Au théâtre Jean Duceppe, en matinée du 18 février courant, sur un texte de Tom Holloway traduit par Fanny Britt et mis en scène par Frédéric Dubois, la tragédie d’une enfance dérobée, et peut-être même violée, s’est étalée sous nos yeux dans toute l’horrible splendeur de ses dévastatrices conséquences.

Le propos

Extrait du programme : « Un enfant disparu, enlevé à sa mère quand il avait quatre ans, emmené de force au bout du monde avec de fausses promesses d’air pur, d’abondance et d’une famille accueillante.­ Gerry, aujourd’hui dans la cinquantaine, alcoolique, colérique, hanté par son passé, va partir avec sa fille à la recherche du passé qui lui a été enlevé si abruptement. Un voyage à la rencontre de l’histoire, avec l’espoir d’apprendre qui il est et d’où il vient. »

La distribution

François Papineau est Gerry; Louise Turcot, Marie, sa mère; Marie-Ève Milot, Nathalie, sa fille; Jonathan Gagnon, Marc, l’intermédiaire qui rend possible la rencontre mère-fils.

L’ambiance

Pièce sombre au sens propre et au sens figuré, c'est-à-dire dans son propos et dans l’éclairage scénique. L’action se déroule entièrement dans un même décor austère et épuré, le plus souvent dans le clair-obscur, sans autre arrière-scène qu’un vaste écran blanc, dans un mobilier réduit à quelques divans, fauteuils, chaises et menus accessoires, le tout symétriquement disposé. Absence totale de tape à l’œil. Tout concourt à monopoliser l’attention du spectateur sur le texte.

Le langage

On s’y raconte souvent par phrases complètes mais on s’y exprime également et beaucoup par points de suspension, par phrases interrompues à mi-course, par sous-entendus, entre les lignes.

Le ton

Comme l’aigreur, la colère et la confusion y règnent en maître, le ton est généralement agressif et la communication difficile et tendue entre les personnages. L’atmosphère est lourde et oppressive.

Performance des comédiens

Les personnages sont impeccablement incarnés, avec nuances, par des acteurs talentueux et chevronnés. Peut-être peut-on toutefois noter que, selon ma perception toute personnelle, Marie-Ève Milot a parfois tendance à tomber dans «l’over acting.»

Seriez-vous vraiment étonnés d’apprendre que la troupe s’est méritée une généreuse ovation debout? Non! Et bien dans ce cas, je ne vais même pas le mentionner.

À propos de François Papineau

L’expression bête de scène étant une formule consacrée, éculée, devenue cliché, lorsqu’on parle d’un acteur de la trempe de François Papineau, il est donc hors de question que vous lisiez son nom et le dit qualificatif dans une même phrase sortant de mon clavier. N’insistez donc pas!

Ce caméléon des planches nous a bien fait rigoler dans la série télé « Catherine », dans son rôle de Charles Beaudet, collègue et ami de Catherine; et présentement, hebdomadairement, il nous intrigue, choque, dérange et perturbe dans la peau de Normand Despins de la série « Unité 9 ». Et entre temps, il a bien entendu revêtu l’habit de plusieurs autres personnages.

Ce « Dr. Jekyll & Mr. Hyde » du théâtre québécois, s’approprie un rôle, change de personnalité, altère son attitude et son apparence avec autant de redoutable efficacité qu’un virus létal et adaptatif, c'est-à-dire de façon totale et foudroyante! On ne lui résiste pas, on lui cède.

Alors, avait-il vraiment besoin d’en rajouter une couche avec son Gerry de « Ne m’oublie pas »? Absolument et parfaitement! Et Nous l’en remercions vivement. Nous ne sommes effectivement pas prêts de l’oublier de sitôt dans ce rôle qu’il habite très efficacement.

Chez François Papineau, le talent frise le vice rédhibitoire. Il n’y peut rien, c’est fort probablement congénital!

En conclusion

À voir? Oui! Certainement! Pour amateurs de sombres drames ou pour friands de performances d’acteurs. Spectacle peut-être pas inoubliable mais certes mémorable et qui vaut indubitablement le déplacement. Gâtez-vous, allez-y!