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Jeudi 1er février, c’est soir de première pour « L’Homme éléphant » au Théâtre du Rideau Vert. Dans le rôle-titre, Benoît McGinnis livre une remarquable et mémorable performance d’acteur et ce, sans fard ni artifice. L’arme de séduction massive, très efficacement utilisée par le performer, repose essentiellement sur le mimétisme et la contorsion. On cherche en vain la prothèse ou le masque car n’évolue sous nos yeux qu’un brillant acteur, revêtu de son seul monstrueux talent.
Le Britannique Joseph Carey Merrick (1862-1890), surnommé « l’homme éléphant », vit à l’ère victorienne. Depuis sa tendre enfance, il est affligé d’un mal qu’on a longtemps crû être la neurofibromatose, jusqu’à ce qu’un tardif examen post-mortem de ses os révèle finalement qu’il s’agissait plutôt du syndrome de Protée, un dérèglement génétique entraînant la déformation et la croissance anarchique des os et des tissus. Voici une authentique photo d’époque du pauvre malheureux.
J’ai lu quelque part que, pour les besoins du film The Elephant Man de David Lynch, sorti en 1980 avec Anthony Hopkins dans le rôle du docteur Frederick Treves, et John Hurt dans le rôle principal, ce dernier devait quotidiennement s’astreindre à huit heures de maquillage et d’application de prothèses, et à deux heures de démaquillage pour entrer et sortir de la peau de son personnage. On comprend donc aisément que Jean Leclerc, traducteur et metteur en scène de la pièce, ait choisi d’investir dans le « jeu d’acteur » plutôt que dans le latex, les prothèses et le maquillage pour donner vie au malheureux Joseph.
Voici une anecdote qui trahit mon âge. Lorsque j’étais finissant de l’école primaire au milieu des années 1960, Jean Leclerc, alors déjà connu pour son rôle dans la télésérie Les Belles Histoires des Pays d’en haut de Claude-Henri Grignon, est venu faire de la suppléance dans ma classe de 6e pour l’enseignement de l’anglais. Ce n’est donc pas d’hier que ce dernier peut s’enorgueillir d’être parfaitement bilingue; un atout qui lui aura été profitable tout au long de sa fructueuse carrière aux États-Unis. Que de chemin vous avez parcouru depuis votre passage dans mon école, Monsieur Leclerc! Je vous lève mon chapeau.
Le poète et dramaturge américain Bernard Pomerance fait débuter sa pièce par un Dr Frederick Treves, chirurgien et professeur d’anatomie à l’hôpital de Londres, discourant et exposant la singulière et lamentable condition physique de Joseph, son protégé, avec grandes et explicites photos à l’appui.
Ensuite, la longue période d’exploitation, d’humiliation, de maltraitance et d’abus subis par Joseph est brièvement évoquée avant que toute l’emphase soit définitivement mise sur l’épisode nettement plus heureux de sa vie, après que le Dr Treves l’eut arraché à la rue et délivré de la létale emprise de Ross, son pseudo gérant mais véritable tortionnaire.
Grâce au talent de transformiste de Benoît McGinnis, Joseph – néanmoins appelé John dans la pièce – prend vie sous nos yeux. Il traîne lentement et péniblement son corps affreusement difforme en s’appuyant sur une canne de sa seule main valide, tout en claudiquant, en soufflant et en sifflant.
Maintenant qu’il a été libéré de la rue, de l’exploitation et des regards inquisiteurs des foules moqueuses, il fait maintenant l’objet de la curiosité et de l’attention pas tout à fait désintéressée de la noblesse qui, au moins, le traite comme un être humain plutôt que comme un animal, et le gâte régulièrement de cadeaux.
Il habite en permanence un discret réduit de l’hôpital, situé derrière le mécanisme d’une monumentale horloge vue de l’intérieur. C’est dorénavant son chez-soi grâce aux fonds provenant de généreux donateurs du public, émus par son triste sort, et grâce à la bienveillance du Dr Treves et de l’administrateur de l’établissement. Il y est logé, nourri, soigné, habillé et protégé. Dans les circonstances, il se dit heureux en dépit de son insurmontable handicap.
Il se révèle peu à peu être plus articulé qu’on l’en croyait capable. C’est un romantique vénérant la femme qui lui sera, hélas, toujours inaccessible malgré le fait qu’elle vienne régulièrement le visiter dans son humble demeure. Il démontre une grande sensibilité et un sens artistique certain, qui s’exprime dans ses dessins et sa réalisation d’une maquette d’église. Mais ses jours sont comptés car son cœur va faiblissant.
Pour ne pas s’étouffer durant son sommeil, pour éviter que le poids considérable de sa tête n’entraîne l’écrasement – et donc le blocage de sa trachée-artère –, il ne peut pas dormir allongé comme le commun des mortels. Mais un soir, voulant faire comme tout le monde, il s’allonge pour dormir et l’inévitable s’ensuit. Tombée du rideau.
Si ce n’est déjà fait, Benoît McGinnis me semble être en voie de devenir le Docteur Jekyll et Monsieur Hyde québécois, de par sa capacité à capitaliser sur la malléabilité de son faciès, sa versatilité et le vérisme de son jeu; tout comme Spencer Tracy en 1941 dans le film Dr. Jekyll and Mr. Hyde, qui fut remarqué et acclamé spécifiquement pour les mêmes raisons. Monsieur McGinnis conviendra certainement qu’il y a pire dans la vie que d’être comparé à un légendaire acteur de cinéma.
J’aurais aimé que le programme, ou le dossier de presse, ou encore le site internet du Rideau Vert identifie tous les acteurs en fonction de leurs rôles respectifs dans la pièce. À part Benoît McGinnis et Germain Houde dont les rôles sont clairement identifiés, il semblerait que la production ait présumé que le spectateur moyen reconnaîtrait sans difficulté tout un chacun des autres protagonistes. Ça n’a pas été mon cas. Je ne suis toujours pas sûr de qui se cachait derrière certains personnages, malgré mes recherches sur internet.
Je salue bien bas la très solide distribution, qui est incontestablement à la hauteur de la tâche et qui est composée d’Annick Bergeron, de David Boutin dans le rôle du Dr Treves, de Sylvie Drapeau en Lady Kendal, de Chantal Dumoulin, de Germain Houde dans le rôle de Ross, le gérant de l’homme éléphant, de Roger La Rue, administrateur de l’hôpital, et d’Hubert Proulx, en plus de Benoît McGinnis, évidemment.
Le décor évocateur et la sobre mise en scène servent très efficacement le propos, tout en contribuant à nous mettre dans le bain. Tous les concepteurs et collaborateurs à la production, dont les fonctions sont dûment identifiées dans le programme, peuvent collectivement proclamer : mission accomplie!
Comme c’était soir de première médiatique, la salle comptait son lot de célébrités, de gens du milieu théâtral et journalistique. Tout ce beau monde semble avoir apprécié puisqu’à la tombée du rideau, l’ovation debout s’est lentement mais sûrement propagée à la grandeur du parterre, accompagnée de généreux applaudissements.
La représentation a donc remporté un franc succès, qui en laisse présager beaucoup d’autres car « L’Homme éléphant » vaut vraiment le déplacement. Vous pouvez consulter le calendrier des représentations et vous procurer vos billets sur le site internet du Rideau Vert, en cliquant simplement ici.