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C’est à l’occasion de la réédition début 2019 de ce texte phare de l’auteur, éditeur et journaliste Nicolas Langelier pour la collection Compact des Éditions Boréal, que son livre, logé quelque part entre le roman et l’essai, refaisait surface dans l’univers littéraire québécois. Initialement paru en 2010, l’ouvrage, à la fois concis et savamment structuré, questionne la modernité, son mode de vie et ultimement ses dérives, un propos, qui dix ans plus tard, en fait toujours une lecture âprement d’actualité.
Habile portrait d'une rupture identitaire et générationnelle
« Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles » – dont le titre se veut aussi essoufflant que son thème central – c’est l’histoire de cet homme anonyme de 35 ans, celui qui, après s’être étourdi dans une existence faite de sorties branchées montréalaises, d’artifices urbains et de rédaction de publications culturelles tendances, réalise que cette vie modelée par les diktats des générations X et Y est ultimement futile. Une prise de conscience probablement accentuée par la mort précoce d’un père ayant succombé au cancer et par la perte de cette relation amoureuse tant espérée, de celles qu’on espérait authentiques et solides.
On suit donc au cœur de l’ouvrage les réflexions d’un jeune professionnel désabusé, alors qu’il quitte la métropole et ses espaces de béton à bord de sa voiture, dans cet ultime cliché que représente la fuite physique face aux maux intérieurs. Une balade guidée par l’impulsivité qui mènera le protagoniste du récit jusqu’à son chalet d’enfance, un lieu qui lui est tout aussi réconfortant que confrontant. Et alors que l’auteur de l’œuvre en est un à la démarche atypique, c’est sans surprise qu’on découvre dès les premières lignes du roman le volet essai qui s’y glisse au fil des pages, ce dernier permettant de remettre en perspective les pensées du trentenaire. Ainsi, Nicolas Langelier traite, au détour d’un chapitre, de notre rapport à ce qu’il nomme « l’hypermodernité » sous forme de réflexion philosophique, alors qu’au chapitre suivant son personnage, quasi autobiographique, subit ce rapport dont il tente tant bien que mal de se détacher.
Et comme notre génération se complaît si bien à traiter de façon humoristique et acerbe tout ce qui se veut trop sérieux pour être anodin, l’ensemble du livre est présenté sous la forme d’un manuel de croissance personnelle factice, avec tout ce que le genre peut contenir de « citations inspirantes », « conseils » et « exercices pratiques ». À cela s’ajoute une écriture au conditionnel présent, un temps de verbe qui, tel une injonction, ajoute à l’effet fataliste du propos de l’ouvrage.
Mettre à terre les acquis pour créer l'espace pour le signifiant
L’alternance que Nicolas Langelier présente entre la crise morale de son personnage et la critique à la fois philosophique et sociale dans laquelle celle-ci s’insère est également intéressante, de ce qu’elle permet de personnifier une rupture morale entre l’adulescent – celui qui se vautre dans les plaisirs excessifs d’une jeunesse qui est la sienne – puis l’adulte qu’il devient après une suite d’événements porteurs de sens. Un changement qui s’amorce plutôt drastiquement alors que le protagoniste jette sur cette « hypermodernité » et son mode de vie qu’il a lui-même incarné un regard réprobateur, paniqué, alors qu’il prend conscience du temps attribué à ces choses qui lui paraissent désormais futiles : l’éphémère, l’ironie, le narcissisme et tous ces efforts pour être un bon endroit, au bon moment, mais pour qui et pourquoi vraiment ? Face à cette existence menée sous le couvert des apparences et de la performance, le trentenaire se retrouve perdu, cherchant un sens existentiel à cette vie qui lui paraît dès lors cruellement pressante d’être correctement vécue. Puis on sent que l’histoire se répète, en ce qu’il semble que chaque génération se complaît à haïr ce qu’elle représente. Face à ce constat, que faire ? Comment réapprendre ce qui ne se sait pas encore ? Comment mieux incarner une époque que l’on veut porteuse de sens ? Et ultimement, à quoi bon mener un exposé critique sur ladite époque, sans toutefois y apporter un éclairage nouveau ?
C’est à cette quête que semble se vouer l’écriture de Nicolas Langelier dans ce roman que l’on redécouvre au détour d’un format pratique, ironiquement idéal pour un rythme de vie compact et mobile. Une quête qui se veut un pied de nez à l’insignifiance, à cet infini de possibilités qui se transforme plus souvent qu’autrement en un incessant sentiment de vide à combler et à cette façon de vouloir tout expérimenter s’en réellement s’abandonner à l’intérieur de soi, de l’expérience, de l’autre.
Une quête qui prend la forme d’un manifeste au réapprentissage du temps, de la nature et du cycle de l’existence, qui va à l’encontre de notre conception linéaire et utilitariste du temps.
« Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles », c’est aussi des lignes dans lesquelles on découvre ou retrouve avec plaisir la plume habile et à la désinvolture – ironiquement – réfléchie de l’écrivain Langelier, qui sait traiter même le tragique avec sarcasme et humour. Bien que certaines portions de l’ouvrage ne semblent parfois pas suffisamment vulgarisées pour le propos du texte, l’alternance avec la portion fictive qu’offre son format hybride permet de conserver l’attention du lecteur.
À lire ou relire, « Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles » se veut un livre dont l’éclairage sur notre époque est rafraîchissant, bien qu’il emmène plus de questionnements qu’il n’en résout peut-être réellement.