Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Inscrivez-vous maintenant, c'est gratuit!
« Je n’ai pas compris ce que j’y gagnais, mais on a gagné. Mon avocat était en liesse, heureux comme un rabbin brandissant un bout de prépuce sanguinolent. Il l’avait eue, son irresponsabilité criminelle, mon aliénation mentale. À tout jamais, sur papier, j’étais fou ». David Goudreault met fin à sa « Bête » avec son dernier livre Abattre la bête, dernier tome de sa trilogie. En trois ans, l’auteur a écrit trois livres saisissants mettant en vedette un être humain, une bête, qui défie toutes valeurs et mœurs sociales. À l’intérieur de sa trilogie, l’auteur, aussi travailleur social, pose un regard unique sur les troubles de santé mentale, les dangers qu’ils peuvent représenter et les conséquences qu’ils peuvent entrainer.
« La psychiatrie, c’est comme la prison, en plus désinfecté. On joue sur les termes pour mettre la main sur des subventions spécifiques, mais au fond c’est pareil. Le trou s’appelle « pièce consacrée à l’isolement », la cellule se nomme « notre chambre », les menottes s’appellent « médication » et la détention s’appelle « thérapie », mais il faut pas se tromper, c’est la même violence psychologique, la pire : l’enfermement de l’homme par l’homme ».
La Bête nous revient, cloitrée à l’Institut universitaire de psychiatrie légale Philippe-Pinel. Sa réalité étant toujours basée sur des distorsions cognitives, la Bête s’imagine encore une vie à l’extérieur des quatre murs qui l’entourent : Édith reviendra, avec leur enfant, un enfant créé dans l’amour. Sa mère sera là, fière de lui, les bras ouverts pour rebâtir cette famille qu’ils n’ont jamais eue.
Il aura une place dans la vie, il existera pour ceux qui l’aiment.
Dans ce troisième et dernier volet, David Goudreault rend sa Bête un peu plus émotive, un peu plus sensible. La Bête ressent. La Bête a des émotions. La Bête se rappelle de son passé, du petit garçon séparé de sa mère. La Bête ressent la beauté qui l’a amèrement laissé tomber il y a fort longtemps, entre deux tentatives de suicide de sa mère, entre deux bières, entre deux pilules, entre deux portes. La beauté l’émeut. Celle dont il se croit porteur et celle qui lui apparait, quelquefois, dans des moments de grâce et de lâcher-prise. La Bête espère une vie meilleure, une belle vie.
Femmes, je vous aime
Grand observateur et philosophe, les propos de la Bête sont toujours aussi loufoques, quoique non loin de la vérité. Fidèle à lui-même, il ne se remet jamais en question. Avant même sa sentence d’aliénation mentale et d’irresponsabilité criminelle, la Bête se disait non responsable de ses actes. C’est la faute des autres, ceux qui ne comprennent pas, ceux qui mentent alors que lui ne ment pas.
Après avoir vécu en prison, la Bête est internée en psychiatrie. On se doute bien que, s’il a su se libérer de la prison et d’une sentence criminelle, il saura rapidement déjouer le système sécuritaire de l’institut psychiatrique…
La scène de son évasion nous rappelle celle d’un Vol au-dessus d’un nid d’un coucou, possible clin d’œil de l’auteur. La Bête est à nouveau libre et prête à tout pour retrouver sa mère, son obsession, son absolu. Tout ira bien lorsqu’il la retrouvera.
Son entêtement, son obstination à croire que sa mère l’attend toujours est touchante et sa fidélité envers sa génitrice nous donne une image plus tendre de la Bête, une impression d’humanité à travers sa carapace animale.
On peut même ressentir de la compassion et de l’empathie envers cet homme qui s’attache aveuglément aux femmes qui croisent sa route, avec une affection malsaine, limitée à son imaginaire et ancrée dans l’impossible. La poésie qu’il couvre en lui est désarmante.
« Toutes les femmes nues ne sont pas d’agréables découvertes, même qu’on enverrait certaines se recouvrir, mais Bébette était sublime. La plus belle femme bénévole que j’ai vue. (…) c’était trop de beauté. J’espérais tout, mais n’en demandais pas tant. Quand elle a laissé tomber sa veste puis sa jupe, retiré son t-shirt pour me révéler son corps dans la lumière des lampadaires, j’ai été estomaqué. On approchait du mystique. »
La Bête s’imagine encore une relation amoureuse réciproque, cette fois-ci avec une punkette de Montréal. À travers son personnage, David Goudreault projette des images saisissantes de la réalité montréalaise, celle qui nous entoure au quotidien, mais qu’on ne voit plus, par habitude de la voir.
La Bête s’attarde à la pute, au pimp, au pauvre, aux junkies, aux pushers, à ceux à qui on donne rarement la parole. Par ses réflexions sans filtre, généralisées et légèrement poétiques, la Bête nous livre du vrai et du pur, et éveille les consciences humaines sur les réelles conséquences d’un système déficient tant au niveau de la santé mentale et judiciaire, que carcéral.
Impossible de ne pas prendre position quant à nos propres jugements de valeurs envers ces « systèmes », et de demeurer insensible à tout ce que la Bête touche en nous. IMPOSSIBLE.
Besoin d’entrer en relation
Encore plus troublant, on se rend compte que la Bête a un réel besoin d’écoute, d’échange, de parler, d’entrer en relation avec les autres.
« Son visage à vingt-deux pouces du mien me bouleversait, elle me faisait encore plus d’effet que Bébette, mais autrement. J’étais retourné comme un bas sale. C’était un mystère à résoudre, cette pute-là, je devais comprendre pourquoi elle me faisait résonner l’âme à ce point. « Jeje veux tete dire… » « Quoi, ti-gars, tu veux me dire quoi? » Le silence était plus palpable qu’une danseuse à la fin du mois. Ma pute allait repartir, fallait réagir. « Jeje veux te parler. » Son haleine est venue percuter mon visage. (…) « C’est ce qui demande le plus d’effort, mon ti-gars, parler. Va falloir que tu payes pour ». »
La Bête tente de comprendre certaines choses qui lui échappent. Il a soif de connaitre les gens, le sens de la vie. Personne ne lui a jamais dit qu’il était digne d’être, d’être aimé, d’être apprécié pour ce qu’il est. Personne.
Alors il est devenu une bête dysphasique, toxicomane, alcoolique, narcissique ayant des troubles d’adaptation, d’attachement, de conduite et d’opposition. Il a tué des hommes. Il a tué des animaux.
Une bête sauvage dans le corps d’un homme.
La Bête m’a carrément écoeurée dans son premier livre, La bête à sa mère. Si je n’avais pas été aussi accro à l’écriture de David Goudreault, qui m’a littéralement intoxiquée avec sa trilogie, je n’aurais JAMAIS terminé le premier tome. J’ai même dit à plusieurs de mes proches de ne pas lire ce livre troublant et hors norme, mais bon… il y a eu une suite…La bête et sa cage…j’ai voulu savoir ce que ce monstre était devenu… et… j’ai lu les trois volets.
David Goudreault nous mène là où on ne veut pas aller, dans nos zones erronées, nos zones sensibles. Le comportement de la Bête pousse nos limites à l’extrême et nous oblige à réfléchir sur ce que nous acceptons et refusons, jusqu’où nous sommes prêts à accepter ce genre d’individu, jusqu’où nous pouvons aider une personne aussi « animale »?
En passant, la Bête retrouve sa mère, mais je ne vous dirai pas comment leurs retrouvailles se passent. À vous d’aller à leur rencontre dans Abattre la bête, dernier volet de la trilogie de David Goudreault.
Abattre la bête
David Goudreault
Stanké