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Le deuxième projet cinématographique du réalisateur abitibien Éric Morin aura nécessité plus de cinq ans de préparation, de l’ébauche du film jusqu’à sa grande première lors des Rendez-vous Québec Cinéma en février dernier. Enfin présenté en salle dès ce 29 mars, Nous sommes Gold raconte le périple de Marianne, une musicienne indie-rock, alors qu'elle décide de retourner dans son patelin pour les commémorations d’une catastrophe minière ayant eu lieu dix ans plus tôt.
Un événement qui a laissé dans cette petite ville fictive – dont tout respire l’Abitibi – un sentiment d’amertume, ayant eu tôt fait de façonner son identité. C’est ainsi que malgré les années qui passent et s’effritent, le « trou », vestige morbide du passé, continue d’exercer son pouvoir sur ses habitants. Ces dommages collatéraux, l’héroïne d’Éric Morin avait tenté de les fuir en s’exilant à Montréal des années plus tôt, après avoir elle-même perdu ses deux parents dans l’accident ayant coûté la vie à 68 personnes. Mais la fuite n’efface pas le deuil, et c’est en même temps qu’elle retrouve sa région natale, dans laquelle elle se fait désormais étrangère, qu’elle replonge doucement dans l’implacable douleur l’ayant paralysée à l’époque.
Pour apaiser ce retour forcé, il y a du moins Gold, l’ancien band rock de la jeune femme, qui renaît de ses cendres alors qu’elle renoue avec ses musiciens et amis d’enfance, Kristoff (Emmanuel Schwartz) et Kevin « The Survivor » (Patrick Hivon), l’unique survivant de l’effondrement minier. Entre les pratiques improvisées et les grosses bières au bar du coin, les trois personnages errent lors de cette semaine de commémoration en des espaces incertains, confrontés à leurs écorchures du passé, de celles qui ne se referment jamais vraiment.
La ruée vers l’art
Ce qui se dégage d’abord du nouveau long-métrage d’Éric Morin, c’est sûrement le regard qu’il pose sur cet insondable lien qui nous relie à notre héritage, notre territoire et finalement notre histoire. C’est sans surprise qu’il le fait dans Nous sommes Gold, alors qu’il avait déjà exploité ce thème dans son premier film paru en 2013, Chasse au Godard d'Abbittibbi. Il faut savoir que, tout comme le personnage principal du film, le réalisateur est lui-même originaire d’une ville minière qu’il a quittée dans sa jeune vingtaine pour ne la retrouver que plusieurs années plus tard.
C’est que l’idée même de la région possède un certain magnétisme, de par nos racines qui s’y trouvent et notre nostalgie qui y est ancrée. Ces territoires, qui peuvent sembler bien étrangers alors qu’on n’y a pas posé les pieds depuis trop longtemps, contiennent une part substantielle de la culture populaire. Une culture faite de détails, des éléments qui semblent parfois insignifiants lorsqu’isolés, mais qui, une fois mis ensemble, forment un tout cohérent qui évoque quelque chose de familier et de rassurant. Comme cette scène durant laquelle les trois membres de Gold s’enfilent une poutine au casse-croûte kitsch à souhait tenu par la sœur de Marianne (Catherine de Léan) et son mari. Un cliché, qui tombe pourtant sous le sens alors que le mari, après avoir vanté les mérites de la patate « Yukon Gold Star », rassure sa femme et ses clients sur la pertinence d’un tel commerce en affirmant que le monde pourrait bien exploser, l’économie crasher, les gens gagner à la loterie, c’est toujours avec une poutine qu’ils célébreraient ou s’enfonceraient. Puis, il y a la langue des dialogues, bien sûr, qui vient contribuer à cette atmosphère qui dépeint déjà le paysage québécois. La vernaculaire, celle qui rappelle la poésie de Desjardins (cet hommage majestueux à l’ordinaire des jours), qui assemble les « québécismes », les sarcasmes pleins d’ironie que maîtrisent la jeunesse rebutée, le « franglais » et puis les sacres bien sentis. L’appartenance au territoire, donc.
C’est cette même relation au lieu que questionne la nièce de Marianne (Rose-Marie Perreault) dans cette discussion de parking, alors qu’elle évoque que c’est mieux en ville… « Ailleurs, ici, c’est toujours la même affaire au final », répond sa tante. Une réplique qui en dit long. C’est dans sa simplicité éloquente qu’on retrouve la beauté brute de Nous sommes Gold, pépite précieuse d’un cinéma populaire brusque et pertinent. Puis, poétique surtout, comme l'illustrent ces images à vol d’oiseau du « trou », cette mine désaffectée plantée en plein cœur des reliefs de conifères de la forêt boréale abitibienne, des plans larges vaporeux qui se répètent de façon pesante tout au long de la trame narrative.
Rock et racines
Ce qui vient également rythmer ce film d’auteur, c’est la place centrale qu’y occupe la formation musicale Gold, band fictif rock-indie qui tire ses influences des Pixies, de Joy Division et accessoirement de l’amour du réalisateur pour le rock indépendant. C’est d’ailleurs à son ami d’enfance Philippe B qu’Éric Morin a confié la réalisation de la bande sonore du film, laquelle évoluait alors qu’il écrivait simultanément le scénario. L’esthétique et l’état d’esprit de ce milieu musical teintent donc énormément l’ensemble de l’œuvre, alors que le focus de l’histoire est axé sur les retrouvailles des trois complices du groupe, qui ont promis au propriétaire du bar du quartier d’assurer un show lors de la soirée de commémoration en échange de 500$. C’est ainsi qu’on suivra principalement ces trois acolytes, aussi bien liés par l’amitié que la folie du désespoir, des personnages singuliers interprétés avec puissance et justesse par Emmanuel Schwartz, Patrick Hivon puis Monia Chokri. À travers eux, le réalisateur explore entre autres choses la question de la santé mentale, des folies de jeunesse qui ne veulent pas se taire, du sexisme ordinaire dans l’industrie musicale puis de l’amour qui s’accommode du platonique… et c’est dire comme il est rafraîchissant de dénicher un film dans lequel l’inépuisable thème de l’amour est mis de côté.
Mais, ce qui trace réellement la trajectoire de ce long-métrage, c’est assurément la performance en étoile filante de Monia Chokri, qui brille fort et vite dans le rôle de Marianne, une naufragée qui tente fort de garder la face et de ne pas courber l’échine devant la peine, bien qu’on la devine vulnérable sous ses airs de fille indépendante. C’est d’ailleurs dans la magnifique relation valsant entre amour et rancœur, qu’elle entretient avec sa sœur cadette, qu’on parvient à la découvrir... sensible et touchante.
Nous sommes Gold, une réalisation qui transpire l’authenticité, une fiction d’un réalisme désarmant, une direction photo impeccable et un scénario cohérent et intelligent. Bref, un superbe ajout au répertoire de notre cinéma québécois, qu’il serait dommage de manquer.