Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Profitez d'invitations gratuites et de rabais exceptionnels!
Vous êtes un passionné de spectacles...
Vous aimez faire découvrir à votre entourage des nouveautés ou des artistes...
Inscrivez-vous maintenant, c'est gratuit!
Dans la série d'entrevues Questions réflexions, Charles Moquin rencontre des personnalités de la scène culturelle et les interroge sur leurs valeurs, leurs principes individuels ou sociaux, leur vision du monde, sur des questions de société ou des sujets philosophiques.
ENTRETIEN AVEC GUILLAUME VIGNEAULT
Romancier et scénariste québécois
Est-ce que l’on doit être passionné pour bien performer? Un bon technicien non passionné peut-il y arriver aussi?
Je n’ai jamais aimé le mot « passion ». Je préfère dire que je suis tête dure, obstiné. Il y a beaucoup de gens qui ont du talent et de bonnes idées. Il faut aussi être persévérant. Je ne cours pas vite, mais je cours longtemps.
Que pensez-vous des gens qui jouent avec une oreillette?
On se déplace pour vrai, qu’ils le fassent pour vrai. J’ai plein de raisons de ne pas aller les voir live. J’ai tellement d’écrans, tellement de façons – dont Netflix – de trouver du contenu... Le théâtre est devenu une espèce de rareté, comme un disque vinyle quelque part. Sans faire quelque chose de sacré, c’est la moindre des politesses d’apprendre son texte.
Recherchez-vous davantage la ressemblance ou la différence, dans vos relations personnelles et dans votre vie en général?
Je dirais la différence dans la mesure où c’est cela qui te confronte, qui te fait changer. Lorsque je ne suis pas en forme, je recherche la ressemblance car c’est plus douillet.
Est-ce que l’habillement vous en dit long sur les gens?
J’ai le degré zéro de raffinement là-dessus. Si ça en disait beaucoup sur les gens, ça dirait de mauvaises choses sur moi. Je peux porter dix t-shirts gris pour simplifier ma vie. On me demande d’être créatif à longueur de journée, et ça, c’est une place où je n’ai pas envie de faire d’effort.
Êtes-vous plutôt dans l’acceptation ou la confrontation aux gens, au temps, aux insuccès?
Je suis dans l’acceptation avec un astérisque. Je ne suis pas très agressé par le monde. Il n’y a rien qui m’empêche de dormir. Cela étant dit, j’essaie quand même d’apporter ma pincée de quelque chose dans la soupe.
Souffrez-vous de la rage au volant?
Pas gratuite. Mais je trouve que de ne pas être attentif au volant, c’est un manque de politesse. Ce n’est pas une question d’habileté. Je ne vais jamais klaxonner quelqu’un qui a de la difficulté à se stationner.
Qu’est-ce qui prime pour vous au restaurant, la gentillesse du service ou la qualité de la nourriture?
La qualité de la nourriture. Je peux faire fi d’un service moyen. Mais je ne peux faire abstraction d’un plat que je ne trouve pas bon. Le contenu plutôt que la forme.
Êtes-vous davantage attiré par des gens pour qui la vie coule de source, ou par ceux qui sont davantage tourmentés ?
Encore là, je mettrais un astérisque à ma réponse. Des gens plutôt sereins qui trouvent que la vie vaut la peine d’être vécue. Mais quand même avec une certaine inquiétude. Les gens repus m’ennuient un peu.
Jusqu’où la liberté d’expression, selon vous, peut-elle aller?
Lorsque cela devient dangereux. On ne crie pas au feu dans une salle bondée. D’ailleurs, l’offense est souvent dans l’œil de l’offensé. SLĀV et Kanata donnent l’occasion de discuter. Toutefois la liberté d’expression, c’est vraiment à l’oreille que cela se joue.
Votre but dans la vie est-il d’être heureux?
Je dirais oui, parce que cela est bien. Je suis un membre plus constructif de l’ensemble lorsque je suis heureux. Mon sentiment d’accomplissement irradie quelque chose et je pense que c’est le cas pour tous. Lorsque je suis malheureux, j’ai davantage de rage au volant.
Le dicton « Le malheur des uns fait le bonheur des autres » ou vice versa s’applique-t-il à vous ?
C’est quelque chose dont je me suis délesté dans la vingtaine. C’est un moment assez précis, où j’ai décidé que mon bonheur ne dépendait pas du malheur des autres. C’est à ce moment-là où tu deviens souverain quelque part. C’est ton barème à toi. Ce sont tes règles du jeu. Le désir mimétique est toujours là. Mais lorsque tu réussis à t’en affranchir, maudit que t’es libre! D’ailleurs, l’anthropologue René Girard a été pour moi une illumination théorique qui libère.
Qu’est-ce que l’amour?
Je me pose encore la question. Ce n’est pas mauvais de la laisser ouverte. C’est un état d’adéquation avec le monde. Je ne sais pas ce que c’est. Tu vois, il y a une place où je ne suis pas éloquent. Tiens, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » de Pierre Reverdy: ça, j’aime bien!
L’être humain est-il foncièrement bon ou mauvais?
Il est foncièrement bâti pour être bon. Cependant, il n’est pas encore rendu là.
Seriez-vous prêt à faire condamner un innocent pour sauver un ami coupable?
Il y a trop d’inconnu dans ce que tu me soumets en ce moment. Toutefois, les principes ne sont pas aveugles. Camus disait: « Entre ma mère et la justice, je choisirai toujours ma mère. »
Est-ce que le suicide assisté devrait être accessible à qui en ressent le besoin, sans autre considération?
Je vais dire non à ça. Par contre, on doit faire attention à nos réflexes judéo-chrétiens et élargir la question, comme on en parle d’ailleurs dans la campagne électorale. C’est peut-être mon réflexe d’ambulancier, je veux croire que rien n’est final, rien n’est perdu ou définitif, et que tout le monde peut se relever.
Croyez-vous que Bertrand Cantat doit continuer à s’exprimer artistiquement?
Je comprends beaucoup que l’on ne veuille plus entendre parler de lui. Mais je ne me vois pas lui dire « Ta gueule ». À l’époque où le drame est arrivé, j’étais barman et « Le vent l’emportera » était la toune que tout le monde voulait entendre. Et j’ai continué de la faire jouer, après l’affaire Cantat. Et on a contesté ma décision. Je me disais que je n’étais pas en train de libérer Bertrand Cantat en faisant jouer cette pièce. Était-elle plus contaminée maintenant, qu’elle ne l’était avant le drame? Donc, la question qui se pose est: « Est-ce que par des arguments ad hominem on met Ferdinand Céline et tous les artistes antisémites, misogynes racistes, etc. à l’index? » Je crois que par cela, on appauvrirait énormément l’expression artistique humaine.
Un défaut, un vrai?
L’égocentrisme. Pas égoïste, pas narcissique, mais égocentrique. Je suis au centre. Par contre, j’essaie de me déporter de moi-même tous les jours.
Que pensez-vous de la recherche sur les cellules souches?
Oui pour la connaissance. Je suis pour l’avancement absolu de la connaissance. Mais ensuite, il faut baliser. Mes préoccupations éthiques ne renvoient pas à la droite religieuse. Un nouveau foie, c’est une chose. Un double de moi, c’est une autre chose.
Estimez-vous que l’humain doive continuer de protéger la biosphère ou se modifier pour vivre dans un nouvel environnement (exemple: par le transhumanisme)?
C’est un peu comme si on disait que l’on était pour repeindre la chapelle Sixtine avec un bout de bois et un pot de gouache. Je crois que le transhumanisme est vraiment loin du raffinement et de la connaissance pour y arriver. La mort rend aussi le « précieux » de quelque chose.
Croyez-vous à une vie après la mort?
Personnellement, oui. Vers l’âge de 18 ans, je me suis imbibé de lectures ésotériques. Les petits livres à compte d’auteur, un paquet de feuilles brochées. Le bouddhisme, le zen, les arts martiaux sur le side. En même temps, je lisais Noces de Camus. « Je mordais dans le fruit déjà doré du monde, bouleversé de sentir son jus fort et sucré couler le long de mes lèvres. En ce jour, j’avais fait mon devoir d’homme. En ce, j’avais été heureux d’un bonheur à hauteur d’homme. » Je mélange deux ou trois choses. J’ai l’impression qu’il y a plein d’affaires dans l’invisible avant et après, mais je ne suis pas ici pour vivre dans l’éther. J’ai choisi de vivre à hauteur d’homme chaque journée.
Avez-vous peur de la mort?
Non. La seule peur que j’ai, c’est: « Ostie, que tu aurais pu en faire plus! » Il y a trop de mauvais cafés. Il y a trop de mauvaises séries télé. Mais les pertes de temps, c’est peut-être ça la substance des choses. Mon Père (Gilles Vigneault) fait des casse-têtes parfois pendant quatre heures une journée. Il va avoir 90 ans bientôt. Il ne va pas vivre encore 20 ans. Et dans le même réflexe, je me dis: « C’est parfait, on va en faire ensemble. »
Est-ce qu’il y a un avenir pour le français au Québec?
Oui. Tout à fait. Comme pour l’estonien. Cela fait partie de la richesse de la mosaïque. Ce sont les mots qui forment la pensée. Comme l'allemand où il faut lire la fin d’une phrase avant de la commencer, car il y a des préfixes spécifiques à mettre. Certaines tribus n’ont pas de conjugaison au futur, c’est un français qui permet une compréhension unique du monde. Par contre, ce qui me préoccupe davantage, c’est que je suis allé faire du kayak sur le lac récemment et il n’y avait plus de grenouilles.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je poursuis mon travail sur la saison 2 de Demain des hommes, en ondes à Radio-Canada les lundis à 20 h. Il y a aussi un film qui va sortir bientôt. Une coproduction avec la France, basée sur les récits de guerre du journaliste Paul Marchand à propos du temps qu’il a passé au début des années 1990 à Sarajevo. Et j’ai bien hâte de me remettre au roman un jour.