spectacle solo pour cet artiste habitué aux collaborations.
Genèse du frontman
Gravel nous propose une réflexion sur la figure du frontman, qu’il incarne généralement par la danse, mais aussi parfois par le chant ou en prenant la parole. Par définition, bien qu’à l’avant-scène, le frontman ne peut être véritablement seul : bien qu’il en rêve, il a besoin de ceux qui sont à l’arrière de la scène pour le supporter.
Le spectacle s’ouvre sur le danseur, seul sur scène, vêtu d’un sous-vêtement one piece et d’un manteau de cuir. Il danse alors dans le silence, longuement au sol. Des gestes exagérés servent à faire des choses simples comme saisir une cannette de bière ou enlever la courroie de sa guitare. Une gestuelle emplie de maladresse, montrant l’artiste dans une vulnérabilité certaine. On y sent le rêve de prendre le devant de la scène, la découverte d’une passion pour la musique, qu’il apprend à incarner, chanteur moyen, très bon danseur. L’artiste qui rêve qu’on rêve à lui. Il prend la parole, tenant une conversation avec lui-même teintée de vacuité et de simplicité d’esprit. On commence à voir émerger la figure égocentrique du frontman qui aime s’écouter parler et qui se plait à se trouver lui-même profond et intelligent.
Musiciens révélés
On passe à un autre chapitre alors qu’on entend pour la première fois une musique dont on ne voit pas la source. La musique est anormalement forte et les premiers coups de batterie font sursauter plusieurs spectateurs. Revenant à une gestuelle semblable à celle du début, dorénavant accompagné de cette musique tonitruante, l’artiste ne fait plus rire, ces gestes ne semblent plus excessifs ; ils deviennent l’incarnation d’un son amplifié, lui-même exagéré en poids et en volume. Maintenant accompagné du vrombissement d’un long crescendo de rock garage, l’artiste n’est certainement plus vulnérable. L’énergie du son, la brutalité du rock le nourrissent, le grandissent, le magnifient. Ce long jam arrive à son point culminant, alors que, après avoir réaménagé la scène pour en faire un terrain de jeu pour le frontman, l’artiste ouvre le rideau se trouvant à l’arrière de la scène, dévoilant la source sonore : la silhouette de trois musiciens sur un promontoire au fond de la scène, plongés dans un épais nuage de fumée. Cette longue montée en intensité est menée de main de maître par les musiciens Philippe Brault, Nicolas Basque et José Major. Le frontman finit par empoigner sa guitare et son micro, se joignant aux musiciens. Ceux-ci terminent le morceau en laissant le chanteur porter sa fin seul à la guitare, révélant le contraste entre l’immensité de la figure du frontman lorsqu’il est porté par le son de ses musiciens et sa vulnérabilité lorsqu’il joue réellement seul.
Les musiciens sont donc sur un plateau lointain, une scène sur la scène. Le chanteur-danseur est quant à lui proche de nous, au niveau du sol et occupant l’essentiel de l’espace scénique. Frédérick Gravel se situe donc toujours au carrefour du concert rock et du spectacle de danse contemporaine, nous offrant une nouvelle forme hybride. La musique est fort efficace et c’est lorsque Gravel quitte son micro qu’il occupe cette même fonction de frontman à travers la danse, qu’il est à son meilleur et que le devant de la scène lui revient de plein droit. C’est donc une vision rock du solo qu’il nous propose : le solo, mais à l’intérieur d’un groupe, celui des musiciens qui l’accompagnent, qui le portent et qui lui laissent toute la place. Le solo n’est pas une prestation mettant véritablement en scène une seule personne.
Le frontman peut revêtir ce qui lui plait vraiment, maintenant qu’il a trouvé ses musiciens, ceux qui acceptent de jouer les faire-valoir de son ego. Tant comme chanteur que comme danseur, Gravel nous montre un frontman qui ne se démarque ni par sa virtuosité, ni par son intelligence, ni par sa profondeur. C’est une toute autre alchimie qui est à l’œuvre : conviction, charisme, dévouement, extravagance, authenticité, sensibilité, intensité. Ces ingrédients permettent à Gravel de devenir le véritable visage de son quatuor.
Le spectacle se termine sur un puissant jam de post-rock qui se transforme en rock progressif pour enfin devenir une pièce d’électro. Le frontman mise dorénavant sur la répétition typique de ce type de musique et reste davantage calé sur la musique plutôt que de miser sur ses envolées. Il se contente dorénavant de ne chanter que quelques lignes, pour ensuite s’éclater dans la danse, dans des gestes plus naïfs et simples que ceux inutilement complexes des débuts. Il fait tourner le monde, il crée pour ressentir. L’artiste a appris, il évolue et il comprend que son expression est tout ce qu’il lui reste. L’artiste qui était d’abord au service de son ego prend maintenant le devant de la scène parce qu’il est mû par l’amour de son art, par une pulsion viscérale.
Rappel
Gravel nous offre une bonus track à la fin du spectacle. Ce moment sert à briser le solo pour créer une réelle rencontre entre l’artiste et les spectateurs. Le chorégraphe s’adresse alors candidement et simplement au public. Il avoue lui-même qu’il se garde ce moment pour enfin communier avec les spectateurs, qu’il est tellement dans sa bulle durant toute la prestation qu’il ne prend même pas compte de leur présence. Les paroles de cette chanson nous placent d’ailleurs avec lui, suspendus au-dessus du précipice.
Magnifique expérience, brillante variation sur le concept du solo que ce Fear and Greed dirigé, conçu et interprété par Frédérick Gravel. Le solo pour lui est une attitude, bien plus qu’une forme.