Le Théâtre Jean-Duceppe accorde régulièrement une place de choix aux pièces ayant comme protagonistes des personnages du troisième âge. Bon an, mal an, il y a presque toujours au moins une production qui relate l’histoire d’un personnage âgé. Cela peut paraître banal, mais rares sont les théâtres qui font une place pour ce type de personnages qui sont souvent relégués aux rôles mineurs. Cette saison, Duceppe présente Les héros et, plus tard ce printemps, Harold et Maude. Ces deux pièces ont le mérite de raconter des histoires touchantes sur le bel âge. Dans Les héros, présenté à compter du 14 décembre, il n’est pas seulement question de vieillesse, mais aussi de franche camaraderie.

Ils sont trois : Gustave (Guy Mignault), le meneur de la bande au tempérament malcommode, Philippe (Marc Legault), un petit homme jovial frappé de pertes de connaissance dû à un éclat d’obus logé dans son crâne, et Henri (Michel Dumont), un candide optimiste. Trois amis aux personnalités bien différentes qui vivent dans le même hospice à l’été 1959. Ce sont eux les héros, trois vétérans de la Première Guerre mondiale qui sont à des années-lumière des champs de bataille. Dans leur quotidien bien tranquille, rythmé par l’autorité de sœur Madeleine, les trois comparses souhaiteraient s’échapper pour découvrir le monde. Dans l’univers qu’ils se sont créé entre eux, à l’abri des autres pensionnaires, ils magouillent et rêvassent à l’amour et aux voyages.

Dans cette mise en scène des Héros, la scène du Théâtre Jean-Duceppe a été transformée en une magnifique terrasse située quelque part dans la campagne française : murs de pierre recouverts de végétation, mobiliers de jardin, immense peuplier dont les feuilles sont suspendues dans les airs et écran sur lequel est projeté un paysage de province. Tous ces éléments donnent le ton à l’ensemble de la production qui est très naturaliste.

Au cœur de cette pièce, il y a trois comédiens de très grands talents. Il ne faut pas beaucoup de temps avant que l’interprétation de Mignault, Legault et Dumont ne fasse éclater les rires dans l’auditoire. La cause de ces éclats de rire réside dans les dialogues souvent comiques, mais, surtout, dans l’interprétation chaleureuse et humaine que les trois acteurs font de leur personnage. En ce sens, Marc Legault est certainement celui dont le jeu se démarque le plus. Avec le personnage de Philippe, il hérite de la partition qui permet le plus d’excentricités. Legault est tout à fait à l’aise dans ce personnage un peu naïf et soumis. Il ne manque pas une occasion, par sa voix ou par ses gestes, de faire rire. Dumont et Mignault ne sont pas en reste. Bien que leur personnage soit moins coloré, ils offrent des interprétations tout aussi touchantes et, par moment, tout aussi drôles.

La mise en scène signée par Monique Duceppe offre des moments d’inspiration « slap stick ». On n’aura qu’à penser à cette scène où les trois comparses, se préparant à une expédition, tentent de se lier les uns aux autres avec un tuyau d’arrosage. Le travail de Monique Duceppe met en valeur le talent de ses comédiens, mais ne réussit pas toujours à rendre tout son intérêt au texte. En fait, il ne faudra pas en tenir rigueur à la metteuse en scène puisque le texte des Héros fait partie de ce type de dramaturgie plutôt passive qui est exigeante à mettre en scène de manière dynamique. Originalement intitulé Le Vent des peupliers, ce texte provient de la plume du dramaturge français Gérald Sibleyras. Il est aussi l’auteur derrière la pièce La Danse de l’albatros. Son texte offre un regard doux-amer sur la vieillesse et sa force réside dans les sympathiques personnages qu’il a su créer. Cependant, l’histoire manque de mordant. Est-ce un reproche qu’on peut adresser à une pièce qui se penche sur les vieux jours? Sans faire d’âgisme, les thèmes abordés par la pièce et les personnages ne confèrent pas à l’histoire de grands moments de théâtre. C’est plutôt une sympathique chronique sur la réalité du bel âge.

Les héros est une pièce à savourer pour ses trois comédiens. Leur charisme et leur interprétation comique sont les points forts de cette production. Ce n’est pas une pièce qu’on ira voir pour ses grands rebondissements ou, même, ses réflexions profondes sur la vie. Il faudra plutôt déguster Les héros comme une charmante histoire qui pose un regard empreint de nostalgie sur le crépuscule de la vie.

Les héros est à l'affiche au Théâtre Jean-Duceppe jusqu'au 4 février 2017.