Entretien avec Mathilde Côté, directrice artistique et cheffe de chœur de la Petite École de la chanson

Dans le cadre du Festival en chanson de Petite Vallée, 300 enfants allochtones et autochtones vont entonner les musiques de Richard Séguin et Florent Vollant, artistes passeurs de la 40e édition.
Depuis plus de 30 ans la Petite École de la chanson est tournée vers les jeunes pour leur transmettre la beauté de la chanson francophone avec son bagage poétique et politique. De mère en fille, le projet continue de naviguer sur les côtes gaspésiennes, avec pour la première fois cette année un répertoire qui allie chansons en français et chansons en innu. 

Dans un entretien avec la rédaction, Mathilde Côté, directrice artistique et cheffe de chœur de la Petite École nous raconte l’histoire de la chorale et les défis à relever pour cette nouvelle édition.

Remettre au gout du jour la chanson francophone 

Pour comprendre la naissance de la Petite École, il faut se pencher sur le contexte de la scène musicale de l’époque: une montée en puissance de la langue anglaise qui envahit les ondes et entraine le déclin de l’écoute de musiques francophones, notamment par les jeunes. En tant que projet communautaire, la Petite École en chanson décide ainsi de faire connaître et donner le goût aux enfants gaspésiens de chanter, d’écouter et d’apprécier la musicalité de la langue française.

Fille de Danielle Vaillancourt, Mathilde Côté tombe dedans quand elle est petite : « mon parcours commence à la Petite École, ma mère a commencé ce projet il y a 33 ans! Le show a le même âge que moi, j’ai chanté dedans de mes 5 ans à aujourd’hui, en tout je n’ai manqué qu’une édition. » Et après y avoir chanté, elle est devenue accompagnatrice et assure aujourd’hui la direction du chœur qui, d’année en année, ne cesse de grossir! Il faut croire que la mise en avant des paroliers francophones plait: on compte pas moins de 300 jeunes gaspésiens qui participent au projet contre une quarantaine à ses débuts!

Une volonté pédagogique 

À ce jour, la chorale a déjà interprété les airs des Trois Accords, des Soeurs Boulay ou encore de Jean-Louis Cormier, Marie-Pierre Arthur et Paul Piché. Des artistes qui ont marqué le paysage musical québécois, par leur musicalité et leur franc parlé! 

Pour le bon fonctionnement des répétitions éparpillées dans la péninsule gaspésienne, des cahiers de répertoire sont envoyés aux écoles pour permettre aux enseignants d’enseigner les airs à leurs élèves. Qu’ils soient musiciens ou non, les professeurs sont accompagnés par le matériel audio (et maintenant vidéo) de la Petite École tout au long de l’année. Il ne s’agit pas simplement de faire chanter les enfants, nous explique Mathilde Côté, mais surtout de leur enseigner la valeur des mots et le poids de leur emploi. Les cahiers proposent ainsi des cadres de connaissance, des petits questionnaires, des zooms historiques et des remises en contexte.

« Avec les enfants qui chantaient les solos d’Au porte du matin de Richard Séguin, j’ai discuté avec eux des événements de la crise d’Oka. C’était très philosophique. Après ça, les enfants ont chanté les couplets et ils savaient de quoi ils parlaient, ils mordaient bien dans les mots! »

Cette année, une édition engagée! 

Florent Vollant et Richard Séguin étant les artistes-passeurs de cette édition anniversaire, la chorale s'est penchée sur des textes aussi bien français, qu’innus. L’apprentissage d’une langue autochtone par plusieurs centaines d’enfants marque la volonté du Festival et de la Petite École de sensibiliser le cœur des enfants à la différence: « les enfants étaient non seulement super curieux, mais ils ont abordé le projet sans aucune peur de l’apprentissage. » Et pour ne pas manquer la portée politique de l’exercice, les cahiers de répertoires et les discussions avec les enfants sont essentiels : « on leur procure une dose de vaccin contre le racisme! »

Cette année une vingtaine d’enfants autochtones partageront la scène avec les enfants québécois. « La plupart ne sont pas locuteurs de leur propre langue maternelle, mais en lisant des mots dans leur langue, ils ont l’occasion de vivre une grande fierté d’eux-mêmes » nous dit Mathilde Côté avant d’ajouter que le format de la chorale cette année « est une goutte dans l’océan, mais c’est une goutte qui fait quand même une petite différence. »

Pour marquer la fin de l’année scolaire, la Petite École de la Chanson aura lieu le 25 juin à 19h30, quelques semaines avant le lancement du festival en chanson de Petite-Vallée (du 28 juillet au 5 août).

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