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Du 26 au 29 mai, le théâtre Prospero, dans le cadre du Festival TransAmériques, accueille la compagnie australienne Back to back qui nous présente l’hilare et grinçante production The shadow whose prey the hunter becomes.
Deux acteurs surgissent d’une porte qui donne sur les coulisses au fond de la scène. Ils transportent avec eux un charriot sur lequel sont empilées des chaises en plastique. Dans une conversation sous-titrée pour palier à leur difficulté d'expression verbale, Scott éduque Sarah à propos de ce qui constitue une inconduite sexuelle. Ils s’avancent vers le public et posent un ruban adhésif jaune sur le sol, qui remplira la fonction de frontière ténue entre l’audience et les acteurs, entre neurotypicité et neurodiversité. Ils disposent ensuite les chaises devant l’auditorium. Exactement le genre de travail, exigeant un potentiel humain minimal, qu’on s’attend à voir accompli sur un plateau de théâtre par des personnes ayant un handicap intellectuel : une tâche qu’on confierait à un enfant pour le responsabiliser et lui donner gentiment l’illusion qu’il contribue activement à un projet collectif.
Or, cette attente du public, correspondant à un préjugé tenace, n’est rencontrée que pour être mieux déconstruite. Sarah (Sarah Mainwaring) et Scott (Scott Price), qui seront bientôt rejoints par Simon (Simon Laherty), et qui, dans la vraie vie, ne se situent pas dans ce qui est considéré comme la norme du fonctionnement intellectuel (ils ne s’entendent pas eux-mêmes sur la terminologie adéquate pour désigner cette condition), convient le public à rien de moins qu’une réunion d’urgence à propos du sauvetage de l’humanité : ils doivent faire comprendre, en dévoilant leur propre réalité, comment les hommes dits normaux se situeront bientôt vis-à-vis l’intelligence artificielle et les transhumains.
Depuis sa fondation en 1987, la compagnie de théâtre australienne Back to back Theatre est portée par la vocation de confronter les conceptions communes à propos de ce qu’est l’homme, en travaillant avec l’imaginaire et les mots d’acteurs neurodivers, impliqués dans tout le processus créatif, et en mobilisant une multiplicité de procédés formels et de méthodes. En 2008, la compagnie accédait à une reconnaissance internationale avec small metal objects, production où le public, convié à l’intérieur d’une station de métro, entendait les dialogues des comédiens, dispersés au milieu des passants, au moyen d’écouteurs. Lady eats apple, en 2016, inversait les perspectives de l’assistance et de la distribution, en disposant l’audience sur la scène et les acteurs dans l’auditorium. La compagnie compte actuellement quatre acteurs, dont trois sont présents au Prospero en ce moment, et se produit partout autour du monde.
Le thème ainsi que le procédé déployés dans The Shadow whose prey the hunter becomes auraient pu présager des réflexions attendues et un contenu banalement moralisateur à propos de l’injustice de la condition des personnes neurodiverses. Il n’en est rien. Les acteurs, au fil de conversations riches à propos de questions éthiques et philosophiques brulantes d’actualité, arrivent à communiquer de l’empathie vis-à-vis de leur situation, c’est-à-dire à ouvrir à une compréhension véritable qui ne sombre jamais dans la pitié. Ils n’apparaissent pas, en contrepartie, comme titulaires d’une pureté morale ou d’une sagesse candide qui échapperaient aux neurotypiques. Leurs interactions, comme les nôtres, sont pétries des incertitudes et des dynamiques de pouvoir qui animent le corps social, alors qu’ils se querellent pour des statuts avantageux, qu’ils se questionnent sur l’égalité et la justice, que Scott donne quelques éloquents exemples de mansplaining, que Sarah subit sexisme et exclusion. L’effet atteint, fort habillement, est plutôt de tendre un miroir sur nos propres limitations, intellectuelles et morales, et d’ouvrir vers les questions vertigineuses que cette reconnaissance de notre faillibilité commune doit susciter vis-à-vis le projet de la gouvernance de nos existences par l’intelligence artificielle.
Malheureusement, le spectacle, présenté jusqu’à lundi, affiche complet depuis plus d’une semaine! Des billets sont disponibles à la porte en cas de désistement.