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Le Cinéma Moderne, secret de polichinelle à propos duquel on hésite entre chanter ses louanges sur tous les toits ou maintenir les dernières bribes d’ombre dans lesquelles il se trouve toujours, en est à sa cinquième projection du film Szürkület, du réalisateur hongrois György Fehér, mieux connu en tant que collaborateur de Béla Tarr (Satatango, Werckmeister Harmonies).
Le film, tourné en 1990, couronné à sa sortie au Festival du Film de Locarno, de Strasbourg et de Hongrie, fait une réapparition en salle après qu’on lui ait refait une beauté grâce à une toute récente restauration 4k. J’y étais le 9 mai dernier et j’ai eu droit à cette sensation assez rare d’avoir pu contempler un sommet de l’art.
La trame narrative de Szürkület tient en quelques mots. Un homme, en prenant une marche au sommet d’une colline qui surplombe une bourgade isolée anonyme -qui sera l’unique théâtre de l’action-, bute sur le cadavre d’une petite fille sordidement assassinée. Il prévient les forces de l’ordre, qui s’engagent dans une enquête, afin de mettre un terme à la menace sourde qui pèse sur les enfants du village et empoisonne la communauté. L’enquêteur en charge du dossier, témoin -dans une scène sobre et poignante au début du film- du violent déchirement dont sont saisis les parents à l’annonce du meurtre de leur enfant, deviendra progressivement obsédé par la recherche du coupable. Cependant, comme on l’apprend un peu plus tard de la bouche de celui qu’on devine être le chef de police, le meurtrier, qui sévit depuis longtemps, et qui sévit ailleurs que dans ce hameau isolé, semble ne jamais devoir être arrêté, si ce n’est par « accident ».
Quelques détails épars à propos des personnages et du climat propre à la communauté sont progressivement révélés, mais le spectateur, jusqu’à la toute dernière seconde du film, n’a droit qu’à une esquisse en noir et blanc, qui laisse haletant et perplexe, et qui ne fait que dévoiler l’ombre d’un milieu de vie et des êtres humains qui l’habitent. On apprend que l’homme qui a découvert le cadavre est un policier qui a lui-même déjà été accusé d’agression sexuelle, ou du moins de relation sexuelle avec une mineure. Un autre policier, ami de l’enquêteur spécialisé, a sombré dans l’alcool et a dû quitter ses fonctions. On est plongé peu à peu, donc, dans un univers vicié et suffocant, empreint d’un silence oppressant, dont on peine à saisir les secrets et les codes, et où les représentants de la justice suscitent crainte et suspicion.
Szürkület est un de ces films qui exploite des moyens expressifs réductibles strictement au médium qu’est le cinéma. Les plans, systématiquement d’une composition à la fois minutieuse, maîtrisée et déroutante, sont construits comme des tableaux que l’on contemple et qui se mettent soudain délicatement en mouvement. La bande son, dense, riche et précise, n’a pas pour fonction de reproduire une ambiance sonore réaliste, mais bien de maintenir dans une attente continue, d’accentuer certains affects, de susciter un état de transe méditative.
Je n’en dit pas plus, tant l’attrait de ce film réside dans l’effort interprétatif constant qu’il exige de la part du spectateur : nous sommes conviés à la même quête de sens et de justice qui anime l'enquêteur taciturne, à propos duquel on ne découvre, au fond, que cette recherche fébrile. Je dois admettre que la réaction du public dans la salle, après 101 minutes de plans épurés en noir et blanc, brodés autour d’un scénario somme toute assez maigre, me semblait, à vue de nez, mitigée. Je maintiens tout de même ceci : il faut absolument surveiller le calendrier du Cinéma Moderne et aller voir Szürkület à la prochaine occasion. Pour l’instant, aucune autre date n'est prévue au calendrier. Mais le film sera sans aucun doute projeté à nouveau en juin (le calendrier n’est pas encore entièrement dévoilé) : le Cinéma Moderne a la délicatesse d'indiquer au public sur son site web lorsqu’un film en est à sa dernière projection.