Ce 19 mai 2023, le chanteur brésilien Rodrigo Amarante, internationalement reconnu pour son titre Tuyo (générique de la série Netflix Narcos) a conclu sa tournée solo nord-américaine organisée en préparation de l’enregistrement de son prochain album. Le Gesù a vécu un rare moment de fusion solennelle entre l’artiste et son public.

Parfois, quand on a la chance d’assister à un concert intimiste dans un lieu de spectacle assez inusité, on se dit qu’il n’y avait que dans cet espace que ce concert, son atmosphère et son émotion toutes particulières qui auraient pu avoir lieu. Dans ce cas, il y a comme une sorte d’évidence entre l’artiste, le public et le lieu. En un mot, une fusion émotionnelle. La rencontre de Rodrigo Amarante et de son public au Gesù fait partie de cette catégorie-là de concerts.

Dès les premières notes émises par Amarante, seul sur scène pendant toute la durée du concert avec sa guitare puis sur un piano, une atmosphère solennelle s’installe sous la forme d’un silence religieux (ceci est un clin d’œil se voulant subtil à l’historique du lieu…), teintée d'une intimité rare.

La salle, connue pour son acoustique exceptionnelle, a permis à chaque mot, à chaque mélodie de s'épanouir pleinement, enveloppant l'audience dans un cocon mélodique. Doté d’un charisme tout naturel et d’un charme fou, Amarante, avec sa présence scénique à la fois humble et captivante, a su créer un lien indéfectible avec son public dès les premiers instants. Notons qu’il nous semblait bien que l’audience était à majorité lusophone: d’ailleurs, plusieurs fois lors du concert se faisaient entendre des murmures de personnes dans le public qui chantonnaient avec l’artiste.

Le répertoire de la soirée a brillamment navigué à travers les différentes phases de la carrière d'Amarante, offrant notamment des pièces de son album solo emblématique Cavalo (2014), ainsi que des surprises et des interprétations/reprises qui ont montré sa versatilité artistique ainsi que linguistique: l’artiste a chanté en portugais, en espagnol, en anglais et… en français, oui oui! L'aspect le plus frappant de ce concert fut peut-être la façon dont la musique d'Amarante, qui puise dans des influences diverses – de la samba et la bossa nova à la folk et au rock – parvient à transcender les barrières linguistiques et culturelles. Des morceaux comme Irene, Nada Em Vão, Mon nom et bien sûr, Tuyo, le thème devenu mondialement connu grâce à la série Narcos, ont été accueillis par des applaudissements chaleureux, témoignant de la connexion profonde que le public entretient avec sa musique. 

À nos yeux, ce qui a distingué ce concert de Rodrigo Amarante, au-delà de la qualité indéniable de sa musique, c'est la capacité de l'artiste à créer des moments de partage d'une sincérité touchante. Avec énormément d’auto-dérision, l’artiste a partagé, entre les chansons, des réflexions personnelles, des anecdotes et des pensées diverses, invitant l'audience dans son monde intérieur avec une générosité, une vulnérabilité et une ouverture de cœur remarquables. Ces échanges, souvent teintés d'humour et de poésie (faits pour la grande majorité en français, il faut le souligner), ont ajouté une dimension supplémentaire à la performance, celle d'un dialogue à cœurs ouverts entre l'artiste et son public. C’est le cas aussi des chansons elles-mêmes, tournant autour des thèmes fétiches de l’artiste: les amours et les joies ainsi que les peines qu’elles procurent, l’exil ainsi que le sentiment de Saudade qu’il procure. Le tout empli de mélancolie, de tendresse et de beaucoup d’espoir, quand même.

Enfin, le concert s'est conclu sur une note d’émotion dédiée à la chanteuse brésilienne légendaire Gal Costa, véritable icône historique de la bossa nova. Avant d’entamer la chanson Avarandado, Rodrigo Amarante nous a raconté avec beaucoup de fierté et d’émotion dans la voix comment il avait réussi à réaliser son rêve d’enfant: collaborer sur ce titre en duo avec Gal Costa sur une chanson écrite par Caetano Veloso. Ce dernier selon Amarante étant «le plus grand songwriter vivant, toute époque et tout pays confondus» (verbatim en français, dans le texte!). L’occasion d’un dernier moment de communion musicale et d’humanité entre le public et l’artiste.

Les applaudissements nourris et l’ovation debout qui ont suivi témoignaient non seulement de l'appréciation pour la performance de la soirée, mais aussi d'une gratitude plus profonde pour l’expérience humaine partagée.