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Le chorégraphe d’origine burkinabè Serge Aimé Coulibaly, accompagné de cinq autres danseurs, présentait jeudi au public du FTA (Festival TransAmériques) Kalakuta Republik, spectacle de danse contemporaine librement inspiré par la vie et l’œuvre du géant de la musique africaine, Fela Kuti.
Fela Kuti : artiste contemporain
Un jour, afin de se dissocier des autorités de son pays, Fela a fait un geste symbolique puissant : il a planté un drapeau sur le terrain du Shrine, l’épicentre de la contreculture qu’il avait lui-même créée, afin d’y proclamer la République indépendante de Kalakuta. C’est sur ce terrain que Coulibaly et sa troupe nous invitent avec leur spectacle, sorte de variations sur l’Artiste en tant que république (du latin res publica, « chose publique ») indépendante.
Cette rencontre entre deux disciplines, la danse contemporaine et l’afrobeat, peut d’abord sembler inattendue. Mais, dès le début du spectacle, le mariage se révèle tout à fait naturel puisque Fela incarne en lui-même l’artiste contemporain, à la fois figure politique, figure d’hybridations et figure de renouvèlement. L’artiste contemporain en Fela est souligné dès le début, le chorégraphe ayant fait le choix audacieux d’utiliser l’intégralité de la pièce Army Arrangement dans la première partie du spectacle. Cette pièce, difficile d’approche pour les non-initiés, provient de la dernière partie de la vie artistique de Fela, une époque où ce dernier aspirait à créer une approche musicale orchestrale contemporaine spécifiquement africaine, misant sur la complexité des mouvements et sur une exploration de la polyrythmie. Cependant, les danseurs ne restent pas prisonniers de cette trame sonore : c’est le mouvement qui précède la musique.
Fela est aussi reconnu comme étant un des premiers musiciens populaires d’Afrique à avoir intégré la contestation dans son art. Kalakuta Republik rend aussi hommage à cette révolte.
Une première partie centrée sur la vie de Fela
Une des forces indéniable du spectacle est qu’il s’adresse à tout le monde : nul besoin de connaitre Fela Kuti pour apprécier la chorégraphie impressionnante de Coulibaly et sa troupe. Toutefois, le connaisseur de Fela lira le spectacle d’une façon différente, y voyant différentes étapes de la vie du musicien nigérian évoqués à travers le mouvement.
On voit ici et là les influences qui lui ont permis de forger un nouveau son, comme le High Life, James Brown, le jazz, par exemple. On peut aussi voir l’évolution du personnage, du fils de famille de classe moyenne qu’il était, ayant reçu une éducation conventionnelle, jusqu’à l’éclatement en la figure de l’artiste franc-tireur. On sent l’influence de Fela sur sa société ainsi que sa capacité à rassembler les gens autour de lui alors que d’un seul geste, il resynchronise ceux qui l’entourent. On perçoit l’importance des femmes dans sa vie, plus particulièrement de sa mère.
La fin de cette première partie peut être lue de différentes façons, alors que sur une trame sonore jazzée et mélancolique, l’artiste se retrouve seul sur scène. On y sent les contradictions de Fela, la fin de son heure de gloire, mais aussi sa plus grande force, celle de l’artiste qui sait utiliser les mots comme des bombes et d’ainsi pouvoir détruire certaines idées, décoloniser les mentalités.
Une seconde partie sur le chaos et l’artiste
La seconde partie, intitulée « You always need a poet » s’initie sur une image sublime, celle d’une des danseuses qui accompagnaient Fela sur scène, pour progressivement la déconstruire, ralentir son mouvement et l’amener vers la danse contemporaine, à mesure que le rythme accélère. Plus libre, plus abstraite, moins narrative, cette partie du spectacle est accompagnée de musiques oscillant entre modernité, grâce à d’impressionnants remixs de pièces de Fela, et traditions (percussions africaines, jazz, blues, palm-wine music).
Le thème central de cette seconde partie est le chaos. Il semble d’abord évoquer celui, universel, de la modernité, le trop-plein d’informations en cette ère de l’instantanéité. Mais surtout, ce chaos incarne l’ambiance qui régnait dans le Shrine, cet endroit mythique, à la fois club, commune et temple, où Fela se produisait en spectacle, où les marginaux, les intellectuels, les prostituées, les étrangers se rassemblaient.
Coulibaly et sa troupe montrent néanmoins beaucoup d’enthousiasme à évoluer dans un tel désordre : c’est l’endroit de prédilection pour la résistance, d’où l’artiste peut émerger. Au cours d’une discussion avec les artistes après le spectacle, Coulibaly explique que cette seconde partie symbolise pour lui la place de l’artiste, qui sait émerger comme une fleur dans les décombres de la destruction.
C’est dans ce second chapitre qu’on arrive à l’universel, voire au spirituel, qu’on dépasse la seule figure de Fela pour arriver à la place de l’artiste dans le chaos typique du monde contemporain. L’artiste qui crée du nouveau, dans un rituel défini selon ses propres termes. L’artiste en tant que figure de résistance. Son influence se propage, sa voix porte, au-delà du temps et des frontières, comme l’évoque le dernier tableau du spectacle.
Kalakuta republik nous fait constamment voyager entre le cœur et la tête
La chorégraphie est construite de façon aérée, permettant de sortir des pensées et de se laisser imprégner d’émotions. Tour à tour, le spectateur est habité par la détresse, le sentiment d’aliénation, la révolte, la tristesse, le deuil, l’exaltation, l’enthousiasme. Les danseurs sont impressionnants de justesse, leurs mouvements sont réglés au quart de tour et semblent musicaux : parfois à l’unisson comme s’il s’agissait de refrains, d’autres fois répétitifs donnant l’impression de thèmes musicaux, et souvent en duo ou en solo, supportés par les autres qui assurent à l’arrière-plan le groove sur lequel les solistes peuvent se laisser aller.
L’espace scénique est bien utilisé et le regard du spectateur est constamment renouvelé, transporté d’un endroit à l’autre sur la scène, sans équivoque. Les mouvements s’incarnent tous dans un langage unifié, celui, original, de Coulibaly et de sa troupe. Coulibaly et sa troupe troupe savent nous élever et nous amener à l’universel.