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Hier soir à l’Usine C prenait place la première de Manque de Sarah Kane, mis en scène par le duo composé d’Alexa-Jeanne Dubé et de Patrick R. Lacharité. Pièce redoutable par la gravité de son propos et sa structure déconstruite, La Fraterie continuera de jouer les mots de Kane jusqu’au 8 avril.
C’est écrit dans le résumé du spectacle et c’est bien vrai: achevée autour d’un an avant le suicide de son auteur il y a plus de vingt ans, Manque (excellente traduction de Philippe Ducros de la pièce Crave) a été présentée peu de fois sur les scènes québécoises.
Les raisons de l’éviter pleuvent: les personnages sont ambigus, il n’y a pas de trame narrative, le tout est très littéraire malgré sa brutalité et même vaguement incohérent. Quatre personnages (Fanny Migneault-Lecavalier, Isabelle Miquelon, David Strasbourg et Alex Trahan) - identifiés par de simples lettres dans le texte original - radotent sur leur mal-être; on y aborde la pédophilie, l’alcoolisme, le viol, l’amour maladif et contrôlant, le deuil (toutes ces belles choses de la vie), mais toujours en les effleurant à peine, sans jamais vraiment se raconter. En résulte un tourbillon existentiel d’une tristesse infinie, dont toute personne ayant souffert mentalement se retrouvera dans ses échos. Kane réussit dans ce texte chaotique à capturer l’essence du mal-être, ses hoquets et ses contradictions, avec une authenticité troublante.
C’est ce vomissement émotionnel à la fois horrible et émouvant que la Fraterie s’est approprié, ce n’est pas rien.
Le danger de mettre en scène Manque, c’est bien évidemment que le texte est d’une telle lourdeur que la mise en scène se doit d’être irréprochable afin de ne pas tomber dans le pathétisme. Pour relever ce défi, Dubé et Laliberté ont opté pour une mise en scène plutôt modeste, misant sur le texte et une scénographie pointue.
Alors que les acteurs sont pris en sandwich entre les rangées de spectateurs sur une scène bifrontale, une intrusive caméra qu’ils manipulent projette ses captifs sur des rideaux diaphanes, entre voyeurisme et exhibitionnisme. Quelques jeux de lumières, une ambiance sonore oppressante, une chanson mélancolique, voilà qui résume le reste.
Pour ce qui est du texte, il se partage entre les bouches, l’un finissant parfois la phrase de l’autre, les interlocuteurs se confondant (volontairement) les uns dans les autres, bien que se dégagent des personnages. Le débit qui se veut en quelque sorte discordant et presque musical, monte à une vitesse étourdissante, et a causé quelques accrocs au niveau des acteurs, mais pas assez pour déranger le public.
Personnellement, j’aurais aimé que la mise en scène se montre plus audacieuse; j’ai eu l’impression qu’on se reposait un peu trop sur le texte, imposant aux acteurs la pression énorme de porter la pièce presque entièrement sur leurs épaules. Ainsi malgré leur talent indéniable (mention spéciale à David Strasbourg qui nous livre un monologue saisissant), une variété de tons et d’inflexions ne m’ont pas permis de rester captivée, causant quelques longueurs. À quelques moments, des cris très dramatiques sont poussés et ces interventions semblaient quelque peu convenues, quelques rires gênés se laissant même entendre dans le public.
Je comprends la volonté de respecter le choix de Sarah Kane de dénuer cette œuvre de violence graphique, mais il y aurait eu moyen pour nos co-metteurs en scène d’ajouter de la physicalité à l’interprétation. Les toutes premières minutes, alors que David Strasbourg traîne le corps inerte de Fanny Migneault-Lecavalier sur le sol dans un crissement donne des frissons; c’est bien dommage qu’on n'ait pas poussé plus dans cette direction prometteuse.
Je lève malgré tout mon chapeau à Alexa-Jeanne Dubé, Patrick R. Lacharité et toute l’équipe de la Fraterie: ils ont fait à partir d’un texte incroyablement difficile une œuvre qui vaut le coup d'œil et peut-être donnera envie à d’autres de se réapproprier à leur tour les écrits tragiques de Sarah Kane.
Pour en savoir plus sur Manque ou réserver votre place pour une prochaine représentation, rendez-vous sur le site web de l’Usine C.