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« Ceux qui refusent de regarder la réalité appellent leur propre destruction »
- James Baldwin
Dans Je ne suis pas votre nègre, le réalisateur haïtien Raoul Peck tâche d'imaginer ce qu'aurait pu devenir un projet inachevé de l’écrivain James Baldwin. Ce dernier souhaitait témoigner sur ses trois amis assassinés : Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King Jr. Il n’avait malheureusement laissé que trente pages de notes.
Pour la réalisation, Raoul Peck ne s'encombre pas d'effets cinématographiques originaux. Le format du documentaire reste très classique dans la lignée technique des classiques américains de Ken Burns avec photographies zoomées, extraits d'archives et interviews d’époque. Dans ce contexte, on aurait pu croire que la narration de Samuel L. Jackson allait prendre trop d'importance, mais l'acteur utilise un ton très éloigné de l'exubérance qu'on lui connaît. Il devient alors naturel d'entendre les mots de James Baldwin sortir de sa bouche.
Au fur et à mesure du récit, on réalise que l'ambition de compléter l'œuvre de Baldwin ne sera pas pleinement réalisée. Pour chacun des activistes assassinés, le Baldwin du documentaire raconte ce qu'il faisait quand il a appris leur mort. Il évoque aussi comment il les a rencontrés ainsi que leur vision très différente de la lutte noire, mais il n’aborde pas vraiment l'impact qu'ils ont pu avoir sur sa vie, ni sur son œuvre en général. Il semblerait plutôt que le réalisateur utilise les bases de cette œuvre inachevée comme le cadre d'une exploration moderne de la pensée de James Baldwin.
Le film évoque évidemment la lutte générale entre Noirs et Blancs américains, il va jusqu'à l'illustrer dans le graphisme des titres des chapitres où deux aplats de couleur, un noir et un blanc se battent pour le droit d'occuper l'écran.
Mais la confrontation plus subtile et plus chère à Baldwin autour de laquelle tourne principalement le film est celle entre la vision du rêve américain imaginée par les Blancs et la réalité américaine vécue au quotidien par les Noirs. Une intervention de Baldwin vient ainsi régulièrement ponctuer le film, extraite du célèbre débat de Cambridge où il répondait à la question « Le rêve américain existe-t-il au dépend du Noir américain ? ».
Pour illustrer la réalité noire, Raoul Peck met en avant des faits réels comme les efforts du mouvement des droits civiques ou encore les violences raciales. On voit donc des images d’archives et des interviews de l’époque. Pour illustrer le rêve blanc, il utilise de nombreux extraits de films qui peignent les Noirs de façon « positive ». On citera La Chaîne (1958), premier buddy movie du genre dans lequel Sydney Poitier et Tony Curtis, deux fugitifs enchaînés malgré eux, se découvrent une amitié inattendue alors que le destin les force à coopérer. Poitier y choisit même de rester avec son nouvel ami blanc plutôt que de retrouver sa liberté seul… Mais aussi Devine qui vient dîner ce soir ? (1967) dans lequel Katharine Houghton présente à sa famille son futur mari, Sydney Poitier (toujours). L’accueil gêné de ses parents prétendument modernes et la désapprobation de leur bonne noire nourrissent le scénario. Dès lors il s’avère facile pour le spectateur de faire le lien avec d’autres films bien plus récents qui exploitent la même dynamique et visent toujours, selon Baldwin, à rassurer le Blanc sur sa capacité à être aimé par son « ancienne » victime.
Cette confrontation entre le rêve blanc et la réalité noire arrive à son paroxysme quand Peck fait se suivre à l'écran deux images mythiques des années soixante. D'un côté une comédie musicale où un couple blanc danse en smoking et claquettes devant une audience subjuguée ; et de l'autre, des photographies de presse mettant en scène des étudiants entourés de gardes nationaux, des policiers s'acharnant sur des manifestants noirs et des victimes de lynchage la corde au cou.
Même si la promesse originale de Raoul Peck ne semble pas toujours remplie, il ne manque pas, à travers l'esprit extraordinaire de James Baldwin, de nous démontrer que ces deux Amériques – l'une blanche et imaginaire, l'autre noire et factuelle – s'imposent encore aujourd'hui sur les scènes politique et artistique. Deux de leurs champions se sont d'ailleurs affrontés tout récemment aux Oscars, La La Land et Moonlight.
Je ne suis pas votre nègre vient rejoindre la liste des documentaires que l’on doit impérativement montrer aux générations actuelles et futures pour s’assurer que la vérité ne soit pas enfouie sous l’imaginaire d’une partie des États-Unis se sentant peut-être un peu trop coupable.