Pour son troisième seul en scène, la comédienne signe un spectacle autofictionnel qui raconte la fin de vie de son propre père décédé en 2017. En représentation jusqu’au 16 juin au théâtre La Licorne, De ta force de vivre est une pièce émouvante et remplie d’humour qui offre un témoignage éclairé et étayé sur l’éveil de nos puissances créatrices dans le deuil.

C’est en dansant sur la célèbre chanson Sarà perché ti amo du groupe italien des années 80 Richi e poveri que Marie-Ève Perron déboule sur les planches. Bien décidée à ne laisser aucune pensée morbide parasiter son quotidien et bousculer ses ambitieux objectifs de vie, elle tente de se persuader que celle-ci à un sens. Bientôt, la musique s’arrête pour laisser place à la réalité. La jeune femme insiste pour qu’elle reprenne, mais rien n’y fait. Ce qu’elle entend désormais c’est la voix de la docteure qui lui énumère l’interminable liste des symptômes avec lesquels devra composer son père souffrant.

Une perte douloureuse

C’est le 1er décembre 2016 que ce récent retraité de soixante-cinq ans apprend qu’il est atteint d’une dégénérescence corticobasale (DCB), une maladie du cerveau très rare et incurable. Pourtant, cet ancien avocat, procureur de la couronne, perfectionniste et volontaire ne peut pas se résoudre à partir. Cette lente agonie qui durera un an affectera tout particulièrement Marie-Ève installée à Paris depuis dix ans pour développer sa carrière d’actrice. 

Dans ce spectacle qu’elle a mis deux ans à écrire, l’autrice décortique les étapes du deuil et se moque des protagonistes qui gravitent autour de la fin de vie.

Après le médecin, c’est donc la conseillère funéraire soldate du « capitalisme de la mort » aux « lunettes trop grandes pour sa tête » qui est tournée au ridicule. Puis c’est à ses proches qui tentent de la consoler en répétant des phrases toutes faites comme « il est mieux là où il est » d’en prendre pour leurs grades. Que ce soit l’infirmier, les membres de sa famille, tous balbutient ou font preuve de maladresse quand on doit aborder l’absurde sujet de la fin.

Photo : Eva-Maude TC — Théâtre La Licorne

Une œuvre cathartique et ludique

Décidée à partager les connaissances en plus de l’expérience qu’elle a acquise sur le sujet, la comédienne diffuse en voix hors champ des extraits de ses entrevues avec de spécialistes de la mort. L’anthropologue Luce Des Aulniers, professeure émérite à l’UQAM, nous explique brièvement « l’ambivalence affective » tandis que Marie-Ève vulgarise et incarne ses idées avec brio. Les intermèdes musicaux et les interventions sonores permettent au spectateur de garder son attention, alors que la richesse créative de l’œuvre surprend. 

Grâce à son interprétation énergique et communicative, on passe des larmes aux rires en une fraction de seconde. Son écriture franche ponctuée d’humour noir permet de briser brillamment ce sujet tabou qu’est la mort. Sujet universel par excellence, on contemple dans ses yeux la douleur d’avoir dû observer une personne qui aimait tant la vie dépérir lentement. 

Façonnée par son père, Marie-Ève se bat et part à l’aventure du deuil, déterminée à ne pas se laisser anéantir par la perte de l’autre. 

> De ta force de vivre est présenté en salle jusqu’au 16 juin 2021 au théâtre La Licorne.

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