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Ni chaînes ni maîtres de Simon Moutaïrou nous plonge dans la résistance des esclaves de l’île Maurice en 1759, à travers l’histoire de Massamba et Mati (joués par Ibrahima Mbaye et Anna Thiandoum) deux âmes asservies qui rêvent d’affranchissement. Si le film aspire à rendre hommage à la lutte contre l’oppression coloniale, il se perd parfois dans des choix narratifs qui étouffent la profondeur de son propos, et dans un thriller où l'humanité des personnages disparaît dans le bruit des chaînes.
Dès les premières minutes, Ni chaînes ni maîtres semble s’inscrire dans une ambition narrative noble : celle de raconter une histoire de résistance et de révolte dans le contexte brutal de l’esclavage colonial. La plantation de canne à sucre, où Massamba et Mati survivent sous le joug d’Eugène Larcenet (joué par Benoît Magimel), dresse le décor d’une hiérarchie de souffrance et de déshumanisation. Les esclaves parlent en wolof, un choix linguistique qui fait écho à la mémoire vivante des peuples dépossédés, et qui suscite une émotion palpable.
Cependant, une fois la fuite entamée, le film bascule dans un thriller où la tension se cristallise autour d’une chasse effrénée. La vision de l’esclavage comme acte de résistance, un concept qu'on attendait de voir se déployer, est presque éclipsée par la violence de l’action. Cette course-poursuite, bien que maîtrisée dans sa mise en scène, occupe une place prépondérante, éclipsant l’essence même du marronnage et la force intérieure des personnages. La lutte contre l’oppression devient un simple jeu de cache-cache, où les personnages perdent de leur complexité et de leur profondeur.
Une des plus grandes promesses de ce film était de mettre en lumière les croyances spirituelles des esclaves, des racines ancestrales qui ont résisté à la diabolisée magie noire imposée par le colonialisme. Pourtant, lorsque le film aborde cette dimension, la mise en scène tombe dans des écueils malheureusement trop familiers.
La scène de la reconnexion spirituelle de Massamba, censée être un acte de réappropriation, frôle le cliché du film d’horreur (aux allures de Poltergeist) avec des influences mystiques peu subtiles, presque grotesques. Le caractère symbolique des croyances ancestrales est noyé dans un décor qui semble plus faire écho à un film d’horreur qu’à un acte profond de réconciliation avec les racines culturelles. L’aspect « magique » est traité de manière maladroite, à la fois dans sa forme et dans son message.
Un autre aspect qui perturbe le ton du film, c’est la manière dont les personnages blancs sont intégrés à l’histoire. Ils prennent une place disproportionnée dans un récit qui devrait principalement être centré sur les voix des esclaves. Le personnage de Camille Cottin, chasseuse d’esclaves, dont l’histoire personnelle est progressivement dévoilée pour amener une forme de rédemption, apparaît comme une figure de réconfort face à la brutalité coloniale. Son histoire, qui met l’accent sur son mari et ses souffrances, semble non seulement déconnectée du cœur du film, mais elle prive les personnages noirs d’une représentation plus authentique.
Cet effort pour humaniser les figures coloniales, notamment à travers un couple d’esclavagistes repoussant les normes racistes de leur époque, sert avant tout à émouvoir, sans rien apporter de véritablement pertinent à l’histoire de résistance que le film aurait pu développer.
Dans les dernières scènes, le film nous promet une vision forte et poétique de la solidarité entre les peuples opprimés. Une scène dans une grotte, où des groupes d’esclaves de différentes origines culturelles se retrouvent, aurait pu devenir le point culminant de cette fresque humaine et de ce qui fait la force du marronnage. Mais une fois de plus, le film rate son impact. En seulement quelques minutes, cette scène pleine de potentiel passe à la vitesse supérieure sans offrir le temps nécessaire pour rendre hommage à la richesse des cultures et des luttes communes. Cette frustration se ressent à plusieurs moments du film : des instants où l’histoire aurait pu se poser, s’épanouir, mais où l’impulsion de l’action l’emporte sur l'émotion pure.
Ni chaînes ni maîtres porte en lui une ambition qui frôle la grandeur, mais son exécution finit par décevoir. Loin de livrer une fresque poignante sur la résistance des esclaves, le film se perd dans des choix narratifs qui minimisent la profondeur historique, culturelle et spirituelle des personnages. Pourtant, il faut saluer les efforts artistiques : la direction artistique, les décors, et surtout le jeu des acteurs qui parviennent à rendre palpables la douleur et la lutte. Mais la véritable liberté qu’avaient ces peuples opprimés, celle de s’affranchir des chaînes invisibles de l’histoire, reste ici partiellement entravée.
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