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J’avais entendu à quelques reprises que Jetsam, excellent sur album, avait une présence sur scène électrique. Ceci m’a été confirmé vendredi le 19 avril dernier à leur dernier concert montréalais donné au Turbo Haüs, qui, entre autres émotions plus ou moins brutales, m’a à un moment donné littéralement les larmes aux yeux.
J’ai appris ensuite, en discutant le lundi suivant avec Neon, que je n’étais pas la seule. Neon fait partie de Jetsam, en tant que bassiste et vocaliste, depuis les débuts du groupe en 2021. Elle travaille aussi depuis plus d’un an comme serveuse au Turbo Haüs, boulot qui lui permet de gagner sa vie, mais aussi de construire et consolider des liens avec un bassin grandissant de gens pour qui la scène punk et hardcore représente une communauté de valeurs et de solidarité.
Les hommes surtout lui disent souvent, après un concert, que la musique de Jetsam est très «émotionnelle». Certains et certaines avouent avoir pleuré tout au long. Une fois, une fille trans est venue la rencontrer le lendemain d’un show à son lieu de travail. Elle tenait à lui dire qu’elle s’était rendu compte pendant un spectacle de Jetsam qu’elle était une femme. C’était la première fois ce soir-là qu’elle se rendait dans un bar en se sentant elle-même.
Moi aussi, je le disais plus haut, je dois reconnaître avoir eu la gorge nouée à un moment. Le mot «émotionnel» est, par contre, loin d’être le premier qui me vient en tête pour décrire la musique et les paroles de Jetsam.
Musicalement, le trio, composé de Neon à la basse, Marcy à la batterie et Jack au chant, offre une powerviolence rapide et agressive, mais qui se déploie avec complexité, technicité, nuance et contraste. Les textes, loin de se cantonner aux territoires adolescents et romantiques de l’intériorité tourmentée, ont une portée nettement sociale et politique. Ils sont aussi efficaces et intéressants par leur contenu qu’achevés et esthétiques par leur forme. Et tout ceci est livré sur scène dans une performance tendue et précise qui se reçoit comme une harangue redoutablement résolue et persuasive.
«Jetsam», le mot, désigne les objets volontairement jetés d’un navire, pour le délester, dans la mer, puis rejetés sur la côte. Le mot se distingue d'un autre, très proche, «flotsam», qui désigne aussi des déchets flottant à la dérive, mais involontairement perdus. Jetsam, le groupe, se présente comme l’incarnation et le porte-étendard de ce qui a été exclu, relégué aux marges du tout social et conceptuel, mais aussi ce qui refuse volontairement l’assimilation. Les rebuts dont on souhaiterait ignorer l’existence, mais ramenés à la vue par l’infatigable mouvement de la mer.
Jetsam est né d’abord des retrouvailles entre Neon et Wawa. Neon, qui vient de Québec, est active sur la scène métal et hardcore depuis son arrivée à Montréal il y a 15 ans. Elle mijotait, vers la fin de 2020, un projet musical, après que les membres du groupe auquel elle appartenait et qui venait de voir le jour, Rattus Rattus, s’éparpillent aux quatre coins du Canada à cause de la pandémie et de ses effets collatéraux. L’achat à cette époque d’un drum à Wawa – musicien en plus d’être réparateur et confectionneur d’instruments au Recyborg- s’est transformé en un jam qui s’est ensuite transformé en séance de composition.
À ce même moment, Neon et Jack, qui forment désormais un couple -marié- dans la vie, se fréquentaient depuis un certain temps. Iels s’étaient rencontrés juste avant le début de la pandémie, alors que Jack faisait la première partie de Rattus Rattus avec un projet solo de noise ambiant. De son côté, Jack, qui a baigné aussi dans le monde académique -il parait qu’iel se débrouille très bien en latin-, était actif depuis longtemps en tant que booker sur la scène grindcore, screamo et powerviolence.
C’est de la rencontre fortuite de ces trois personnes qu’est né Jetsam. Peut-être, donc, une des seules conséquences positives de la pandémie. Le groupe a connu depuis un changement de garde, après le départ de Wawa et l’arrivée de Marcy, une amie d’amie, issue pour sa part de la scène électronique et screamo (active aussi au sein du très intéressant projet Tachyon). Jetsam a déjà composé avec Marcy plusieurs tracks, qui fonctionnent très bien en concert, et qui seront disponibles à la sortie du prochain LP.
Lorsque je demande à Neon ce qui attend Jetsam pour la suite des choses, elle me donne une réponse en deux volets. Point de vue direction artistique et existentielle, iels souhaitent continuer à investir l’art et la musique comme un outil politique. Jetsam sera toujours, me dit Neon, un groupe qui réagit et qui se positionne par rapport aux événements qui affectent le monde, de l’horizon le plus large jusque dans l’intimité des corps. Bien évidemment, le génocide en Palestine occupe le cœur et l’esprit des membres du groupe. Il s’agit de donner à ce type de préoccupation une traduction efficace et cohérente dans la musique et sur scène. Jack, aussi journaliste à CKUT, consacre entre autres du temps et de l’énergie à faire la couverture des événements en cours à McGill. C’est ce genre d'engagement, entre autres, qui nourrit leur pratique artistique.
Concrètement, un bel avenir semble promis à la formation. Le groupe connaît déjà une reconnaissance sur la scène locale. On a l’occasion de les entendre très fréquemment au Traxide, à la Sotterenea, au Turbo Haüs, à l’Achoppe. En juin dernier, entre autres faits d’armes, iels partageaient l’affiche avec Zulu, ensemble hardcore californien à l’immense notoriété, dont tous les membres appartiennent à la communauté afro-américaine.
Neon me parle aussi de l’importance, pour la vitalité d’un genre musical, de diversifier la scène et la communauté, de manière à renouveler les formes esthétiques et le contenu thématique. Il faut faire avancer, au-delà de l’idée réductrice de «female fronted metal bands», l’inclusivité de la scène punk, métal et hardcore. Il faut également, me dit-elle, continuer à chercher à s’adresser à un public de plus en plus large et ne pas s’asseoir sur la satisfaction et le réconfort de prêcher à des convertis.
Dans les mois qui viennent, iels se produiront en tournée avec le mythique collectif HIRS et avec Sunrot. Iels sont invitées au nouveau festival Prepare the ground à Toronto. Plusieurs autres dates et booking prestigieux, qu’il serait trop long d’énumérer ici, sont également prévus.
Rendez-vous sur le compte Instagram et le Bandcamp du groupe pour connaître les prochaines dates de concerts et de sorties, et pour entendre les deux premiers EP.