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Audacieux, choquant, mais essentiel. Dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), Safia Nolin se réappropriait le 31 mai dans Surveillée et punie les atrocités et menaces incessantes qui lui sont jetées en ligne. Un spectacle percutant, écrit en quasi-entièreté par des messages haineux d’internautes. Un sujet sensible qui peut ne pas convenir à tous.
«Le jour de ta mort sera une belle journée», «si tu te calmes pas, je vais te cut», «crève épaisse» : des paroles d’une telle violence sont paradoxalement chantées avec une grande beauté et harmonie par un chœur. 1h15 de «sublimation de haine» qui fait réfléchir à cette liberté d’expression presque sans limite et qui appelle à la bienveillance et à la solidarité.
«Je reçois moins de critiques au sujet de mon travail, celles et ceux qui m’insultent me parlent davantage de mon physique, de ma personne, pas de ma musique. Alors d’utiliser mon métier comme arme face à cette violence, je crois que c’est très salvateur», expliquait Safia Nolin dans un entretien pour le FTA.
Tout y passe : orientation sexuelle, poids, origine ethnoculturelle, pilosité, etc. Les sujets des chansons, souvent regroupées par «thématique de haine», montrent non seulement l’éventail varié d’attaques que reçoit Safia, mais aussi leur nombre. Combien de messages haineux doit-on recevoir pour pouvoir les classer par thèmes et en faire des pièces musicales cohérentes?
Debbie Lynch-White interprète un certain alter ego de Safia Nolin. Ensemble et mises à nu (comprendre ici deux sens sémantiques de l’expression), les deux interprètent partagent au travers du concert des moments intimes tout en douceur et en bienveillance; un contraste particulièrement touchant face à la dureté et cruauté des mots qui sont chantés.
Pour un concert si intimiste et personnel, la versatilité (permise grâce à la mise en scène de Philippe Cyr) du concert est à noter. On passe de chant en chœur à des pièces solos de Safia Nolin, mais aussi à des insertions sonores et visuelles qui complètent le portait de la situation inconfortable dans laquelle se trouve l’artiste.
Notamment, le chœur chante les coordonnées géographiques des énièmes graffitis de haine envers Safia que l’on retrouve à travers Montréal. Les exemples semblent incessants, le poids de la répétition de ces chiffres est particulièrement percutant.
On souligne aussi un appel à la police de la part de la chanteuse, quelque temps après qu’elle «(recevait) deux messages de haine par minute durant le peak». Craignant pour sa sécurité, elle se fait répondre que «souhaiter que quelqu’un meure, il n’y a rien de criminel là-dedans. (…) Les gens ne souhaitent pas vous tuer, ils souhaitent votre mort, ce n’est pas pareil.»
Une réponse d’une grande aide qui illustre l’incapacité du corps policier à venir en aide aux victimes de la haine (trop souvent décomplexée, en plus) en ligne, partiellement en raison du manque flagrant et désolant de législation contre la haine en ligne.
Une fin en grand
En fin de concert, les choristes déposent les uns après les autres des couvertures (magnifiquement crochetées) sur l’auteure-compositrice-interprète, qui fixe la salle. Ce poids accumulant ne peut que l’engloutir, la faire disparaître, alors qu’elle ne peut bouger.
Mais le spectacle laisse tout de même son public sur une certaine note qui allie humour, énergie et réappropriation. Debbie, l’alter ego de Safia, déroule un tapis de soie, vêtue d’une robe digne d’un gala (ou enfin, digne à ce qu’on s’attend qu’une femme porte lors d’un gala). Mais on comprend rapidement que cet alter ego est très inconfortable dans ce costume qui n’est pas le sien.
Puis, dans l’un des derniers numéros musicaux, Safia, Debbie et le chœur chantent certaines des insultes adressées à Safia de manière particulièrement énergique et entrainante. Reprendre des propos d’une violence sans nom est pour l’artiste une façon «de (se) réapproprier le narratif et de reprendre le pouvoir.»
Et quoi de mieux pour reprendre le pouvoir que de finir le spectacle en nommant les auteurs de ces textes. Durant six minutes, les noms des centaines de personnes à l'origine des commentaires et messages repris dans le spectacle déroulent sur les écrans de la salle du Théâtre Prospero.
Et tant mieux. Nommer ses bourreaux à travers un art aussi bien monté est nécessaire; pas par esprit de vengeance ni même de justice, mais par besoin de vérité et de prise de conscience collective. Un commentaire seul semble peut-être banal (même si, entendons-nous, des «peux-tu juste ne plus exister» ne sont jamais banals), mais goutte à goutte, ces amas de haine forment un tout massif dans la vie d’un être qui ose simplement ne pas s’excuser de sa différence. Quel crime.