Jusqu’au 20 mai, l’Espace GO accueille la dernière pièce de sa saison 22-23 avec L’écoute d’une émotion. Comme pour toutes les pièces de théâtre de cette saison, nous nous installons confortablement dans les sièges de l’assistance, prêts à découvrir une pièce de théâtre.

Puis, dans un noir de jais, une voix de femme surgit « C’est L’écoute d’une émotion et nous sommes ensemble jusqu’à 22 h […] Faire de la radio et désirer sont des activités qui se rencontrent. On est au tout début de l’émission comme au tout début de l’amour ». C’est ainsi que débute l’émission de radio qu’anime notre personnage principal, avec qui nous allons rester plus d’une heure.

Rapidement, nous comprenons que nous allons faire face à une émission de radio. Du théâtre certes, mais de la radio aussi. Un entre-deux assez brillant mené par Larissa Corriveau à travers un texte et une première mise en scène de Marie-Laurence Rancourt. 

Notre animatrice de radio décide alors durant son émission L’écoute d’une émotion de s’aventurer, avec nous, à travers un monologue passionnel d’une relation vécue avec un homme que tout semblait opposer à elle. À travers le micro qui la relie à son auditoire, elle confie que, dès l’instant où elle a vu cet homme, un désir comme elle n’en avait jamais ressenti l’a submergée. Mais comment le raconter ? Quels mots choisir pour décrire l’indicible ?

La metteure en scène et auteure Marie-Laurence Rancourt signe ici une première mise en scène brillante, frontale et sans gêne. Les photos en témoignent : durant plus de la moitié du spectacle, l’unique comédienne nous fait dos. Quelle surprise, quelle audace et quel coup de maître ! Ce parti-pris laisse place à un moment de grâce vécu à l’Espace GO, comme si nous assistions à une réelle émission de radio: rarement nous avons témoigné de spectateurs aussi silencieux et aux aguets. 

À la tête de Magnéto, un organisme de création qui donne vie à des projets artistiques témoignant d’une sensibilité au langage, à la parole et à l’écoute, Marie-Laurence Rancourt offre ici un spectacle inspiré de ses expériences en création sonore et radiophonique. S’il ne s’agit pas de transposer un dispositif radio classique directement sur scène, l’idée est d’emprunter à ce médium quelques-uns de ses « codes » et une certaine sensibilité —voix, langage, silences— pour ensuite créer un objet théâtral à part entière.

Cette expérience multisensorielle qu’offre l’art vivant se transforme alors en une expérience d’écoute hors du commun, comme si nous avions le privilège d’assister, en direct, à cette émission, à cette émotion, et de ce fait, à la vulnérabilité de notre personnage principal. 

De dos, Larissa Corriveau livre une performance à couper le souffle, avec une voix souvent sensuelle, parfois intransigeante, maintes fois délicate et, à son point culminant, érotique. Cet érotisme est accentué par une personnification de son dos, qui vient souligner tous ses mots, de sa cambrure au crissement de sa colonne vertébrale. Un dos moulé dans un t-shirt blanc qui transmet toutes les émotions racontées par notre animatrice radio, dans une incarnation d’un texte à couper le souffle. 

Au fur et à mesure de l’émission, la vulnérabilité de l’animatrice se transforme en une confiance infaillible sur ce qu’elle a vécu, durant trois ans, avec cet homme. Confiance qui s’installe aussi avec ses auditeurs où  elle se dévoile de plus en plus, en nous faisant des clins d’oeil espiègles, puis en s’offrant complètement, de face. 

Les seuls accrocs que nous notons à ce voyage radiophonique sont les intermèdes musicaux orchestrés par le choeur de femmes. Cet ajout d’un nouveau médium vient nous sortir de la dégièse dans laquelle nous pensions être piégés. Bien que les choix de musiques soient cohérents avec la narration de l’animatrice, l’ajout de ces personnages semble de trop. 

L’écoute d’une émotion, c’est un arrêt dans le temps théâtral qui pourrait tout autant être un balado sonore nocturne à écouter lors d’un road-trip. Une passion aussi éphémère qu’hors du commun. Riche, audacieuse et stimulante, qui pourra vous faire frissonner. Marie-Laurence Rancourt s’est d’ailleurs entretenue avec atuvu.ca il y a quelques semaines à propos de sa définition du désir. Pour en savoir plus, c’est juste ici. 

Une pièce un tant soit peu érotique, mais surtout très bien écrite et incroyablement interprétée ! C’est joué jusqu’au samedi 20 mai à l’Espace GO. Les billets partent vite, ne tardez pas ! Infos et billets.