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Fred Pellerin était à la Place des Arts samedi pour présenter son sixième spectacle de contes Un village en trois dés en supplémentaire. Le conteur nous invite une fois de plus à côtoyer sa belle galerie de personnages colorés, du coiffeur alcoolique à Toussaint Brodeur, tenancier avare du magasin général, en passant par la Veuve vive, le forgeron, Lurette et le curé. Mais, cette fois le conteur nous convie dans une nouvelle formule qui nous ramène à la fondation du village de Saint-Elie-de-Caxton et à l’importance de son bureau de poste, ou, plus précisément, de celle qui y travaillait dès l’ouverture, Aliche.
Un village en trois dés s’interroge sur le moment où on devient communauté en prenant l’exemple de Saint-Elie-de-Caxton et en se demandant qu’est-ce qui a fait la différence entre le moment précédant la fondation du village et celui qui la suit. Il n’hésite donc pas à parler des recherches qu’il a effectuées pour trouver des réponses.
Plus de réalisme
Bien que la dernière partie d’Un village en trois dés soit typique de l’univers éclaté et fantastique du conteur, une bonne partie du spectacle est ancrée dans plus de réalisme que ce à quoi il nous a habitué.
On sent donc que l’univers de Pellerin a évolué depuis De peigne et de misère et L’Arracheuse de temps. Le principal intéressé en semble très conscient d’ailleurs, faisant de multiples blagues sur le fait qu’il est peut-être en train de délaisser ses habits de conteur au profit de celui du conférencier. Mais ça fonctionne : sa poésie semble prendre plus de place dans une trame aussi ample exigeant moins d’explications, et le dernier acte frappe fort en nous propulsant dans un réalisme magique qui rompt avec le reste du texte.
On sent donc une œuvre plus incarnée dans le réel, ponctuée de questionnements et de réflexions, plutôt qu’un simple voyage dans un monde féérique. Ce parti-pris dans lequel c'est la magie qui écope, cadre aussi avec le sujet du spectacle, une quête de ce qui nous fait exister réellement.
L'art de jouer avec les émotions
On sent que Fred Pellerin profite aussi de ce spectacle pour pousser encore plus loin ce qu’il a appris à si bien maitriser avec le temps, soit sa capacité de faire passer son public du rire aux larmes. Dans ses spectacles précédents, ces moments étaient plus longs et étaient séparés par une ligne plus franche. Mais avec son dernier spectacle, Pellerin s’amuse beaucoup plus à passer d’un à l’autre, parfois très rapidement.
Il est assez impressionnant d’entendre la vitesse à laquelle les réactions du public changent du tout au tout en passant, sans crier gare, par exemple, des anecdotes sur le coffre à outils du désormais célèbre Méo-le-coiffeur à la tristesse de Mme Gélinas qui écrit à sa petite fille décédée. La courtepointe semble ainsi tissée plus serrée. La signature de Fred Pellerin étant maintenant si connue, le public est prêt à entrer dans cette danse, plus exigeante, soit, mais aussi plus gratifiante. On dirait que le conteur ne se sent plus obligé de prendre le spectateur par la main.
La mise en scène, très sobre, permet au conteur de briller. Les jeux des éclairages sont réussis. Justes et précis, ils viennent appuyer certains passages du texte, ici pour séparer la joie de la tristesse, ici pour séparer le réel du magique, là pour séparer le passé du présent.
Une mise en scène dépouillée mais efficace
Les chansons nous semblent bien placées, mieux cousues avec la trame narrative que ce qu’on a pu voir dans ses spectacles précédents, encore une fois donnant l’impression d’une courtepointe mieux tissée. Alors qu’il joue les premières notes de «Je m’envolerai», il continue à réciter le texte de son conte, avant de commencer à chanter cette chanson qui marque, de façon si douce, le décès d’un des personnage. «Amène-toi chez nous» de Jacques Michel résonne en fin de spectacle, permettant au spectateur de bien digérer cette fin fantastique et poétique, pour bien en saisir toute la profondeur.
Mais le meilleur de tout reste cette poésie si particulière du conteur. Grâce à son personnage de scène qui parle un peu trop vite, comme s’il avait une patate chaude dans la bouche ou un 40 onces dans le corps, Fred Pellerin continue de jouer habilement avec sa langue et de nous offrir de nombreuses perles, donnant parfois des élans de poésie à ce qui semble de prime abord des cafouillages linguistiques. Sa poésie très québécoise continue dans son jazz bien à lui, qui lui permet d’utiliser des mots qui n’existent pas sans que cela ne nuise à la compréhension, de jouer avec des anglicismes bien québécisés ou encore de donner un nouveau sens à des expressions bien connues.
Nous avons d’ailleurs pris un malin plaisir à écouter notre voisine d’en arrière, une Française visiblement chevronnée en matière de parlure québécoise, expliquer à sa compatriote presque chaque phrase du spectacle dans un français plus normatif, mais ô combien plus angulaire… Si Fred Pellerin ne sent plus autant le besoin de se réfugier dans la magie, le fantastique et le folklorique, c’est peut-être parce qu’il a compris que c’est dans sa façon de jouer avec les mots qu’il peut nous en mettre plein la vue. On sort de ce spectacle touché par l’ampleur de notre langue, par l’envergure des images qu’elle permet, par les émotions qui se perdraient dans la traduction.
Le conteur de Saint-Élie-de-Caxton explique qu’il en est déjà à plus de 280 représentations sur un total d’environ 400 qui le mèneront aux quatre coins du Québec et de l’Europe jusqu’au printemps 2020. Mais il n’en paraît rien : le conteur réussit à nous faire croire à plusieurs reprises qu’il improvise. C’est tout à son honneur puisqu’on sent que tout le monde aura droit à la même qualité de spectacle. Ne le manquez surtout pas s’il passe près de chez vous : En recourant à un peu moins à la magie, Fred Pellerin réussit à nous faire rêver encore plus…