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Du 4 au 11 mai dernier avait lieu la 19e édition du Festival International du Film ethnographique du Québec, diffusée dans les salles de projection du Cinéma Moderne, du Cinéma du Parc, de la Cinémathèque et de l'Université Concordia.
Fondé en 2008 par un groupe d’étudiants et de professeurs en anthropologie de l’Université de Montréal, le Festival a pour mission, depuis l’origine, d’abattre les cloisons et d’extraire ce médium méconnu de l’étanchéité des milieux académiques. Cette année encore, le FIFEQ, diffusé depuis 2018 hors des locaux des universités montréalaises dans des musées et cinémas indépendants, offrait au public une très riche programmation entièrement gratuite. Retour sur la très réussie soirée d'ouverture, où s’affichaient magnifiquement les couleurs d’une organisation vouée au partage et au dialogue entre différentes cultures et groupes sociaux.
Nous étions conviés d’abord le 4 mai dernier au Cinéma Moderne pour la projection du film d’ouverture, Huahua’s dazzling world and its myriad temptations, une production canado-états-unienne réalisée par Daphne Xu. L’artiste multidisciplinaire sino-canadienne, cofondatrice du collectif d’art et de recherche Sponge Gourd Collective, en est à son deuxième film tourné en Chine, après A thousand year stage réalisé en 2020. Entre le documentaire et l’essai poético-politique, cette œuvre explore les conséquences de l’urbanisation éclair provoquée par le gouvernement chinois dans le cadre du projet de la Nouvelle Zone de Xiongan, dont on dit qu’il procède d’une initiative personnelle du président de la république populaire, sur les populations locales rurales de résidents et de travailleurs. Le nom « Xiongang » est composé du nom de deux des trois districts que cette nouvelle zone d’urbanisation doit regrouper, Xiong, Rongchen et Anxin. Il désigne la future pierre angulaire, stratégiquement positionnée entre Pékin et Tianjin, de la mégalopole verte Jing-jin-ji, vitrine des prouesses attribuables à l’ingénierie et au développement urbain durable centralement planifiés du socialisme chinois. Plutôt qu'une analyse socio-économique ou politique du projet, le film fournit un espace d'expression et de visibilité aux populations profondément bousculées par le projet, mais invisibilisées et ravalées à un état d'attente passive devant les changements inéluctables qui s'abattent sur eux, enclenchés de façon purement verticale.
Le regard de la cinéaste connait dans Huahua’s dazzling world and its myriad temptations une inflexion vers le singulier et l’intime, alors qu’il s’attarde ici sur une des performeuses rencontrées lors du premier tournage à Xiongan. On y découvre l’envers cru de l’univers de la star locale du livestreaming Huahua, repeint sur Internet de couleurs riantes grâce à des effets numériques franchement psychédéliques. Pendant 82 minutes, nous suivons le quotidien surréaliste de la sympathique dame d’âge mûr, qui a à sa charge sa fille, ses deux petits-enfants et son mari bon à rien, alors qu’elle investit les moyens technologiques à sa disposition pour subvenir aux besoins de toute la tribu. Récoltant les likes de fans qui s’émerveillent de son déhanchement, de ses vociférations et des produits bon marché dont elle fait la publicité, elle hustle du matin au soir. Dans un mélange de résignation et de gaieté fataliste, elle est occupée tantôt à cuisiner des dumplings dans une cuisine blafarde, tantôt à gueuler devant un magasin de fruits et légumes, tantôt à échanger avec ses followers. Ce n’est pas sa force de travail qu’elle vend, mais la transposition numérique de la substance même de son existence : « I’m busy all day and I don’t even know what I’m doing ». Cette réflexion, entre lucidité désarmante et aveuglement, n’est pas sans faire échos à la manière dont chacun sent son quotidien exponentiellement virtualisé et vampirisé par l’économie de l’attention.
On laisse doucement cette image, reflet offert par le miroir grossissant tendu par le film, se poser en nous, augmenter l’acuité du regard et semer les germes de nouvelles intuitions, dans la transition vers le deuxième acte de cette soirée. Répondant à l’invitation chaleureuse des organisatrices de l’événement, l’assistance du Cinéma Moderne se dirige vers l’espace communautaire Ursa (fondé par Martha Wainwright en 2020), quartier général du festival, où fattouch, kafta et autres délicatesses libanaises nous sont servies par le bien connu comptoir libanais Trip de bouffe. Après quelques discours aussi brefs qu’empreints d’une conviction passionnée de la part des organisatrices, et après les deux performances de danse (You can feel it in your teeth, chorégraphié par Rena Eyamie, également performé par elle accompagné par Wendy Hough, puis Something tells me it’s not a Holliday inn, chorégraphié par Laura Borello Bellemare et performé par elle ainsi que Marianne Mercier-Dulac et Li Kouri à la musique originale), toute la place requise est remise à la musique (suave et groovy DJ set de Wasa bibi) et aux conversations autour du film. Tous les éléments en place, donc, pour donner lieu à un embrasement des corps et des esprits, et mettre l'eau à la bouche pour la suite du festival…
Merci à toute l’organisation du Fifeq, du Cinéma Moderne et du Ursa. On attend avec impatience l’édition 2024.