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Vendredi 31 janvier, le Théâtre Beanfield vibrait au rythme des textes puissants de Médine, venu clore sa tournée acoustique devant une salle comble. Dix ans après son dernier passage à Montréal, le rappeur havrais a offert un concert intime et engagé, revisitant vingt ans de carrière avec une sincérité désarmante.
Entre morceaux emblématiques, échanges avec ses partisans (qu’il surnomme affectueusement ses convaincu·e·s) et une exclusivité tirée de son prochain album, il a prouvé une fois de plus que son art reste intemporel et rassembleur.
Pour cet ultime concert de tournée, Médine a offert un voyage à travers ses vingt ans de carrière, réinterprétant ses morceaux emblématiques en version épurée. Accompagné de Guillaume Zolnierowski et de Félix Carrier au clavier, à la guitare et au chant, il a su réinventer ses classiques tout en conservant l’intensité et la profondeur de ses textes.
S’il y a bien une chose qui définit Médine, c’est sa capacité à tisser un lien sincère avec son public. Entre deux morceaux, il est revenu sur son parcours, soulignant avec autodérision la longévité de sa carrière. « Les médisants disaient que ça se terminerait dans deux ans, au final, ça fait vingt ans que ça doit faire deux ans », a-t-il chanté sur Arabospiritual, dont il a modifié les paroles pour l’occasion.
Les titres issus de ses albums récents n’ont pas été en reste. De Storyteller (2018) à Grand Médine (2020), en passant par Médine France (2022), il a déroulé une setlist équilibrée, entre nostalgie et actualité. Un moment fort du concert fut Houri, une chanson d’amour où il a invité sa femme sur scène, surnommée Cheez Nan (de son vrai prénom Karinale), figure bien connue de ses admirateurs pour sa présence sur les réseaux sociaux et son rôle dans l’accompagnement du rappeur en tournée.
Après Houri, Médine a continué à jouer avec son public et son image d’artiste engagé, mais aussi d’homme de terrain. Connu pour ses plaisanteries sur son futur rôle de maire du Havre, il n’a pas manqué de rappeler à la foule son ambition politique, qu’il brocarde régulièrement dans ses morceaux.
Dans Grenier à seum, par exemple, il lance : « Aujourd'hui, j'ai toujours pas les clés d'la city, mais quand on parle du Havre, c'est mon blase en premier qu'est cité. Elle va voir tout flou la vieille en 2026, quand j'vais devenir le maire d'la municipalité ». Entre ses revendications sociales et ses rêves de changement, Médine a toujours cette capacité à rendre son engagement à la fois sérieux et léger, un véritable mélange de militantisme et d'humour. Dans un clin d'œil à ses plaisanteries sur son futur rôle de maire du Havre, Médine a proposé à un couple du public de monter sur scène pour se déclarer leur amour. Un moment émouvant et symbolique, qui a ajouté une belle touche de complicité à la soirée.
Médine ne serait pas Médine sans un regard acéré sur la société et la politique. Profitant des moments d’échange, il a abordé les controverses qui entourent ses concerts en France, notamment les pressions politiques visant à les annuler. Sans détour, il a répliqué aux accusations dont il fait l’objet : « Mon casier est vierge, contrairement à celui de bon nombre de mes détracteurs », une phrase qui a résonné comme une réponse cinglante aux tentatives de censure dont il est régulièrement la cible.
Pour clôturer le concert et cette tournée acoustique, Médine a interprété L’4mour, morceau écrit pour la comédie musicale La Haine sortie en 2024, adaptation du film culte de Mathieu Kassovitz. Il porte un regard lucide et engagé sur la société française contemporaine, à travers une réflexion sur les inégalités, les violences policières et la fracture sociale. Dès les premières lignes, il évoque le cycle des émeutes et l’indifférence du public : « Si j’shoote un bleu, tout ça va sûrement finir en émeute / Les publics rentreront chez eux en s’disant : ‘On est neutres’ ». Médine refuse toutefois de céder à la haine, préférant dénouer les tensions plutôt que couper les liens : « Car on n’coupe pas la ficelle tant qu’on peut défaire les nœuds ». Il déconstruit les préjugés raciaux et la double moralité qui frappe les minorités : « Quand un Français est con, on dit que c’est un sale con / Mais quand un Arabe joue au con, on dit que c’est un sale Arabe ».
Le texte, à la fois poignant et incisif, reprend la célèbre métaphore du film La Haine sur la chute inexorable de la société : « C’est l’histoire d’une société qui chute à l’horizontale / L’important, c’est l’parachute, quel que soit l’atterrissage ». Cette métaphore illustre une chute inéluctable où un homme tombant d’un immeuble se rassure en répétant « jusqu’ici tout va bien », occultant l’inévitable impact final. Elle symbolise le déni face à une situation de crise, particulièrement celle des jeunes de banlieue, prisonniers d’un système qui les condamne à un destin tragique, à l’image d’une tragédie grecque où le sort semble scellé d’avance.
À la fin du film, cette image s’élargit à la société tout entière, suggérant qu’elle est elle-même en déclin sans réelle prise de conscience ni solution. Médine reprend cette métaphore mais y ajoute une nuance en évoquant la nécessité d’un parachute, signe d’une possible rédemption ou d’un moyen d’amortir la chute, transformant ainsi le constat fataliste de La Haine en un appel à la prise de conscience et au changement.
Mais malgré ce constat amer, L’4mour est aussi un appel à l’unité, à la culture comme lien social, et à un espoir commun, symbolisé par ce dernier mot, l’amour, mot lancé comme un cri de ralliement. Un final puissant, à l’image de cette tournée acoustique où chaque note résonnait comme un dialogue intime avec son public.
Médine, après une absence de plus de dix ans à Montréal, a prouvé une fois de plus que son message et son art transcendent les frontières. À l’heure où certains voudraient le faire taire, lui continue de rassembler, d’interroger et de marquer l’histoire du rap français.