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Du 1er au 4 février, le Raoul Collectif, laboratoire utopique de création collective, débarque une deuxième fois (après Le signal du promeneur en 2019) sur les planches de l’Usine C pour présenter Une cérémonie, œuvre protéiforme et explosive, fruit d’une troisième collaboration entre Romain David, Jérôme de Falloise, David Murgia, Benoît Piret et Jean-Baptiste Szézot.
Hier, j’ai eu l’occasion inattendue de prendre part à cette rencontre à laquelle la sympathique troupe belge convie, pour une première Nord-Américaine, le public montréalais. Voici mon compte-rendu.
Un théâtre de rupture
J’atterris lentement sur mon siège, un pied toujours dans la cohue du métro et l’autre sur le trottoir presque déneigé de la rue Ontario. J’ai à peine le temps de jeter un regard distrait sur le curieux univers qui s’ouvre sur la scène - entre le campement de Tziganes postapocalyptiques, la terrasse d’un casse-croûte le long de la 138 et la salle d’une boîte de jazz new-yorkaise –. Quelqu’un (Murgia) m’interrompt gentiment, alors que je m’informe d’un rhume enfin guéri, pour me faire part de la conclusion de la discussion que lui et sa bande, arrivés discrètement sur scène en traversant l’assistance, avaient sans que je m’en aperçoive: “Par rapport aux événements et aux discours qui vont suivre, je dois vous prévenir... Il n’y aura pas d’ordre. Tout est improvisé, on ne sait pas ce qui va arriver”.
Le ton est donné. En nous privant de la traditionnelle respiration avant la plongée à l’eau du spectacle, en brisant d’entrée de jeu le quatrième mur, le comédien annonce un théâtre qui se situe dans la continuité de la vie et qui apostrophe sans prévenir. La troupe s'amuse du même souffle à nous faire croire qu’elle a choisi de rompre avec la contrainte du texte, qui enferme le déploiement de l’action sur scène dans la linéarité. Il s’agirait plutôt de laisser surgir l’imprévu, le saugrenu, la rupture, le “pigeon qui tombe du ciel grâce à une providence spéciale”, “le vent chaud qui se lève subitement”, le refus d’Antigone d’obéir aux lois de la cité…
Un désordre ordonné
Ce qui est vrai dans cette mise en garde, c’est que le spectateur ne trouvera pas ici de trame narrative traditionnelle, encore moins d’unité de temps, de lieu et d’action. La troupe nous offre une succession en apparence impromptue d’événements expressifs qui s'articulent dans une multiplicité de langages : celui des mots et du silence, de l’image, de la musique et du geste.
Cependant, si l’oeuvre se place délibérément sous le signe du doute et du tâtonnement, l’interprétation des musiciens, poètes, comédiens et acrobates du Raoul Collectif est pleinement maîtrisée. La troupe belge, formée en 2009, nous offre avec Une cérémonie, présentée au Festival d’Avignon en 2020 et acclamée par la critique, sa troisième création collaborative. Les envolées poétiques, les pirouettes de l’ivrogne, la rage du centaure, les airs jazz, même la présence crépusculaire de la chouette Minerve sont livrés avec une grande précision, tantôt avec sensibilité et retenue, tantôt avec bouffonnerie, tantôt avec une fureur convaincante. L'apparent désordre de la scénographie, lui aussi, est admirablement intentionnel, chacun des éléments du décor se révélant progressivement poétique et chargé de sens. Tout ceci, bref, est au service du développement sur scène d'une unité d’un autre ordre.
Fenêtre philosophique sur le monde
Cette unité prend la forme d’un questionnement qui se déploie avec une grande cohérence : quoi, comment et pourquoi créer et agir ici et maintenant, tandis que toutes les formes et les contenus – ceux de l’art et ceux de la de vie humaine- semblent avoir été épuisés par l’histoire ? Sommes-nous, malgré toutes nos tentatives de mettre en œuvre, sur scène ou dans le réel, une vie digne et belle, condamnés à suivre mécaniquement la trajectoire rectiligne du ptérodactyle fixé au plafond, rappel saisissant du spectre de l’inéluctable catastrophe, qui demeure immobile dans son axe malgré le battement de ses ailes décharnées ?
Nous nous trouvons donc placés devant un théâtre qui réfléchit sa position dans le monde et dans l’histoire, qui réfléchit celle du monde et de l’histoire dans le théâtre et qui, se faisant, nous permet de se réfléchir en lui. Il peut sembler, à prime abord, que ceci n’offre rien de bien nouveau et plutôt confirme la vanité de toute tentative de création et d’action. Il me semble au contraire que le chemin sinueux que nous empruntons, qui veut nous entrainer hors d’une route tracée pour nous d’avance, ouvre bel et bien, au détour de virages brusques, sur un horizon imprévu. Peut-être celui de la "fin de la fin de l'histoire" ?
Une Cérémonie se joue à l’Usine C jusqu’au 4 février ! Rendez-vous vite sur le site du théâtre pour vous procurer des places.