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Que se passe-t-il lorsqu’on donne la parole à un être qui fait partie du décor? Cet être qu’on remarque plus ou moins, à qui on n’a jamais adressé la parole ni même pensé écouter? Dans son premier récit Henri de ses décors, l’auteure Laurance Ouellet Tremblay nous présente Henri, concepteur de décor dans un petit théâtre, et nous partage la moindre de ses réflexions sur le monde qui l’entoure, le touche, l’affecte. Troublant et touchant, Henri en a long à dire…
Depuis 2006, la maison d’édition La Peuplade publie de la poésie, des récits, des livres de fiction et plusieurs de ses auteurs se hissent parmi les récipiendaires de Prix littéraires. En septembre dernier, le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean a reconnu la rigueur et la beauté du livre Henri de ses décors de l’auteure Laurance Ouellet Tremblay, déjà connue dans le monde restreint de la poésie.
Professeure de création littéraire, Laurance Ouellet Tremblay déjà publié deux recueils de poésie chez La Peuplade, intitulés Était une bête et salut Loup ! Cette nouvelle parution Henri de ses décors est le premier récit de l’auteure, qui nous propose, à travers sa prose, un personnage aussi grand que ses décors – Henri est créateur de décors – et aussi fragile parfois que son matériel de prédilection, le papier journal.
Henri de ses décors dévoile le monologue de son protagoniste sur une durée de quelques mois à l’intérieur d’une soixantaine de pages. Chaque court passage possède un art littéraire savoureux à découvrir et rend la lecture attrayante et légère.
Cependant, le personnage d’Henri n’a rien de léger; car bien qu’il possède un esprit ludique et un cœur d’enfant, c’est un être profondément déstabilisant, paranoïaque, poétique et philosophe à ses heures, qui frôle la folie et fonce droit dans la psychose mentale.
En aucun cas, vous ne verrez Henri se poser la question si ses propos sont convenables ou remettre en question ce qu’il a à vous dire.
« Nous ne discuterons pas, voyez, c’est moi qui parlerai. »
Puisque personne (ou presque) ne lui parle ou ne l’écoute, vous n’aurez d’autre choix que d’accueillir Henri dans tout ce qu’il a de beau et de fou, sans jamais avoir droit de parole. Êtes-vous prêt à encaisser le paradoxe humain à son état brut?
Se creuser la tête
« Une fois l’illusion passée, je me retourne lentement vers vous, le monde, me rassois dans mon œil et regarde surgir la peur de m’être passé au travers. De m’être creusé de bord en bord. Je reviens de ce voyage dans le trou de ma tête et me rends compte que vous êtes en train de me quitter […] je m’imagine brûler le monde en le mettant dans ma bouche, c’est une illusion de puissance, un remède efficace contre cette insignifiance que je juge digne d’être racontée. »
Henri travaille dans un petit théâtre sous la gouverne d’Olivier-le-chef-du-théâtre où il observe et côtoie des acteurs, des artistes, des gens qui le toisent du regard, qui ne s’en préoccupent pas tant et peinent à le voir à travers ses décors.
Malgré ses contradictions surdimensionnées, Henri est un personnage attachant quoiqu’un tantinet névrosé. On dit que le génie frôle la folie et Henri sied bien à cet adage. Il est difficile pour lui de différencier la réalité de la fiction et, bien que l’auteure ne mentionne nulle part si Henri est psychotique ou atteint d’une autre maladie mentale, on finit par détecter quelques traits de personnalité défaillants chez Henri au cours de notre lecture.
Ancré, malgré lui, dans la solitude depuis son enfance, Henri s’est créé des croyances sur les gens qui l’entourent et sur lui-même; il est difficile pour lui de bien cerner les interactions et les causes à effets de ses propres actions. Henri finit par nous émouvoir dans ses irritations constantes et ses confidences douces-amères qui nous apportent quelques détails sur son passé.
« Papa, c’était un contrôleur de train et il était toujours parti. Il m’a initié à l’insatisfaction et à l’ennui parce que je l’espérais le plus clair de mon temps, et ce en vain, bien entendu, le père qui voyage revient rarement et ne reste pas. Parfois assis tranquille sur le bord de la fenêtre, souvent pas si tranquille, en proie au bleu de ma panique, celui de l’amour entravé, je l’attendais des journées entières. »
Tel un animal à qui on n’a pas appris à vivre en groupe et qui n’a d’autre échappatoire que sa cage mentale, Henri ne se laisse pas approcher ni même toucher, sauf peut-être une fois, ou deux, ne serait-ce que pour se sentir vivant dans le regard de quelqu’un. Un personnage important entre en scène à la fin du récit, laissant présager espoir un court moment; Catherine. Cette actrice attire l’âme et tout l’être d’Henri, mais Catherine porte sa propre folie et un alcoolisme grugeant.
S’il y a en Henri un certain désir de communiquer avec les autres, sa terreur d’autrui, agrémentée par la colère refoulée et les déceptions certaines qui ont jalonné sa vie jusqu’à présent l’isolent. Il est fascinant de voir l’ampleur du monde psychique d’Henri. Autant veut-il notre approbation, autant se fout-il carrément de notre gueule. S’il nous tend parfois la main, c’est pour mieux la mordre.
« Je vous entends comme un murmure, un filet d’eau, je vous entends comme l’écho de mon être. Je vous écoute spéculer sur mes manques, m’accuser de froideur, il est si distant, si peu accessible, et cela me convainc de vous garder à distance. Celui qui m’a ouvert l’oreille m’a aussi offert la méfiance, un cadeau que je chéris un peu plus chaque jour, cela et l’intranquillité, le sel de mon corps. »
Le travail d’écriture de l’auteure se démarque à chaque page, et chaque détail sur Henri nous ouvre une porte sur son monde intérieur. Il n’est pas toujours facile d’être empathique envers une personne aussi complexe qu’Henri, mais l’œuvre de Laurance Ouellet Tremblay est le plus bel hommage qu’un être pouvait espérer.
Henri de ses décors saura vous faire voir l’envers du masque d’un homme qui a échappé à sa solitude à travers des centaines de feuilles de papier journal froissées, pliées, découpées, les empilant pour en créer un décor, une cloison, une protection à son imaginaire saccadé.
Henri de ses décors
Laurance Ouellet Tremblay
La Peuplade