Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Inscrivez-vous maintenant, c'est gratuit!
Le 19 juin dernier, alors que le festival battait toujours son plein, atuvu.ca publiait un premier bilan de la 24e édition de Suoni Per Il Popolo. Une semaine après la soirée de clôture du 23 juin, après deux très denses semaines de carnavalesque ébullition créative, voici venu le temps de revenir sur ce rendez-vous charnière.
On vous propose ici une traversée éclair en trois stations de ce marathon.
Le dimanche 16 juin, pour clôturer la première fin de semaine mouvementée du festival, avait lieu dans l’ambiance feutrée de la Casa del Popolo un reposant et décloisonné cabaret vidéo. Organisé en partenariat avec la lumière collective, — microcinéma et collectif d’artistes voué à la création et à la diffusion d’images en mouvement — la soirée Dirty Eyelash Video Screening offrait une rencontre inédite entre le regard vidéographique de l’Est et celui l’Ouest, entre le Levant et le Couchant du rêve américain.
Étaient rassemblées les œuvres des vidéastes et artistes visuels californiens Jennifer Juniper Stratford, Jonah Bergman, Dante Capone et Skye Clark (premier passage à Montréal pour les membres de Primordial Freak, cellule de crise de l’avant-garde cinématographique de LA) et du Montréalais Dirty Eyelash, dans un panorama de fascinantes anomalies.
Avec pour fil conducteur la voix hypnotique et suave de Dirty Eyelash, une série d’esquisses mi-cauchemardesques et mi-clownesques, fluo et délavées, était offerte au public. La matière première de cette projection, livrée presque dans sa forme brute : l’intériorité du sujet moderne, à demi abasourdie par une stroboscopique offre de biens, de services et autres objets de curiosité et de désir.
Dans une esthétique DIY se reflétant sans trop d’encombres jusque dans l’organisation technique de la soirée, le spectateur était convié à une méditation sur les diverses créatures, monstrueuses, mythiques, grandioses et banales, qui constituent la substance de notre imaginaire.
Le lundi 17 juin, la Casa del Popolo accueillait un autre invité de marque, le collectif free jazz Irreversible Entanglements. L’orchestre est le produit de la rencontre de deux ensembles. Lors du concert Musicians Against Brutality donné en 2014 — concert de solidarité et de protestation organisé suite à l’assassinat par un officier du NYPD de l’immigrant caribéen Akai Gurley —, se sont succédé au cours de deux sets électriques le trio formé de la vocaliste Camae Ayewa (mieux connue sous le nom de Moor Mother), du bassiste Luke Stewart et du saxophoniste Keira Neuringer puis le très prometteur duo new-yorkais formé du trompettiste Aquiles Navarro et du batteur Tcheser Holmes. Cette rencontre allait provoquer la création de IE, aujourd’hui salué comme l’un des groupes les plus influents et intéressants du free jazz. L’œuvre du collectif se situe aux confins de la musique expérimentale et de l’activisme politique.
Une péripétie survenue au cours du vol qui devait conduire Ayewa à Montréal a privé le public de la présence très attendue de la proéminente figure du spoken word. Tout au long des deux — excellents — sets donnés par les membres de IE qui ont réussi à se rendre à bon port, accompagnés de musiciens de la scène montréalaise d'improvisation libre (la saxophoniste Geneviève Gauthier, le bassiste Nicolas Caloia, le trompettiste et poète Jason Blackbird Selman), un désir inassouvi, causé par l’absence regrettée, ne se laissait malheureusement pas oublier. Comme si un poids sur les cœurs empêchait l’audience de s’envoler pour de bon dans une transe inaccessible, mais touchée du doigt à chaque instant.
Il faut saluer, entre autres moments de grâce atteints par l’orchestre, le magistral dialogue entre les contrebassistes Luke Stewart et Nicolas Caloia, à travers lequel les deux virtuoses ont fait surgir de leur majestueux instrument des vocables sonores issus d’horizons oubliés ou à venir.
Le festival se terminait le dimanche 23 juin avec un riche programme : marathon d’improvisation free jazz à la Sala Rossa avec quelques-uns des habitués des Mardis Spaghetti (une institution du paysage musical montréalais), installation sonore de Li Alin à la Sotterenea, projection du documentaire Spaces of exception en après-midi à la Sala Rossa et quadruple programme punk à la Casa del Popolo.
Mon parcours s’est terminé à la Casa, là où il avait commencé. La soirée, un peu à l’écart des territoires vindicatifs parfois visités par le genre, s’est déroulée davantage comme un crescendo d’énergie et de plaisir. On a d’abord entendu White Knuckle, dont le nom ainsi que le visuel high visibility de la page bandcamp offrent la promesse (tenue) d’une décharge sonore épileptique. Le trio hardcore à l’esthétique gothique et sexy Purity Culture poursuivait la soirée, dans une performance hypnotique et enragée.
C’est ensuite Zeal, band hardcore au son brut, lourd, rapide, qui s’est chargé de maintenir la foule en alerte. La soirée a culminé avec une salle entière transformée en mosh pit, pour honorer la présence de Puffer. Le groupe en est seulement à sa deuxième sortie, le EP S/T enregistré en 2023, après la sortie de la démo Live And Die in the City en 2022, mais il arrive à proposer un son et une présence sur scène qui ont quelque chose du classique instantané, à la fois familiers, singuliers et redoutablement efficaces, entre hardcore et rock'n'roll, accolade et brutalité.
Suoni ne se résume pas, il faut le souligner en terminant, à une présentation de l’état de l’art. Le festival se positionne depuis ses débuts comme un vivier et une vitrine, où doit s'établir, si tout se passe bien, un point de contact entre l’art et de la vie.
À travers la mise en commun d’idées, de pratiques et de ressources, cette rencontre annuelle crée un espace pour la recherche de moyens d’expression novateurs, eux-mêmes au service de l’ouverture de manières de vivre et de sentir qui bousculent. Il vise, année après année, à coordonner et favoriser l’essor d’une force transformatrice.
Cette mission du festival se déploie dans une multiplicité d’événements de formes diverses, avec pour objectif sous-jacent de provoquer rencontres, étincelles et jaillissements. Cette année, 44 spectacles en 12 jours.
Devant le succès de cette édition 2024, à travers laquelle on aperçoit une continuité et un renouveau de la scène locale, du public et de la direction artistique, un mélange des générations et des genres, on ne peut que s’attendre à un 25e anniversaire exceptionnel de Suoni Per Il Popolo. D’ici là, l’organisation offre au public tout au long de l’année des concerts, expositions et autres événements pour maintenir vivants les liens entre les artistes d’ici et d’ailleurs et la communauté.