Dans la série d'entrevues Questions réflexions, Charles Moquin rencontre des personnalités de la scène culturelle et les interroge sur leurs valeurs, leurs principes individuels ou sociaux, leur vision du monde, sur des questions de société ou des sujets philosophiques.

RENCONTRE AVEC DENIS BERNARD

Directeur artistique et général du Théâtre La Licorne à Montréal

- Est-ce qu'il faut être passionné pour bien performer? Un bon technicien non passionné peut-il y arriver aussi?

Je répondrais avec une boutade. Il faut être un bon technicien lorsque l'on a le rhume. Sinon, il faut être passionné.

- Que pensez-vous des gens qui jouent avec une oreillette ou qui chantent en playback?

Le théâtre c'est l'art du faux. Et paradoxalement, il doit y avoir une très grande vérité dans la livraison. L'oreillette peut éloigner l'acteur de son objectif de virtuosité ou l'en rapprocher. C'est un moyen technique. Cela dit, en 35 ans de métier je n'ai jamais travaillé avec quelqu'un qui portait une oreillette.

Croyez-vous à la ressemblance ou la différence?

Je crois en la différence. Je préfère le mot reconnaissance d'ailleurs. Grâce à la différence, je vais peut-être mourir un peu moins con. Mais c'est aussi la différence le plus difficile à vivre et qui va nous demander le plus de courage en tant que société.

- Est-ce que l'habillement en dit long sur les gens?

Je ne suis pas du genre à détailler comment les gens sont habillés. Par contre j'ai toujours été soucieux de ce que je porte. Oui c'est une fenêtre sur ma personnalité.

- Êtes-vous plutôt dans l'acceptation ou la confrontation?

Je suis plutôt dans l'acceptation qui finit toujours par me confronter à moi-même. Et qui me fait grandir le plus.

- Souffrez-vous de la rage au volant?

Pas au point d'aller casser la gueule de quelqu'un.

- Qu'est-ce qui prime pour vous au restaurant, la gentillesse du service ou la nourriture?

La gentillesse du service. Je peux manger un bon pâté chinois, mais pas servi par un trou de cul.

- Croyez-vous que les gens sont plus intéressants dans un bar fumeur et alcool que dans un bar non-fumeur sans alcool?

Dans un bar fumeur et alcool. Ça avale la vie.

- Jusqu'où la liberté d'expression selon vous peut- elle aller?

Tant qu'il y a reconnaissance et respect de l'autre; de la dignité humaine, il n'y a pas de limite.

- Votre but dans la vie est-il d'être heureux?

Oui.

- Est-ce que le bonheur est relié au malheur des autres?

Non. Pour moi le bonheur c'est d'être à la bonne place au bon moment. Le sourire de mon enfant . 45 secondes sur scène. Faire l'amour. Le bonheur ce sont de petits moments de joie; mais pas de comparaison.

- Qu'est-ce que l'amour?

L'amour c'est la reconnaissance de l'autre. C'est ce qu'il y a de plus grand, de plus difficile, de plus merveilleux. Ce n'est pas original mais c'est cela.

- L'être humain est-il foncièrement bon ou mauvais?

Moi, je crois qu'il est foncièrement bon.

- Seriez-vous prêt à faire condamner un innocent pour sauver un ami?

C'est clair que je ne serais pas prêt à faire cela. Mais c'est le genre de chose qu'il faut vivre pour savoir comment on réagirait.

- Est-ce que le suicide assisté devrait être accessible à qui en ressent le besoin sans autres considérations?

Moi je suis un amoureux de la vie et je ne crois pas me rendre là. Mais cela devrait être accessible sans autres considérations. C'est le libre arbitre.

- Croyez-vous que Bertrand Cantat peut continuer à s'exprimer artistiquement? Iriez-vous le voir?

Oui

- Un défaut, un vrai?

Je peux être colérique

- Que pensez-vous de la recherche sur les cellules souches?

Pourquoi pas; éradiquer des maladies. Tout ce qui peut améliorer la qualité de vie.

- Croyez-vous que l'homme doit continuer de protéger la biosphère ou se modifier pour vivre dans un nouvel environnement ?

Je crois qu'il faille continuer de protéger la biosphère. Modifier l'humain n'est pas quelque chose qui m'interpelle.

- Croyez-vous à une vie après la mort?

Oui. Je crois que la mort est un passage et qu'après on participe à quelque chose. Terre ,poussière, étoile, litière à chat. Mais je serai quelque part. Je crois à ça. C'est un choix.

- Avez-vous peur de la mort?

J'ai peur de la souffrance. A 58 ans j'ai peur de la mort. Je veux vivre vieux.

- Est-ce qu'il y a un avenir pour le français au Québec?

Clairement. Il faut continuer à faire ce que l'on fait. L'avenir sera ce que l'on en fera. J'ai deux enfants qui sont bilingues. Je les ai élevé en français. On se reprend lorsque l'on fait des erreurs.

- Sur quoi travaillez-vous présentement?

Je joue présentement ''As is '' chez Duceppe. C'est une pièce qui parle de l'autre. Un peu ce dont on a discuté. C'est une pièce sur la hiérarchie, la différence des classes. C'est du théâtre musical. Cela prend toute la scène chez Duceppe. C'est très spectaculaire. Jusqu'au 17 octobre 2015.