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Du 28 mars au 15 avril (supplémentaire jusqu'au 22 avril), la salle principale du Prospero accueille l’adaptation française de Insoutenables longues étreintes dans une mise en scène du directeur artistique du théâtre Philippe Cyr (J’aime Hydro, Selfie, Le iShow).
C’est la quatrième fois que le théâtre montréalais ouvre une fenêtre sur l’univers du prolifique et acclamé auteur russe (naturalisé polonais en 2022) Ivan Viripaev. La première remonte à l’automne 2015. Dans une mise en scène de Christian Lapointe, le Prospero présentait Oxygène, créée par Viripaev en 2003 au sein du laboratoire créatif du Teatr.doc de Moscou nouvellement fondé. Devenue à l’époque un des spectacles les plus fréquentés de la ville, la pièce a par la suite été transposée au cinéma, dans une réalisation du dramaturge lui-même. Iconique non seulement de l’œuvre du dramaturge mais aussi de l’essor du théâtre documentaire russe du début des années 2000, l'oeuvre était alors présentée pour la première fois au Canada mais avait déjà beaucoup voyagé en Europe À travers dix tableaux musicaux, précédés d’une citation de la Bible réinterprétée et détournée en regard des événements de l’histoire récente, on y voyait se défiler la rencontre amoureuse à l’issue sordide d’un garçon de la province russe et d’une Moscovite sophistiquée.
Nous voilà ici, avec Insoutenables longues étreintes, devant quatre trentenaires occidentaux de classe moyenne aisée, soudainement assaillis par les bouleversements et les questionnements existentiels ordinaires qui sont le lot de cet âge et de ce groupe social. L’action nous transporte d’abord à New-York, ville cosmopolite s’il en est, qui situe d’emblée symboliquement les personnages dans un lieu incarnant la refonte de toutes les singularités territoriales et historiques dans l’universalité d’un monde contemporain globalisé et libéralisé.
Monica (Christine Beaulieu), polonaise d’origine, ayant appris qu’elle attend un enfant de son amoureux, le New-yorkais Charlie (Marc Beaupré), décide sans le consulter de se faire avorter. Au moment même où elle est en train de commettre ce qui revêtira pour elle le sens d’un homicide volontaire, celui-ci la trompe avec Amy (Joanie Guérin), ancienne connaissance sur qui il est tombé par hasard et avec qui il reconnecte sur la base d’un dégoût commun vis-à-vis du monde actuel (monde « de plastique de marde »). Amy, enfin, fait la rencontre, le soir suivant sa nuit d’amour avec Charlie, de Christophe (Simon Lacroix), voyageur tchèque en quête de prouesses culinaires véganes et d’expériences transformatrices. Il trouve en elle immédiatement l’accomplissement de la quête hédoniste et vaguement aventureuse l’ayant conduit à New-York, séduit et étonné par sa lasciveté aussi exotique que facile d’accès.
Voilà les circonstances, purement contingentes, qui forment les prémisses du récit et qui lient les quatre personnages, reflet de la ténuité des liens qui unissent les êtres, en cette ère où l’appartenance à un lieu ou à un groupe apparaissent souvent un obstacle à l’accomplissement de soi et à la liberté. Ils sont également liés d'une part par l’étroitesse et l’égoïsme de leur champ de vision et de leurs préoccupations, et d'autre part par la prise de conscience qui les foudroie de l'absurde néant de leur existence. Ils communient, en quelque sorte, dans l’étanchéité de leur individualité et du champ de leurs possibles, reflet cette fois de l'atomisation et de la stagnation du corps social.
Le hasard de cette rencontre, aussi improbable que le choc des atomes épicuriens dans l'infinité du vide, insignifiante à l’échelle cosmique mais cataclysmique à la leur, provoque un basculement de leur vie en révélant, sous l’effet d’une accentuation, « l’enfer » dans lequel, sans aucun doute, ils étaient déjà plongés. C’est cette rupture qu’ils subissent tour à tour qui leur permet de s’ouvrir progressivement à une voix intérieure (est-ce la voix de Dieu, celle d’extraterrestres appartenant à une civilisation plus avancée, celle de leur for intérieur ?) qui leur indique la manière de s’extraire de cette fange que constitue leur vie et dans laquelle ils sont embourbés. Cette voie, sans qu'il soit possible jusqu'au bout de savoir si elle est dessinée avec sérieux ou ironie, est présentée comme un horizon de salut possible pour l'humanité morcelée.
Bien que le dispositif scénique de cette production soit assez sobre -les quatre acteurs qui forment la distribution sont disposés de part et d’autre d’une plateforme circulaire qui tantôt demeure immobile, tantôt tourne sur elle-même- la pièce nous donne droit à un voyage entre New-York et Berlin, entre un ici et maintenant familier et un au-delà aux contours incertains, situé aux confins les plus reculés de l’espace physique, ou peut-être dans un horizon incorporel et transcendant. Et les protagonistes sur scène s’avèrent nombreux, s’animant peu à peu dans ces quatre corps.
Cela tient à la virtuosité des acteurs : en plus d’incarner un personnage dédoublé, passant de la narration du récit à la première personne au jeu à proprement parler, ils donnent vie, dans une succession parfois effrenée, à serpents, dauphins et autres présences mystérieuses évoquant un autre monde. À celle de la mise en scène également, qui rend avec agileté les déplacements, aussi brusques que multiples, de tonalités et de lieux visités par le texte, et qui permet de goûter les oscillations continues entre soliloque et dialogue par des solos et chassés-croisés savamment chorégraphiés entre les acteurs.
Tout au long, l’ambiguïté est maintenue entre tragédie et comédie, ou plutôt le tragique surgit de la risibilité même que revêt la quête trop familière des personnages, alors que la nécessité bien réelle de trouver une échappatoire à leur existence médiocre se dissout dans une molle et informe aspiration à une délivrance aux effluves opiacées. Mention spéciale à la très expressive scène finale, qui se situe douloureusement entre grotesque et poésie, et qui offre l'image de chair et d’os de l’avènement invraisemblable d’une ère de rédemption New Age.
Toutes les représentations affichent présentement complet !
Il arrive cependant que des billets soient remis en vente le soir même. Les spectacteurs sont invités à se présenter au théâtre avant la représentation ou à s'inscrire sur une liste d'attente pour être informés si des places se libèrent.