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C’est jusqu’au 16 mars prochain que sera présentée à l’Espace Libre l’œuvre multimédia Kiinalik: These Sharp Tools. Une création née d’une rencontre improbable, celle de l’artiste inuite Laakkuluk Williamson Bathory et de l’auteure-compositrice-interprète folk Evalyn Parry. Les deux se sont connues alors qu’elles prenaient part à une expédition d’éducation environnementale parcourant l’Arctique, du Nunavut au Groenland.
C’est en prenant conscience de l’incompréhension qui persiste encore face à la réalité nordique que les deux femmes se sont liées lors de ce périple maritime, chacune portant en elle le désir de rendre justice à ce territoire et à son histoire. À force de partage et d’échanges sur leurs parcours respectifs, dont tous les paramètres pointaient pourtant vers l’altérité, elles se sont finalement reconnues au hasard de leurs similitudes, puis de leur lutte commune surtout: l’une se bat pour la reconnaissance de l’identité queer, l’autre, pour celle des Inuits.
Kiinalik, c’est l’aboutissement de ce dialogue amorcé entre le Nord et le Sud, dans lequel Bathory et Parry tentent tour à tour d’illustrer au public ce qu’est devenu le visage de l’Arctique. Des témoignages authentiques, dont le fil conducteur est donc cette redéfinition de l’identité, que les artistes livrent en toute simplicité et en se vouant une écoute et un respect mutuel édifiant.
Rétablir les faits, sous l'impulsion de la rédemption
Ainsi, alors que Bathory raconte l’Arctique – au-devant de sublimes projections illustrant son territoire (Elysha Poirier) –, Parry enchaîne les accords et met une musique sur ses paroles. Puis, quand c’est elle qui reprend le discours par le biais de la chanson, Bathory l’accompagne de ses chants de gorge ou en dansant au rythme de ces mots qui nous renseignent sur cet univers, hostile aux premiers abords. Car, au travers de leurs récits personnels qui s’entremêlent à l’histoire, Laakkuluk et Evalyn nous parlent des maux de ce Nord que l’on connaît si mal, bien qu’il fasse partie de notre identité canadienne.
Elles nous racontent les déplacements qu’ont subis les habitants de l’Arctique, des années 1950 jusqu’aux années 1990, époque durant laquelle le Gouvernement canadien étendait sa souveraineté en utilisant les Inuits comme autant de petits drapeaux plantés aux frontières du pays. Des âmes sauvagement déportées, qui portent encore les marques de ce déracinement. Puis, elles reviennent sur la campagne contre la chasse au phoque qu'a menée l’organisme Greenpeace dès les années 1970: Evalyn soutenait l’organisme à cette époque; Laakkuluk en vivait les – douloureuses – répercussions. Elles témoignent aussi du saccage environnemental que subit encore le Nord, première victime de l’industrialisation et du capitalisme qui s’opèrent en bas, mais dont les conséquences se manifestent en haut, alors que les changements climatiques vident la glace de ses eaux et font inexorablement disparaître les territoires de l’Arctique dans l’océan.
Tout au long de ce spectacle multidisciplinaire, les deux artistes n’en font jamais plus qu’il n’en faut, si ce n’est que de dire tout haut des choses que l'on tente d'étouffer tout bas.
Un tableau final transcendant et révélateur...
La création prend soudain une forme inattendue, alors qu’Evalyn s’éclipse de la scène, laissant tout l’espace à une Laakkuluk Bathory qui se fait plus introspective, à fleur de peau. C’est dans cette ambiance intimiste qu’elle en dévoile un peu plus sur l’univers mythologique inuit, notamment à travers la tradition du tatouage, interdit par les missionnaires puis réintroduit dans les coutumes une centaine d’années plus tard. L’artiste s’ouvre encore un peu plus, alors qu’elle nous donne accès à son monde intérieur, narrant ce souvenir d’une nuit froide et sans songe, alors que la folie et la peur rôdaient autour, sur cette terre glaciale qu’est la sienne.
Puis, l’ambiance monte encore d’un cran, alors que celle qui apparaissait si douce et joviale tout au long de la pièce se transforme, après s’être départie de ses chaussures faites de fourrure de loup-marin et s'être enduit le visage de peinture, en une créature sexuelle et machiavélique. Elle semble possédée, rit, hurle, halète et danse frénétiquement avant de grimper à travers l’auditoire, lequel est sous le choc. Une danse viscérale rythmée par les coups d’archet de la violoncelliste Cris Derksen, qui s’avère aussi choquante qu’hypnotisante. Un sublime doigt d’honneur aux règles entendues. Ce n’est qu’après coup, la salle étant à peine remise de cette escalade d’émotions, qu’on apprend que l’on vient de vivre la uaajeerneq, une danse masquée groenlandaise qui sert à savoir mieux affronter l’inconfort et la frayeur. Une démonstration également lourde de sens pour l’artiste inuite, qui a exprimé voir dans la réappropriation de cette manifestation artistique un geste de lutte contre l’acculturation, alors que l’identité devient à la fois l’arme et l’objet défendu.
Après ce retour au calme, le spectacle se clôt finalement sur l’émouvante pièce « This Land Is Your Land ». Evalyn Parry reprend sa place aux côtés de Laakkuluk Williamson Bathory pour interpréter cette chanson, qui rappelle le paradoxe habitant le territoire canadien dont on oublie trop souvent les sublimes étendues arctiques et, surtout, la mémoire vivante qu’elles abritent.
Pour vous procurer vos billets, rendez-vous sur le site web de l’Espace Libre.