Le prix TD 2023 de littérature canadienne pour l’enfance et la jeunesse

Littérature Jeunesse Ève a vu, Ève a aimé

Par Ève Christian | 8 novembre 2023 | Photo : Communication Jeunesse | Contenu original

On le sait, le livre est l'un des meilleurs amis de l'enfant. Il aide à son développement, permet d'alimenter son imaginaire et avec un livre, l'enfant n'est jamais seul.

Comme l'offre est grande, on peut se fier au Centre du livre jeunesse canadien conjointement avec le Groupe Banque TD pour trouver des merveilles. Depuis 2004, ce duo d'organismes désigne parmi cinq finalistes, le livre qu’il considère comme la meilleure œuvre canadienne de langue française, d’après la qualité du texte et des illustrations, quel que soit le genre littéraire.

Voici les cinq finalistes parmi les livres publiés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022.

Gloria sort du moule (5 ans +)

Guylaine Guay, autrice et Bach, illustratrice; publié aux Éditions de la Bagnole.

Gloria est une enfant joyeuse, souriante qui aime la vie. Le jour où un élève de sa classe la traite de grosse, faisant s’esclaffer les autres enfants, Gloria perd un peu confiance en elle. En quoi le fait qu’elle soit enrobée, comme la qualifie sa mère, est matière à rire? Une voisine lui offre une explication qui la satisfait et la rassure.

« Le grand livre des humains » — appartenant à cette voisine, devrait exister réellement ! Il fournirait une explication à une question qu’on s’est tous et toutes déjà posée un jour : pourquoi notre corps a-t-il des caractéristiques physiques si différentes des autres et pourquoi est-ce objet de raillerie? En tout cas, l’autrice a su trouver la bonne réponse à donner à un enfant qui se sent la risée de ses pairs en raison de sa grosseur, sa minceur, sa rousseur, son monosourcil, etc., de ses différences, quoi! J’espère qu’il apportera réconfort à vos enfants comme il l’a fait avec Gloria.

Ne manquez pas le deuxième tome disponible depuis peu : Gloria sème la joie.

Dans les souliers d’Amédée (5 ans +)

Véronique Lambert, autrice et Éléna Comte, illustratrice; publié aux Éditions Fonfon.

Amédée, le cordonnier, répare souliers et bottes pendant la journée. La nuit arrivée, il suit littéralement le conseil que lui avait donné sa mère : pour mieux comprendre la réalité des gens, il est parfois utile de chausser leurs souliers. Il emprunte donc le quotidien d’une chauffeuse d’autobus, d’un danseur de claquettes, d’une cheffe cuisinière, d’un éboueur, d’un enseignant, d’un itinérant…

La thématique principale, l’empathie, n’est pas toujours facile à expliquer à un enfant d’âge préscolaire; l’autrice y parvient parfaitement. Se mettre à la place des autres permet souvent d’éviter des conflits et de se faire de nouvelles amitiés. La dernière page propose des activités en lien avec la thématique. On peut aussi en trouver sur le site web de la maison d'édition.

Écoutez la comédienne Marie-Thérèse Fortin raconter Dans les souliers d’Amédée.

Mélie quelque part au milieu (9 ans +)

Mylène Goupil, autrice; publié aux Éditions Québec Amérique.

Mélie n’a jamais connu son père. Sa mère a dû fuir son pays avec elle, à la suite de son emprisonnement parce qu'il avait exprimé sa pensée librement, une pensée non partagée... Elle a maintenant 11 ans et son père débarque, chamboulant l’équilibre de sa vie. Comment agir face à cet homme qu'elle ne connaît presque pas et avec qui la conversation est difficile, ne parlant pas la même langue ? Qui plus est, ce sont les vacances d'été et sa mère, qui travaille, la laisse seule avec son père pour le "surveiller" et l'aider à s'adapter dans ce pays qui n'est pas le sien.

Le texte fait bien ressentir au lectorat les difficultés de l’arrivée de ce père dans la vie de Mélie; les interrogations qu'il suscite pour cette fillette, ses émotions, et ses actions pour créer une relation. Un roman qui se lit d’un trait parlant de famille, d’immigration et d’apprivoisement. En parallèle, il est aussi question pour Mélie d’apprivoiser un chat errant, et pour ses voisins, de s’adapter à l’adoption d’une petite asiatique.

Ce tome est le deuxième de la série de Mélie. Même si on comprend l’histoire sans avoir lu le premier tome, le scénario s’installe dans Mélie sous sa bonne étoile.

Seuls (10 ans +)

Paul Tom, auteur et Mélanie Baillairgé, illustratrice; publié aux Éditions La courte échelle.

Ce roman graphique nous présente le parcours criblé d’embûches de deux adolescents et d'une adolescente, qui ont vu le jour dans un pays, « là-bas ». Pour des raisons de sécurité, ces jeunes doivent quitter leur pays et poursuivre leur vie ici, sans parents ni famille.

Afshin, adolescent iranien de 13 ans, est envoyé par ses parents à Montréal, avec l’aide d’un passeur, préférant le savoir en sécurité loin d’eux, que combattant à la guerre de leur pays.

Le père d’Alain, 13 ans, est emprisonné; l’ado, sa mère et ses deux frères s’enfuient du Burundi vers le Kenya… puis au Canada, au décès de leur mère.

Patricia, 16 ans de l’Ouganda, aime une fille, ce qui est bien mal vu dans son pays; c'est la prison ou la mort qui l'attend. Pour sa protection, ses parents l’envoient en Amérique, chez un oncle, sous un prétexte.

Paul Tom, d'abord réalisateur, a commis le film SEULS en 2021, inspiration de ce roman.

Les cinq chapitres, très touchants, décrivent les émotions, les difficultés, le courage et la résilience de ces jeunes immigrés. À chacune de ces étapes, on alterne entre les histoires d'Afshin, d'Alain et de Patricia :

La décision de quitter famille et amis sous la menace d’un grand danger,

L’action de partir sans savoir exactement ce qu’il y aura sur le long chemin,

L’arrivée dans un pays sécuritaire, qui n’est malheureusement pas immédiatement garante de tranquillité,

Le terrible manque parental, des caresses, des paroles et des conseils,

L’espoir qu’après avoir affronté ces nombreuses tempêtes, le ciel sera enfin serein et les lendemains, prometteurs.

Les illustrations multiples qui accompagnent le texte mettent des images fortes sur des mots déjà difficiles à lire; mais ça donne une union parfaite. Vous saviez qu’il y a au moins 400 jeunes réfugiés qui demandent l'asile, seuls, au Canada chaque année? C'est fou...

L’auteur parle de son œuvre aux côtés d’Afshin, l’un des protagonistes, qui raconte des moments de son histoire.

Cette fiche pédagogique offre des suggestions d'activités ou de réflexion suite à la lecture, pour aller plus loin dans ce sujet frappant.

Toucher les étoiles (11 ans +)

Frédérick Wolfe, auteur et illustrateur; publié aux éditions Leméac.

Madeleine est passionnée de ballet. Son père, perfectionniste en tout, décide de prendre les choses en main et de l’envoyer étudier dans la meilleure école de danse du pays, loin de la maison. Est-ce vraiment le souhait de la jeune Mado ? À tout juste 11 ans, veut-elle quitter sa famille, ses amies et sa prof de ballet ? Ce dont elle est certaine, c'est qu'elle ne veut pas décevoir son père… Elle doit prendre une décision: écoutera-t-elle son cœur ou son père ? Un choix déchirant...

Ce livre m’a beaucoup touchée, étant ballerine depuis mes 11 ans. Heureusement, mes parents n’ont pas insisté pour que je sois la meilleure; cependant, je peux facilement imaginer comment une enfant peut se sentir dans ces situations. D'ailleurs, l'auteur a les mots justes pour exprimer le dilemme dans lequel ce père plonge sa fillette. Colérique, il est en voie de faire exploser sa famille. Madeleine ne sait plus comment réagir, elle vit de l’angoisse, se sent responsable des tensions entre ses parents, ne veut décevoir personne. Que doit-elle dire : ce qu’elle pense vraiment ou ce que son père veut entendre ?

Ce roman permettra aux jeunes dans une situation semblable de se reconnaître en Mado et d’avoir des pistes de solutions. Parents, je suggère que vous lisiez aussi ce livre…

Roulements de tambour: TA-RA-TA TA-RA-TA-TA

Le 6 novembre, le livre gagnant du Prix TD 2023 a été annoncé! C'est…

le roman graphique Seuls, de Paul Tom et de Mélanie Baillairgé, publié aux éditions La courte échelle.

La somme de 50 000 $ sera partagée entre Monsieur Tom et Madame Baillairgé;

2 500 $ iront aux éditions La courte échelle pour des fins promotionnelles.

Les autres finalistes se partagent un lot de 10 000 $.

Voici les commentaires de Paul Tom suivis de ceux de Mélanie Baillairgé à la remise de leur prix :

"Ce n'était pas prévu que j'écrive ce livre. Une fois le film diffusé, mon travail de réalisateur était terminé et je passais à autre chose. C'est Mélanie Baillairgé, l'illustratrice des séquences d'animation du film, qui a levé sa main et qui a proposé mon nom à la courte échelle quand est venu le temps d'adapter le livre. Écrire ce livre a été d'une grande aisance puisque j'avais déjà des piliers solides : les puissantes illustrations de Mélanie et les trois récits denses et riches d'Afshin, Patricia et Alain. Me plonger ensuite dans l'écriture à hauteur d'enfant a été une expérience mémorable. Je connaissais leurs histoires depuis 4 ans, mais en les écrivant au -je, ça m'a permis d'avoir accès à toutes les émotions intimes que chaque être humain peut ressentir.

Recevoir ce prix (et aller à la rencontre des jeunes dans les écoles et ressentir leur appréciation du livre), c'est un sceau sur l'importance de raconter des histoires de personnes immigrantes et réfugiées, de mettre des visages et des cœurs sur des gens qui vivent de grandes pertes, qui ont besoin d'un endroit de paix. C'est l'importance de souligner ce qui nous lie entre nous : le besoin de rêver à un avenir meilleur et l'espoir que c'est possible."