Conte bright comme un diamond est une réinvention audacieuse du conte classique de Ti-Jean, un récit folklorique acadien revisité par Fano Maddix, qui le plonge dans l’univers du chiac. La pièce donne une nouvelle vie à cette histoire légendaire, où Ti-Jean, jeune homme brillant aux jeux de cartes, doit partir à la recherche de Bonnet Rouge, un mystérieux personnage, sous peine d’une malédiction. Portée par une énergie débordante et une complicité évidente avec le public, cette performance vibrante mêle folklore acadien et modernité, le tout sur fond d’une musique envoûtante signée Abèle Kildir.

L’histoire de Ti-Jean : un folklore vivant et réinventé  

L’histoire de Ti-Jean est un conte traditionnel acadien qui met en scène un jeune homme rusé et intrépide, souvent dépeint comme un héros populaire capable de surmonter toutes les difficultés grâce à son intelligence et sa malice. Ti-Jean, un personnage typique de la tradition orale acadienne, est généralement un jeune homme sans grand pouvoir matériel mais doté d'une grande habileté à manipuler les situations et à jouer avec les règles, notamment lorsqu’il est confronté à des forces surnaturelles ou des personnages malveillants.

Dans l'une des versions les plus courantes, Ti-Jean se retrouve face à un défi imposé par un personnage mystérieux, comme Bonnet Rouge, un être énigmatique symbolisant le malheur ou une menace surnaturelle. Pour éviter une catastrophe, Ti-Jean doit partir en quête de Bonnet Rouge afin de résoudre le conflit ou d'éviter une malédiction qui risquerait de lui tomber dessus. L’histoire regorge de péripéties, d’épreuves et de retournements de situation où le héros utilise sa ruse plutôt que la force brute pour triompher.

Les racines de ce conte remontent aux traditions orales acadiennes, un héritage culturel qui a été façonné par la rencontre des influences françaises, africaines et amérindiennes. Les contes de Ti-Jean sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif acadien et ont évolué au fil du temps, tout en restant fidèles à leur essence. Ils ont été transmis par génération après génération, en particulier dans les communautés rurales, où la parole et le récit étaient des moyens essentiels de préserver et de partager l’histoire, la culture et les valeurs de la communauté.

Une performance éclatante, à la fois surprenante et hilarante

Dès les premiers instants, Conte bright comme un diamond nous entraîne dans une expérience théâtrale hors du commun. Maddix, avec son énergie débordante et sa manière unique de raconter, interagit tout naturellement avec le public qui participe au récit des aventures de Ti-Jean. Les spectateurs se laissent emporter par l’approche pittoresque et audacieuse de ce conte acadien où le chiac prend toute sa place. La pièce dépasse le simple récit pour devenir une aventure vivante, où le folklore se réinvente et s’adapte avec brio aux attentes d’une nouvelle génération.

Crédit photo : David Emmanuel Jauniaux

Le chiac sur scène : une langue vivante et joyeuse

Le chiac est une langue hybride née en Acadie, principalement parlée au Nouveau-Brunswick, qui mélange le français et l'anglais, souvent avec une influence du dialecte local, de vieux mots français, anglais et de l'argot. Le chiac, souvent mal compris et rarement entendu sur les planches, occupe ici une place centrale. Maddix le maîtrise avec brio, passant du français à l’anglais, injectant une énergie brute qui fait vivre cette langue unique.

La performance ne se limite pas à la langue : elle se distingue par la manière dont le conte est raconté. À la fois improvisé et ritualisé, le récit prend la forme d’une conversation intime avec le public, entre subversions et surprises. Aux côtés de Maddix, Abèle Kildir, violoniste, crée une atmosphère musicale novatrice, mêlant électro et sonorités féeriques qui enveloppent l’histoire d’une aura magique (avec ses « grandma fairy vibes » comme aime le dire Maddix), en parfaite harmonie avec l’univers du conte.

Un héritage vivant, processus de transmission moderne 

Ce qui frappe dans ce spectacle, c’est l’accent mis sur l’importance de la transmission. Dans un élan de modernité, Maddix évoque, avec une pointe d’humour, comment il a récupéré une partie de ces contes acadiens… via une clé USB et un lien WeTransfer. Un contraste saisissant avec la vision plus traditionnelle qu’on se fait de la transmission orale.

Crédit photo : David Emmanuel Jauniaux

Le folklore acadien n’est pas figé dans le passé, il évolue avec son temps, se réinvente au fil des époques, tout en préservant son âme et sa magie. Ce geste de transmission, loin d’être un simple acte de conservation, devient une forme d’émancipation où le passé dialogue avec le présent et où l’héritage culturel se tisse au gré de la technologie et des nouveaux moyens de communication.

Une performance inoubliable, vibrante et nécessaire

Conte bright comme un diamond n’est pas seulement un spectacle, mais un acte de réappropriation culturelle et une célébration du chiac et du folklore acadien. Fano Maddix et Abèle Kildir ont su transformer un vieux conte en une expérience joyeuse, surprenante et pleine de rires. J’ai adoré. Ce spectacle démontre avec brio l’importance de la transmission orale, qui, loin de se figer, se renouvelle sans cesse, s’adaptant à chaque époque et à chaque génération. Un héritage vivant, incarné sur scène avec audace et talent.

Conte bright comme un diamond est présenté à La Chapelle jusqu'au 22 février.